La semaine dernière a été marquée par la Journée internationale de l’élimination de la violence à l’égard des femmes. L’occasion de mettre en lumière toutes les formes de brutalités que subissent les femmes à Maurice. Nous nous intéressons cette semaine aux hommes, soit ceux qui sont les auteurs de ces excès et leur réhabilitation. Tour d’horizon.
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La ministre de l’Égalité des genres, du développement de l’enfant et du bien-être de la famille, a lancé le jeudi 25 novembre, à l’occasion de la Journée internationale de l’élimination de la violence envers les femmes, une rencontre consultative afin de mettre sur pied un programme de réhabilitation pour les abuseurs.
Jayseeree Bhunjun, responsable de la Family Unit, a expliqué que ce projet s’articule en deux temps : « Le premier est la consultation. Une série de rencontres a déjà eu lieu. La deuxième partie se déroulera en février de l’année prochaine. Une formation sera organisée avec tous ceux qui travailleront à la réhabilitation des auteurs de violence et un manuel sera produit ».
Quant à la vice-Première ministre et ministre de l’Égalité des genres, Fazila Jeewa Daureeawoo, elle a noté un accroissement des cas de violence domestique : « Souvent on nous demande de durcir les lois, mais les lois ne sont-elles pas déjà là ? Il est triste de constater que la maison, ce lieu où la femme devrait se sentir en sécurité, est malheureusement la place où elle est violentée. Ena mem ki perdi lavi ».
Elle insiste sur le fait que c’est un fléau qui nous concerne tous. « Pa kapav koz zis ek madam. Il faut aussi compter sur l’engagement et la participation des hommes dans ce combat. Et la solution n’est pas d’envoyer tous les auteurs de violence en prison sans leur offrir une possibilité de réhabilitation. Zis lalwa pa pou kapav amen sanzman, » a conclu la ministre après avoir expliqué la nécessité d’une série de mesures en amont pour accompagner la loi.
Après la partie protocolaire, la rencontre a duré jusqu’en fin de journée. Les participants et autres représentants de la société civile, ont eu l’occasion d’apporter leur contribution au combat. Ces délibérations étaient pilotées par Jason Meyer du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui nous est arrivé d’Australie.
Qu’est-ce qu’est le Perpetrators’ Rehabilitation Programme ?
Jason Meyer, consultant du Programme des Nations Unis et du Développement (PNUD), a piloté cette rencontre. Son aide a permis la mise sur pied de ce programme et cela, suite à une série de consultations avec les autorités concernées et les différents acteurs de la société civile. Il a expliqué que c’est « un des programmes les plus difficiles à concevoir et qu’il faut beaucoup de formation pour obtenir les premiers résultats. Ça peut paraître facile, mais ce n’est pas du tout le cas. Il est important de s’assurer que les auteurs de violence ne récidivent pas. »
C’est un programme de réhabilitation dédié aux auteurs de violence. « Il s’agit de prévenir d’autres cas de violence en travaillant avec celui qui la commet afin qu’il reconnaisse ses erreurs et le mal qu’il fait autour de lui, non seulement à la victime, mais aussi à ses enfants et les autres membres de la famille. Ce programme aidera les bénéficiaires en proposant tout d’abord tout un service d’écoute, pour ensuite les amener à un changement de comportement à travers la gestion de ses émotions, surtout la colère », explique l’expert australien, Jason Meyer. « Il sera mis sur pied par le ministère de l’Égalité des genres et ses partenaires. Nous sommes au stade des consultations. Nous allons par la suite passer à l’étape de la formation ».
Men as caring partners
Lancé il y a un an, le concept de ‘Men as caring partners’ est un projet de l’Association for Population and Development. Il a pour objectif de sensibiliser les hommes contre la violence envers les femmes. L’association offre plusieurs séances de formation qui aident à améliorer la communication, à changer les mentalités et les comportements. Ils visent aussi à faire des parents de bons modèles pour leurs enfants, car la famille est la première institution à prendre soin et protéger les enfants. C’est donc un projet qui pourrait apporter un changement de comportement au sein de la société.
Sylvia Rajiah, de la PFPU : « Le bien-être de la famille avant tout »
Chef Inspecteur de la Police Family Protection Unit(PFPU), Sylvia Rajiah, estime que très souvent les personnes pensent que les autorités ne protègent que les femmes. « Notre mission consiste à veiller au bien-être de la famille avant tout. La violence est un phénomène qui détruit la famille. À la PFPU, nous faisons beaucoup de médiation pour sensibiliser les couples aux problèmes de violence et à ses répercussions sur tous les membres de la famille. Bien sûr lorsqu’une femme ou un homme est victime de coups, il nous faut réagir promptement pour leur venir en aide ». En ce qui concerne le Perpetrators’ Rehabilitation Programme, Sylvia Rajiah, avance qu’il aidera beaucoup les auteurs de violence: « Nous en avons beaucoup parlé. Il ne faudrait pas se concentrer sur la punition, mais savoir accompagner les auteurs de violence, comme les autres membres de la famille ».
