Interview

Raj Ramrachia, président de CANMA: «On reçoit souvent des coups de poignard dans le dos»

Businessman mauricien très connu et vivant actuellement en Afrique du Sud, le fondateur de l’association CANMA, qui œuvre en faveur des patients atteints de cancer, explique la raison de son engagement. Raj Ramrachia revient aussi sur son passé controversé. [blockquote]« Varma était mon ami. Il a fait appel à moi et j’ai répondu à cet appel »[/blockquote] Pourquoi un riche homme d’affaires, sûrement très pris, s’investit-il autant dans la lutte contre le cancer ? On ne peut pas dire que je suis riche. Par contre, mon cœur est riche en compassion. Il déborde d’amour. Mon parcours a fait que j’arrive facilement à me mettre dans la peau des gens, de ceux qui souffrent. On m’a déjà diagnostiqué un cancer et donné peu de temps à vivre. Mes enfants étaient jeunes. J’ai connu l’angoisse de ceux qui sont ‘condamnés à mort’. C’est une étape de la vie qui vous change profondément. Mais bien avant ce diagnostic, je recevais à la maison, en Afrique du Sud, bon nombre de Mauriciens qui venaient se faire soigner ou que je faisais venir pour des soins médicaux. Quand on a réalisé qu’il y avait erreur sur le diagnostic et que je n’avais pas de cancer, je me suis dit que Dieu m’a peut-être mis dans une telle situation pour que je puisse mieux comprendre et aider les patients atteints de cancer. Quel constat faites-vous concernant le cancer à Maurice ? Je ne veux offusquer personne et ne parlerai pas d’un pays en particulier. Mais je suis toujours choqué et bouleversé de constater qu’une personne qui développe un cancer dans un pays riche, où le service médical est très avancé, peut survivre. En revanche, une personne qui vit dans un pays pauvre va sûrement mourir, si elle a le même type de cancer. C’est terrible et révoltant, surtout quand il s’agit d’enfants. Parmi les facteurs de risque associés au cancer figurent les pesticides. Les autorités doivent-elles prendre des mesures ? Je ne suis pas là pour faire la leçon. Je crois qu’il y a une prise de conscience mondiale concernant l’utilisation des pesticides et des insecticides. Le lien entre ces produits sur les légumes et les fruits locaux ou importés et le cancer est avéré. À Maurice, les autorités prennent déjà, je crois, des mesures pour avoir un meilleur contrôle. Il faut aussi vérifier le taux de métaux lourds dans le poisson que les Mauriciens mangent, qu’il soit pêché localement ou importé. Faut-il aussi identifier les facteurs de risque associés à cette maladie dans le contexte local ?    Définitivement ! Plusieurs facteurs de risque sont connus, mais Maurice a un contexte et un mode de vie différents. Jusqu’ici, on n’a pas encore fait des études sur les raisons pour lesquelles le cancer a subitement explosé à Maurice, surtout parmi les femmes. Il est grand temps qu’on s’y mette ! La campagne d’affiches de CANMA dans le cadre de la Journée de lutte contre le cancer est axée sur des personnalités locales. D’où la perception que l’association a « glamourisé » ce combat. Était-ce le meilleur moyen d’atteindre vos objectifs ?   Connaissez-vous l’histoire du père et de ses deux fils qui conduisaient leur âne à la foire pour être vendu ? Quand ils marchaient à côté de l’animal, on les a traités d’imbéciles qui ne profitaient pas de leur âne. Quand ils sont montés sur le dos de l’animal, on les a traités d’hommes sans cœur et accusés de maltraitance. Ils ont fini par mettre l’âne sur leurs épaules pour le transporter. Là, on les a traités de fous. Tout cela pour dire que vous serez critiqué, quoi que vous fassiez. Je crois que notre campagne d’affiches a donné les résultats escomptés. Nous avons pu réunir 10 400 personnes, le jeudi 4 février au Gymkhana, sans mettre de bus gratuits à la disposition des participants, sans leur offrir du briani et sans promesse d’emploi ! CANMA vient s’ajouter à d’autres ONG militant contre le cancer. N’y a-t-il pas risque de concurrence ? Est-ce dans l’intérêt des malades d’avoir autant d’ONG pour un même combat ?   Le cancer est un domaine très vaste et il y a énormément à faire. Je ne crois pas qu’il y aura de concurrence, tant que chaque ONG se cantonne à sa mission et que les actions ne se chevauchent pas. L’unité faisant la force, pourquoi ne pas vous regrouper en une seule plate-forme pour mieux sensibiliser et combattre ce fléau ?   C’est une question qu’il faut poser à tout le monde à la fois. Abordons un aspect plus personnel… Qui est Raj Ramrachia ? C’est un homme qui a connu la misère et qui a réussi à la force de ses poignets. C’est un homme qui sème l’amour autour de lui. Certains diront « un homme à controverses » aussi… Je récuse cette étiquette d’homme controversé qu’on me colle. J’ai déjà dit que je répondais toujours aux appels à l’aide, surtout venant de mes amis. Jusqu’à jouer les conciliateurs dans l’affaire Varma-Jeannot en tentant de trouver un « arrangement » entre les deux parties ? Varma était mon ami. Il a fait appel à moi et j’ai répondu à cet appel. Un point, c’est tout ! Comment une personne qui sème l’amour se retrouve-t-elle aussi souvent en situation fâcheuse ? Je ne sais pas de quelle situation fâcheuse vous parlez. Il est vrai que je me suis retrouvé dans des situations difficiles. La vie est ainsi faite. On reçoit souvent des coups de poignard dans le dos. J’ai toujours pardonné à ceux qui m’ont infligé de tels coups. Je crois que c’est face aux difficultés et aux obstacles que nous arrivons à renforcer notre détermination et nos convictions. Il s’agit de ne pas abandonner et de poursuivre la route. Vous savez aussi que celui qui a semé le plus d’amour au monde s’est retrouvé au Golgotha (ndlr : Jésus). Bien d’autres bienfaiteurs de l’humanité après lui ont connu le même sort. C’est une réalité qu’il nous faut accepter. Je tiens à préciser que ce n’est pas de l’argent que je sème. Et que dites-vous à vos détracteurs ?   Les chiens aboient, la caravane passe. Un mot aux patients qui souffrent de cancer ? Il faut garder espoir. Il faut se dire que CANMA et bien associations d’autres sont là pour les aider. Il faut aussi croire en la guérison. Cela représente plus de 50 % du chemin parcouru. Je me demande si les médecins s’étaient vraiment trompés ou si c’est ma foi et ma conviction de vaincre mon cancer qui ont donné un tel résultat. J’ai ma petite idée…
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