Sharvan Boyjoonauth, ambassadeur mauricien de la musique carnatique

En moins de six mois, la musique carnatique a conquis la communauté tamoule de Malaisie, grâce à des concerts de notre compatriote Sharvan Boyjoonauth. Le chanteur revient d’une tournée de concerts à Puchong, à Kuala Lumpur, invité par une association socioculturelle.

« Lorsque les passionnés de musique invitent un artiste étranger, ils ne regardent pas à la dépense », explique Sharvan Boyjoonauth, rencontré le 10 avril, soit le lendemain de son retour à Maurice. En effet, ce sont les membres de  Malaysia Suntharam Sivayoga Ashramaman qui ont pris en charge le prix du billet, l’hébergement, l’alimentation et les déplacements internes à Kuala Lumpur du jeune chanteur.

Le jeune trentenaire en est à sa deuxième visite en Malaisie. La première était sous l'initiative de deux jeunes Malais, Karthiga Candasamy, joueuse de veena, et Krishtinen Shanmuga, violoniste et guitarise, avec lesquels il s'est lié amitié durant ses études de chant à Chennai. « Ils étaient également étudiants. Chez eux, ils ont découvert mes chansons sur Facebook. Comme ils sont eux-mêmes membres de l’Ashramaman, ils ont convaincu l’association de m’inviter », raconte Sharvan. La première visite, en novembre 2017, a duré cinq jours et l’a emmené à Brickfield, une localité surnommée « Little India », à Kuala Lumpur où il a donné deux concerts devant des férus de musique carnatique en interprétant des morceaux religieux et à moitié carnatique.

Deux concerts à Brickfield ont suffi pour qu’il soit rappelé en mars cette année dans la capitale malaise. Mais cette fois, l’association a voulu que, durant son séjour, il forme des jeunes aux vocalises, explique-t-il.  « C’était un grand honneur,  car ils ont fait confiance en ma capacité de ‘vidwan’, un titre que m’a décerné mon école de Tamil Nadu. Il fallait aussi que je sois à la hauteur de cette responsabilité. »

Mais Sharvan a été à bonne école, parmi les plus rigoureuses du Tamil Nadu, où seuls sont admis ceux et celles qui font preuve d’obéissance, de discipline et d’écoute face aux maîtres. « Dans toutes les écoles où on enseigne la musique sacrée en Inde, les élèves sont triés sur le volet, confie-t-il. J’ai eu beaucoup de chance car en Inde, on se bouscule au portillon. »

À Puchong, cette fois, il alterne concerts dans le pur registre carnatique et les cours dispensés aux petits, presque tous issus des familles de commerçants et de fonctionnaires. « Les petits élèves avaient tous la culture de la musique carnatique, de la chanson. Ils connaissaient le ‘taal’, mais ils ne savaient pas chanter. Il fallait faire attention à la rigueur, ils venaient pour apprendre avec le plus grand sérieux. C’était des cours rapides où il fallait mettre l’accent sur l’essentiel », raconte-t-il.  En Malaisie, il s’est rendu compte de l’importance de Krishtinen, qui est un immense producteur de film malais, récompensé par des awards dans son pays. « C’est un pays où se mêlent allègrement la musique malaise, les chansons tamoules et celles de Bollywood », fait-il observer.

Pourra-t-il s’assurer du suivi de ces jeunes, évaluer leur parcours et les accompagner, maintenant qu’il est rentré à Maurice ? « J’ai fait de mon mieux pour les initier aux bases, ils ont la volonté de réussir, mais comme à Maurice, il leur manque des occasions de concerts pour mesurer leur progrès », regrette Sharvan.

S’il revient de ces tournées indispensables à tout artiste pour mettre son potentiel à l'épreuve, Sharvan se garde bien de toute ivresse que procurent ses prestations. « Quand je rentre à Maurice, j’ai le sentiment de remettre les pieds dans un désert culturel où il ne se passe rien. J’ai les bras qui me tombent, je sombre à nouveau dans le vide désespérant. J’ai de plus en plus la conviction que rien n’est organisé pour les artistes qui sont dans mon registre. Il a fallu sonner aux portes de l’Alliance française pour qu’on nous offre un espace pour un concert de musique fusion qui a d'ailleurs fait salle comble », lâche-t-il.