Ismail Bawamia, enquêteur au Bureau des droits de l’enfant : « Il faut aussi penser aux enfants »
Mettre les enfants au centre de la famille, c’est un peu le message de l’enquêteur de l’Ombudsperson Office for Children. Ismail Areff Bawamia, nous invite à réfléchir à ce programme sous une perspective des droits de l’enfant. « La violence au sein des familles fait de nombreuses victimes, d’abord bien sûr la femme qui reçoit des coups, des insultes, qui est violentée. Mais les enfants sont aussi des victimes. Quand ils ne font pas eux-mêmes l’objet de maltraitance de la part d’un parent violent, ils sont les témoins de la brutalité dont subit soit la mère soit le père.
« Mais il ne faut pas oublier que dans n’importe quel cas de figure, ces parents demeureront à leurs yeux leur père et mère. Ils aiment leurs parents même quand ces derniers sont violents et parfois, ils ne sont pas prêts à les dénoncer de peur d’être séparés d’eux. Donc dans des situations de violence, pouvoir s’attarder sur le comportement et la gestion des sentiments, est très important ».
Ismail Bawamia ajoute que la violence domestique est un problème familial : « Et quand on veut résoudre un problème qui concerne la famille, on ne peut traiter avec un seul membre de cette famille. Il faut que tous soient impliqués. Mettre sur pied un programme pour les hommes c’est bien. Mais en parallèle les autres membres de la famille ne sont pas à négliger. »
Darmen Appadoo de SOS Papas : « La répression ne mène à rien »
Lorsqu’il a entendu parlé de l’intention du ministère concerné de mettre sur pied le Perpetrators Rehabilitation Programme, il a décidé de revenir à la charge avec les recommandations qu’il avait faites au ministère de l’Égalité des genres à l’annonce des amendements de la Protection from Domestic Violence Act. « La mise sur pied de ce programme me donne raison que les amendements de la loi étaient irréfléchies et ne donneraient pas de résultats. Beaucoup de gens n’ont pas voulu m’écouter et ont même ri de mes recommandations. A l’époque nous avions même organisé une manifestation.
Il est malheureux que des experts ne tiennent pas compte ce que nous leur disons quand ils font des recommandations au gouvernement. Cependant, il faut que quelqu’un s’interroge sur la raison pour laquelle il a fallu amender une loi à quatre reprises sans qu’elle ne donne les résultats escomptés. J’accueille favorablement ce programme car cela faisait partie d’une de mes recommandations. On ne peut continuer à jouer à la politique de l’autruche. La répression ne mène à rien ». Il dit attendre pour mieux comprendre le concept que propose le ministère. « Je m’attends aussi à ce qu’on commence sérieusement à parler des auteurs de violence envers les hommes. La violence envers les hommes détruit aussi des vies ».
Rajesh Moorghen, inspecteur de Police : « Quel suivi ? »
Affecté au Prosecutor’s office du tribunal de Rose-Hill, il a vu de nombreux auteurs de violence être condamnés à des amendes ou des peines d’emprisonnement et il s’est toujours demandé quel suivi fait-on avec ces personnes ? La prison est nécessaire, mais il faut assurer un bon accompagnement, une bonne réhabilitation pour ne pas les voir récidiver. Il est important de proposer également des alternatives dépendant de la gravité des offenses.
« Il ne faut pas non plus oublier que la violence et la gestion de la colère ne concernent pas uniquement les hommes. Les femmes aussi peuvent être très violentes. Il faut bien faire attention lorsque nous traitons de la violence au sein de la famille. Il faut proposer des programmes et des sessions de travail avec les deux conjoints. » Selon lui, le Perpetrators Rehabilitation Programme est une aubaine, une deuxième chance pour les auteurs de violence.
Vinod Appadoo, Commissaire des Prisons : « La réhabilitation est primordiale »
Il en a vu de nombreux prisonniers, y compris, ceux qui sont incarcérés pour violence envers les femmes et estime qu’on ne peut envoyer quelqu’un en prison sans penser à un programme de réhabilitation efficace : « J’ai commencé à créer des divisions en prison justement pour une meilleure réhabilitation. Si auparavant presque tous les prisonniers se retrouvaient ensemble, dorénavant ce n’est plus le cas. Ils sont dans des unités différentes ».
Le commissaire des prisonniers estime que les hommes auteurs de violence, ne peuvent se retrouver en prison sans qu’ils ne soient encadrés par des personnes formées pour pouvoir espérer la réhabilitation. « Je pense que nous devons apporter le maximum de formation à des encadreurs pour qu’ils puissent travailler individuellement ou en groupe avec ceux qui se retrouvent en prison pour les préparer à leur sortie et les empêcher de récidiver. Dans les cas de violence envers les femmes, les cas de récidive sont fréquents et j’apprécie qu’on s’attaque désormais à une des sources de ce fléau ».
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