Président de la Task Force pour la réforme au sein du Mouvement militant mauricien (MMM), Steven Obeegadoo estime que le leader ne peut tout faire et que les attributions de certains postes doivent être mieux définies. Il est aussi d’avis qu’un seul homme ne peut décider de l’avenir d’un parti ou d’un pays.
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47 ans après , le MMM dit être plus fort que jamais et Paul Bérenger sera candidat au poste de Premier ministre. Faites-vous du déni de la réalité au sein de votre parti ?
Est-ce que le MMM est toujours plus fort que jamais ? Certainement pas ! Il faut à tout prix reconnaître, en toute honnêteté, que nous avons connu deux défaites successives depuis 2014. Cela a été un tournant. Tout le débat qui se fait au sein du MMM, depuis, représente ce processus pénible de pouvoir s’entendre sur les leçons à tirer et de penser aux moyens de relancer le parti, l’idée étant de reconquérir son électorat traditionnel pour aller au delà des 44 % des suffrages obtenus en 2010.
Le parti tente de reconstruire sa base électorale, d’où le congrès de dimanche qui a rassemblé les militants « hard core ». L’événement a été organisé dans « l’unité » car actuellement, au MMM, il y a des conservateurs, mais aussi des réformistes – dont je fais partie – qui veulent d’un parti qui puisse se réinventer pour relever les défis du présent et de l’avenir.
Avec Bérenger comme candidat au poste suprême ?
Le leader s’appelle Paul Bérenger. Il est tout à fait normal qu’il soit ce candidat. Personne ne sait quand viendront les prochaines élections et quelle sera la configuration des forces politiques à ce moment-là.
À force de répéter le même slogan, le parti ne va-t-il pas finir par effaroucher les rares fidèles ? Et les jeunes qui ne s’identifient pas forcement à Bérenger?
À Maurice, il y a la soif d’un renouvellement de tout le discours politique. Pas uniquement pour le MMM. Les enjeux sont importants car d’une élection à l’autre, le taux de participation ne cesse de diminuer. Il y a une désaffection, voire un certain cynisme vis-à-vis de la chose politique, qui m’inquiète profondément. Il faut que l’on puisse répondre à cette attente.
Au MMM, j’ai présidé une Task Force qui s’est longuement penchée sur les conditions de la relance. Une de nos recommandations clés, c’est de repenser notre communication et de la professionnaliser. Voilà ce qui est pour la forme. Elle ne représente évidemment rien sans le contenu. Nous avons proposé de redéfinir ce qui est le socle du MMM : l’idéologie, les idées fortes, les propositions programmatiques, les valeurs et les principes.
Zouberr Joomaye a énuméré les défaites répétées du MMM pour justifier son départ. Quelles sont ses vraies raisons, selon vous ?
J’essaie de lire entre les lignes. Les propos de Zouberr Joomaye reflètent une frustration. Celle d’une personnalité politique qui voit son parti accumuler des défaites, qui ne perçoit pas des perspectives immédiates de victoire et qui se dit qu’elle n’est pas en politique pour faire de l’opposition mais pour jouer un rôle concret. Sa démarche est légitime si l’on raisonne en termes d’ambition politique individuelle. Où cela pose problème – et je le lui ai dit car il est un ami –, c’est son choix de démissionner deux jours avant le congrès anniversaire du parti. C’est moche. Cela donne l’impression d’un désir délibéré de faire du mal au parti qui l’a fait élire député.
Certains pensent que la politique, c’est l’avancement individuel. Pour moi, c’est un engagement collectif. Zouberr Joomaye aurait pu partir avec Alan Ganoo il y a un an. Ou se joindre à ceux qui, comme moi, luttent de l’intérieur pour relancer le parti depuis deux ans.
«Il ne suffit pas de dire et faire les mêmes choses qu’il y a 30, 40 ans...»
Il invite les dinosaures à prendre leur retraite et aux jeunes de bonne volonté à prendre la relève. Son discours vous a-t-il interpellé ?
Je comprends son discours mais il faut le situer et ne pas en faire une question de personnalité. Je ne crois pas à la politique des grands hommes. Ce qui était peut-être vrai depuis le 17e siècle ne l’est plus au siècle présent.
Qu’est-ce que Joomaye a apporté au parti ?
Il a été l’une des figures du renouvellement du MMM aux élections de 2014. Il est un médecin respecté et dans les discussions que nous avons eues sur la politique publique de la médecine et de la santé, il a eu son apport. Pour le reste, il faut s’adresser au secrétariat du parti.
