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Retour dans le passé - «Motherland» : le mystère de la création

Il est entonné lors de l’assemblée des écoliers chaque matin, les cérémonies protocolaires ou dans tout autre lieu où l’âme mauricienne est mise en avant, avec le quadricolore. L’hymne national a toute une histoire. Rencontre avec l’auteur de la musique et celui des paroles.

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C’est en leur résidence  à Quatre-Bornes que nous rencontrons Philippe Gentil et Jean-Georges Prosper. Deux hommes empreints d’humilité et d’humour qui nous content la création de l’hymne national mauricien. Cet hymne qui sera entonné le 12 mars prochain, à l’occasion des célébrations du 50e anniversaire de l’indépendance de Maurice.

Tous deux utilisent pratiquement les mêmes mots pour relater ce qui s’est produit à la fin de 1967 et au début de 1968. Philippe Gentil a écrit la musique et Jean-Georges Prosper les paroles, mais comme dans la phrase d’une chanson, ils diront chacun de leur côté : « Les paroles et la musique s’emboîtaient comme les pièces d’un puzzle que l’on assemble. C’est Dieu qui nous a inspirés. »

Philippe Gentil, qui a fêté ses 90 ans le 9 février dernier, se souvient, comme si c’était hier, de la façon dont il a composé la musique de l’hymne national. « J’avais pour habitude de marcher et de fredonner des chansons ou des mélodies que j’entendais. De retour à la maison, j’écrivais la musique. Un jour, en marchant, j’ai eu cette mélodie en tête. Le soir, avant de me coucher, cet air m’est revenu. Pour ne pas l’oublier, je suis rapidement sorti du lit pour écrire les partitions. J’en ai écrit une bonne partie. Le lendemain, j’ai fini ma composition. »

Musique et paroles concordaient

À aucun moment, insiste-t-il, il n’écrivait une musique pour l’hymne national mauricien. « J’aime bien l’hymne anglais, God Save the Queen. Jamais l’idée ne m’est venue que ma musique serait retenue pour l’hymne national mauricien. » Après avoir complété son œuvre le lendemain, il a demandé à des amis qui faisaient alors partie de l’orchestre de la police de l’interpréter. Philippe Gentil confiera que le maestro Philippe Ohsan lui a même lancé : « C’est comme si c’était notre futur hymne national. »

En 1967, les autorités recherchaient un hymne qui serait retenu pour les célébrations de l’indépendance du 12 mars 1968. Le Dr Seewoosagur Ramgoolam lance ainsi un concours public de musique et de paroles.

Philippe Ohsan qui avait déjà écouté la musique de Philippe Gentil lui demanda deux jours plus tard de chanter le poème qu’avait écrit Jean-Georges Prosper sur la mélodie en question. Grande a été la surprise des deux hommes de découvrir que la musique et les paroles concordaient.

Philippe Gentil a donc été le premier Mauricien à chanter l’hymne national. Alors que les années passent, il regrette parfois que l’hymne ne soit pas interprété dans sa version originale. Il estime que ce serait une bonne chose qu’il soit invité à jouer sa musique dans les écoles, dans l’intérêt de la nation.

L'avis de SSR

Jean-Georges Prosper, qui fêtera ses 85 ans le 23 août prochain, parle de mystère quand il décrit la production de l’hymne national. « J’avais écrit un poème de trois versets qui célèbre l’indépendance de l’île Maurice. On n’a retenu que le premier et la musique de Philippe Gentil concordait parfaitement avec les paroles. C’est ce que j’appelle le mystère de la création de l’hymne national », confie l’écrivain et poète qu’on ne présente plus.

Selon ce dernier, il est heureux et fier d’avoir conçu une œuvre qui honore le pays pour son indépendance et la République depuis 26 ans. En effet, l’île Maurice, dont il reste amoureux et qui l’a vu grandir, est pour lui un pays riche de par son héritage culturel. D’ailleurs, les œuvres de Jean-Georges Prosper parlent presque toutes des contributions apportées à la construction de la nation.

Dans son ouvrage intitulé Gloire à la Mère Patrie, Jean-Georges Prosper écrit : « (…) le pays Maurice, libre, indépendant ; un pays qui a sa place entière, bien à lui, à côté des autres pays du monde, avec son propre drapeau, son propre hymne national… »

L’hymne a d’abord été écrit en anglais. Puis il a été traduit en français, en hindi et en d’autres langues ancestrales. Chacun des vers du poème rend hommage au pays, à sa lutte pour l’indépendance et à ses réalisations. 

Le 12 mars 1968, l’orchestre de la police, dirigé par l’inspecteur Freddy Lorrens, a joué l’hymne national devant les Mauriciens rassemblés au Champ-de-Mars. Quelques jours après les festivités, Jean-Georges Prosper a demandé à sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR) son avis sur les paroles. Il se remémore cet échange avec une pointe d’émotion. « Je lui ai demandé : "Alors chacha, ou kontan ?" La réponse que SSR lui donnera résonne encore à ses oreilles : "To finn ekrir enn zoli kitsoz pou to pei" ».

À l’occasion des célébrations du 50e anniversaire de l’indépendance, Jean-Georges Prosper souhaite adresser le message suivant à son pays : « Vive l’éblouissant progrès de Maurice, Rodrigues et Agaléga, qui ne cesse de nous assurer un avenir de plus en plus glorieux ! »


Portraits

Philippe Gentil, l’autodidacte

Philippe Gentil

Philippe Gentil est violoniste. Mais il jouait également comme trompettiste dans le Police Band, où il a d’ailleurs fait ses débuts en 1952. Passionné de musique classique, il a toujours écrit les mélodies qu’il entendait. Il a appris le solfège seul. Marié à Claudette, il a eu deux enfants, Mario et Marie-Danielle (décédée l’année dernière). Philippe Gentil a été fait Member of the Order of the British Empire (MBE) ; Officer of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean (OSK) et Commander of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean (CSK).

Jean-Georges Prosper, un écrivain accompli

Jean-Georges Prosper

L’écrivain et poète Jean-Georges Prosper est Docteur-ès-lettres (Paris-Sorbonne). Commandeur des Palmes académiques françaises, il a été conseiller culturel à l’ambassade de Maurice à Paris. Jean-Georges Prosper est rentré au pays en juin 2015. Tout comme Philippe Gentil, il a été fait Member of the Order of the British Empire (MBE) et Commander of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean (CSK). Jean-Georges Prosper est marié à Jeanine. De leur union sont nés trois enfants : sœur Aurette qui est religieuse, Edouard qui est cadre informatique en France et Elvita qui est employée de banque. L’écrivain a deux petits-enfants, Xavier et Yann.

 

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