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Sabrina Quirin-Lecellier : «La ménopause souffre d’un grand manque d’encadrement»

La ménopause reste un sujet entouré de pudeur, selon Sabrina Quirin-Lecellier, fondatrice et accompagnatrice de MenoWISE. Elle souligne l’importance d’une meilleure compréhension de cette phase de vie, tant pour les femmes que pour leurs partenaires, afin d’améliorer leur bien-être.

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Qu’est-ce qui vous a poussée à créer MenoWISE ?
C’est à partir de mon propre parcours. Je me sentais seule face à cette phase de vie que je traversais. Je ne savais pas où trouver des informations ni vers qui me tourner. Certains symptômes ne sont pas immédiatement associés à la périménopause ou à la ménopause. On peut alors penser qu’il y a un problème de santé, sans faire le lien avec la ménopause. Il n’existait pas de structure d’accompagnement, ce qui accentuait ce sentiment d’isolement.

Quand j’ai compris que j’étais en pleine ménopause, j’ai commencé à approfondir mes recherches, notamment auprès des pharmaciens et médecins. Je me suis également documentée et j’ai échangé avec de nombreuses personnes à l’étranger. C’est ainsi que j’ai pu mieux comprendre ce que je traversais et j’ai constaté un grand manque d’encadrement et d’informations sur le sujet. 

Une fois que j’ai réussi à mieux gérer ma ménopause, j’ai suivi une formation en management de la ménopause pour devenir accompagnante. Après avoir affronté seule ces difficultés, je voulais aider d’autres femmes dans la même situation. C’est dans cette optique que j’ai décidé de mettre en place une structure d’accompagnement.

MenoWISE est la première structure officielle dédiée à la ménopause à Maurice. En quoi cette initiative est-elle nécessaire ?
C’est la première initiative de ce genre à Maurice. Certes, les femmes peuvent consulter des gynécologues ou d’autres spécialistes, mais ces derniers ne sont pas nécessairement des accompagnants.
Cet accompagnement est essentiel, car il aide les femmes à identifier leurs symptômes, à les comprendre et à accepter que la ménopause n’est pas une maladie. Toutefois, si elle n’est pas bien gérée, elle peut entraîner des complications médicales. Grâce à cet accompagnement, les femmes peuvent mieux comprendre leur corps et savoir pourquoi elles ressentent certains symptômes, comme des absences, un brouillard cérébral ou des douleurs articulaires, entre autres.

Une fois que la femme a identifié ses symptômes, elle peut choisir la manière dont elle souhaite gérer sa ménopause et explorer les options disponibles pour mieux la vivre. Il existe plusieurs solutions en matière de traitements et d’accompagnement. Avec MenoWISE, les femmes auront une vision plus claire des ressources disponibles à Maurice. 

Parfois, une femme ménopausée peut se sentir diminuée, car nous vivons dans une société où le « jeunisme » est valorisé. Entre 40 et 55 ans, certaines ont l’impression de vieillir prématurément, car c’est l’image que la société leur renvoie. Certes, l’organisme vieillit, mais la femme n’a pas à subir passivement les manifestations de la ménopause. Elle doit apprendre à les gérer pour mieux vivre cette transition.

MenoWISE aide les femmes à comprendre ces changements, mais ne se substitue pas aux professionnels de santé. En revanche, grâce aux informations et aux outils mis à leur disposition, elles seront mieux armées pour poser les bonnes questions à leur médecin.

Vous avez évoqué des maladies qui peuvent survenir si la ménopause est mal gérée. Quelles sont-elles ?
Trois grandes maladies sont associées à la ménopause : l’ostéoporose, les maladies cardiovasculaires et la maladie d’Alzheimer. Ces pathologies sont favorisées par la carence en œstrogènes, une hormone essentielle au bon fonctionnement du corps féminin.