Le MMM s’attaque au Parti mauricien social-démocrate (PMSD) ? Serait-ce un signe que vous le voyez comme une menace ?
Être un parti national à Maurice est un défi permanent car le démon castéiste, communaliste et raciste sommeille derrière toutes les portes. Le PMSD cherche à devenir un parti national, c’est tant mieux pour le pays et pour la démocratie. Le MMM n’avait pas choisi la date de son congrès en fonction de celui du PMSD. Dès lors, il est apparu aux yeux du public qu’il y avait une compétition de foules entre les deux partis. Que le MMM critique le PMSD et vice-versa, c’est dans la logique des choses.
Que fait le parti de vos idées de réforme?
Il y a une volonté de renouvellement depuis les élections de 2014. Ceux qui ont estimé qu’ils ne pouvaient faire avancer leurs idées sont partis. La Task Force dont j’ai réclamé la présidence a donné la parole à chaque membre du MMM. Un rapport a été déposé pour un big bang politique afin de permettre au parti de se réinventer. En redéfinissant son identité au 21e siècle, de nouvelles modalités de fonctionnement démocratique et pour répondre aux aspirations de la population, en démontrant qu’on peut faire de la politique autrement, avec l’écosocialisme, la parité d’ici 15 ans à tous les niveaux du parti, un code de conduite, le financement, un quota pour les handicapés et les jeunes…
Cinq mois après, qu’est-ce qui a changé ?
Le rapport a été débattu au bureau politique. La direction s’est engagée à organiser un débat au comité central et puis une assemblée de délégués spéciale après le congrès anniversaire. Cela va être soulevé ce samedi au comité central. Je me prépare à aller défendre les idées avancées. Ces propositions visent à faire du MMM un parti qui gagne. Il y a des conservateurs qui pensent qu’avec le temps, le gouvernement va dégringoler et que le MMM, en opérant de la même manière que dans les années 70 et 80, va devenir le premier parti, le parti majoritaire du pays. D’autres, comme moi, estiment qu’il ne suffit pas de dire et faire les mêmes choses qu’il y a 30, 40 ans, et qu’il faut un coup de neuf.
Sir Anerood Jugnauth va se retirer. Qu’en est-il de Bérenger ? Surtout après votre proposition d’un mandat de dix ans comme leader. A-t-il l’intention de céder sa place ?
Il faut lui poser la question directement. Sir Anerood a 86 ans. Il a bien servi le pays. L’Histoire retiendra qu’il a eu une contribution énorme au développement du pays. Paul Bérenger a 71 ans. Il s’estime assez fort pour poursuivre la lutte qui est la sienne depuis longtemps. J’ai toujours refusé de faire de l’impératif de la réforme du parti une question de personnalité. Réduire les propositions de réformes à ceux qui sont pro-Bérenger et anti-Bérenger fausserait le débat.
Que Bérenger reste ou qu’il soit remplacé par X, Y ou Z, la question de fond demeure : le MMM fonctionne-t-il d’une façon qui lui permettra de redevenir un parti qui gagne dans une île Maurice qui a changé et qui a évolué ? Je ne pratique pas la langue de bois et je vais vous répondre : personne ne nie l’efficacité des Private Notice Questions de Bérenger, son expérience parlementaire et ses qualités de leader de l’opposition. Cela dit, à 71 ans, il serait tout à fait injuste de lui imposer d’être l’homme à tout faire du MMM. C’est pour cela que dans les propositions de réforme, les responsabilités de chaque poste doivent être bien définies…
Et si votre leader adore être l’homme à tout faire ?
… qu’il y ait une répartition des tâches car il y a une somme insoupçonnée de compétences au sein du bureau politique et du comité central. Je souhaite qu’une redistribution des tâches permette à tout un chacun de contribuer à la relance du MMM.
Vous êtes considéré comme le mieux placé pour être le futur leader du MMM. Avez-vous songé à cette éventualité ?
Vous me flattez. Je ne crois pas au poste de leader. Un homme ne peut décider du destin d’un parti ou d’une nation, ce temps est révolu. Ce modèle politique est dépassé. Je souhaite jouer un rôle au sein d’une équipe qui pourra réinventer le MMM et faire de l’île Maurice, demain, une société autrement plus moderne et juste que celle d’aujourd’hui.
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