Lors de la ménopause, l’arrêt des règles entraîne une diminution du taux d’œstrogènes, ce qui affecte plusieurs organes et systèmes du corps, et  accroît les risques de maladies. Prendre en main sa ménopause, c’est donc aussi une manière de prévenir ces affections et de préserver sa santé à long terme.

Quels sont les mythes les plus répandus sur la ménopause ?
On entend tout et son contraire au sujet de la ménopause, qui a longtemps été abordée de manière négative et suscite encore de nombreuses craintes. Pourtant, la ménopause n’est qu’une étape naturelle de la vie d’une femme et ne devrait pas être perçue comme effrayante.

En matière de traitement, plusieurs options existent. Parmi elles, le traitement hormonal, qui se décline sous différentes formes. Malheureusement, ce traitement est souvent associé au risque de cancer du sein, en raison d’une étude menée il y a 25 ans aux États-Unis auprès de plusieurs milliers de femmes présentant déjà des comorbidités. Les traitements administrés à l’époque étaient relativement anciens et inadaptés à leur profil.

Aujourd’hui, les traitements hormonaux ont beaucoup évolué et sont recommandés aux femmes souffrant de symptômes très handicapants liés à la ménopause, qui impactent leur quotidien et peuvent entraîner d’autres problèmes de santé. Il est essentiel de déconstruire cette perception erronée des traitements hormonaux et de rappeler que la médecine a progressé, tout comme les solutions disponibles. 
MenoWISE ne privilégie pas une solution plutôt qu’une autre, mais adopte une approche holistique. Si, dès l’âge de 30 ans, une femme commence à prendre conscience de l’importance de son alimentation et de son hygiène de vie, elle vivra mieux sa ménopause et ses symptômes seront moins contraignants.

Quelles sont les principales difficultés que rencontrent les femmes ménopausées ? 
La principale difficulté réside dans le fait que les femmes ne savent pas vers qui se tourner. Beaucoup traversent la ménopause seules, car, d’une part, certaines éprouvent une grande pudeur à en parler. D’autre part, lorsqu’une femme consulte un médecin, elle ne mentionne pas toujours sa ménopause, souvent parce qu’elle ne parvient pas à identifier ses propres symptômes. Grâce à la plateforme mise en place par MenoWISE, certaines femmes comprennent mieux cette étape de leur vie.

Dans un parcours médical classique, une femme consulte généralement un médecin lorsqu’elle commence à ressentir des palpitations (tachycardie), des troubles cognitifs (brouillard cérébral, pertes de mémoire) ou une anxiété excessive. Ces symptômes font partie des manifestations possibles de la ménopause, mais bien souvent, le médecin prescrira des calmants. Les examens du cœur ou les analyses sanguines ne révéleront rien d’anormal, alors que la patiente ressent pourtant un mal-être réel. Les médecins eux-mêmes ne font pas toujours le lien entre ces symptômes et la ménopause, les attribuant à d’autres pathologies.

Les femmes sont également exposées à une multitude de conseils contradictoires. Or, il n’existe pas de traitement universel pour la ménopause : chaque femme est unique et doit bénéficier d’un accompagnement personnalisé en fonction de ses symptômes et de son état de santé. Ce qui convient à l’une ne conviendra pas nécessairement à une autre.

L’accès aux traitements et aux conseils adaptés est encore insuffisant. Les traitements existent, mais beaucoup de femmes n’en ont pas connaissance. À Maurice, l’éventail des solutions reste limité, mais il est possible d’avoir accès à un traitement hormonal sous différentes formes. 

Des traitements sont disponibles en parapharmacie, mais soit les femmes ne sont pas au courant de leur existence, soit elles les utilisent mal. L’automédication est fréquente, et il n’existe pas toujours de véritable accompagnement pour guider les patientes dans le choix et l’utilisation des produits. Or, avant de prendre un traitement, il est essentiel d’être bien informée et d’en discuter avec un professionnel de santé. Il faut également savoir choisir la marque des produits et comprendre leur mode d’action.

Par ailleurs, il est important de rappeler que les compléments alimentaires ne sont pas des médicaments et ne sont pas réglementés. Il est donc crucial de bien les choisir et d’adopter une alimentation adaptée pour maximiser leurs effets. L’aspect nutritionnel joue un rôle clé dans la gestion de la ménopause. C’est pourquoi MenoWISE sensibilise les femmes en situation de précarité économique et leur propose des solutions accessibles pour adopter une alimentation saine et équilibrée, sans pour autant dépenser des sommes importantes.

Lors de mes rencontres avec des femmes vivant dans des zones défavorisées, je constate qu’elles n’ont souvent pas accès à l’information. Pour beaucoup d’entre elles, la ménopause n’est pas une priorité, et cela concerne aussi certaines femmes issues de milieux plus favorisés. MenoWISE leur explique quelles habitudes alimentaires adopter et quelles activités physiques pratiquer pour atténuer leurs symptômes à moindre coût.

Ces conseils ne permettent pas d’éliminer totalement les symptômes de la ménopause, mais ils aident les femmes à mieux les gérer, à comprendre ce qu’elles traversent et à reprendre le contrôle sur leur bien-être.

Votre approche repose sur l’accompagnement et la sensibilisation. Pouvez-vous nous donner des exemples d’actions déjà mises en place ?
Il y a des sessions « one-to-one » qui se déroulent depuis l’année dernière. Nous avons été officiellement enregistrés en septembre 2024, mais je menais déjà des actions de sensibilisation depuis plus d’un an. Il y a également des initiatives sur le terrain, où j’ai animé des sessions de sensibilisation. 

Travaillez-vous avec des professionnels de santé comme des médecins, des psychologues ou des nutritionnistes ? 
Pour le moment, non. MenoWISE vient d’être lancée. C’est une entité d’accompagnement. Nous ne proposons pas toutes les solutions sous un même toit. L’accompagnement est un élément essentiel. À ce propos, nous proposons un premier Meno Talk ce dimanche 2 mars. Cette sensibilisation est importante, car certaines femmes entrent en ménopause assez tôt. De même, certaines filles ont leurs premières règles précocement.

À terme, nous souhaitons aborder la question de la ménopause au travail, car ce sujet est encore trop peu traité à Maurice. La ménopause peut impacter la productivité des femmes en emploi.

Comment évaluez-vous l’impact de votre initiative sur les femmes que vous accompagnez ? Si une femme souhaite rejoindre MenoWISE ou bénéficier de vos services, comment peut-elle procéder ?
Jusqu’ici, nous avons accueilli des femmes issues d’horizons divers et de milieux professionnels variés. Nous sommes égales face à la ménopause ; c’est un cycle inévitable qui concerne près d’un tiers de la vie d’une femme.

Les femmes que j’ai eu l’occasion d’accompagner me disent qu’elles comprennent mieux leur situation, les symptômes et leurs réactions. Ce qu’elles retiennent, c’est qu’il est possible de bien vivre tout en étant ménopausées. 

Pour rejoindre MenoWISE, il suffit de se rendre sur notre page Facebook et de faire une demande d’adhésion.

Quels sont les projets futurs de MenoWISE ? 
Ce premier Meno Talk sera un tremplin, car des professionnels de santé seront présents, notamment un gynécologue et un représentant d’une pharmacie. Par la suite, nous ferons appel à d’autres experts en yoga et en nutrition. La ménopause suppose une activité physique régulière et une alimentation adaptée.

L’aspect holistique est également à prendre en compte, notamment à travers les approches proposées par la médecine ayurvédique. Il existe plusieurs cliniques ayurvédiques dans les centres de santé publics, vers lesquelles les femmes pourraient se tourner. D’autres approches comme l’acupuncture ou la médecine chinoise, qui cherche l’équilibre entre le Yin et le Yang, méritent aussi d’être étudiées.

Le partage des connaissances entre professionnels de différentes médecines peut être bénéfique, car certaines femmes refusent les traitements hormonaux pour diverses raisons et préfèrent des solutions naturelles. Nous pourrions ainsi solliciter des spécialistes en phytothérapie pour apporter leur expertise. Il y a encore beaucoup de sujets à aborder.

Comment financez-vous vos activités ? 
MenoWISE n’est ni une ONG ni une association, et ne recherche pas de bailleurs de fonds pour fonctionner. C’est une entité officielle qui, je l’espère, pourra un jour disposer d’une structure physique regroupant toutes les ressources sous un même toit. 

Pour l’instant, l’accompagnement ne nécessite pas de financement. Les femmes prennent rendez-vous, nous nous rencontrons et nous discutons individuellement. J’interviens aussi sur le terrain, notamment auprès des personnes vivant dans des zones défavorisées, et ces prestations sont totalement gratuites.

Pour le Meno Talk, par exemple, nous sommes accueillis dans un commerce, et l’entrée est payante. Mais en dehors de cela, nous n’avons pas besoin de financement pour mener nos campagnes ou nos actions.

La ménopause reste un sujet tabou. Selon vous, pourquoi est-ce le cas ?
Je ne dirais pas que c’est un sujet tabou, car cela a une connotation d’interdiction. Aujourd’hui, il n’est pas interdit de parler de la ménopause. Il ne l’a jamais été, mais on n’en parle pas suffisamment, selon moi. En revanche, il y a une certaine pudeur ; certaines personnes n’osent pas en parler parce qu’elles ont honte.

La ménopause n’étant pas considérée comme une maladie, on néglige souvent les pathologies associées. Elle n’est alors pas une priorité, car elle est perçue comme une étape normale dans la vie d’une femme. De ce fait, on ne réalise pas l’importance de parler de la ménopause.

Comment changer cette perception afin de pouvoir en parler plus ouvertement ?
Il faut rétablir les choses, car la femme fait partie intégrante de la vie de tout le monde. C’est un être humain à part entière, un pilier dans son foyer, qui travaille et participe à l’économie. Et la ménopause, qui la concerne directement, a un impact sur sa vie, mais on ne s’en rend pas compte. Si elle évoluait dans un environnement plus compréhensif, elle pourrait mieux appréhender et gérer sa ménopause. Il ne faut pas oublier que cela impacte aussi son conjoint, si elle est en couple.

Comment le partenaire peut-il mieux accompagner sa conjointe durant cette phase ?
La femme doit d’abord comprendre elle-même ce qu’elle vit. Une fois qu’elle en a conscience, elle pourra l’expliquer à son partenaire. Si la femme ne sait pas précisément ce qu’elle a, si elle se contente de savoir qu’elle est ménopausée sans comprendre que toutes ces transformations sont liées à cette phase, comment pourra-t-elle en discuter avec son conjoint ? 

Qui dit ménopause dit aussi sexualité, un sujet majeur, car cette période peut entraîner une sécheresse et une atrophie vaginales, ce qui complique les rapports sexuels. Le partenaire peut ne pas comprendre la raison de cette baisse de libido, pourquoi sa conjointe le repousse souvent, ou pourquoi les rapports deviennent difficiles. Si la femme est consciente de ce qu’elle traverse, le couple pourra avoir un dialogue plus ouvert et chercher ensemble des solutions pour préserver son intimité.

Généralement, les deux partenaires évoluent ensemble dans les différentes étapes de la vie. Tandis que la femme traverse la ménopause, l’homme passe par l’andropause. Si la femme comprend bien sa ménopause, elle pourra expliquer à son conjoint les changements qu’il connaîtra à son tour autour de 45 ans : les sueurs nocturnes, l’augmentation de la graisse viscérale, la prise de ventre, qui sont similaires à certains effets de la ménopause.

Tout comme la femme, l’homme ne traverse pas cette phase facilement. Il est donc essentiel qu’il y ait une réelle compréhension mutuelle de ce cycle, afin qu’ils puissent mieux se soutenir l’un l’autre. 

 

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