Live News

Passage du cyclone Garance - Météo Maurice : l’alerte à la communication

Le cyclone Garance a connu un développement rapide, puis un ralentissement inattendu, compliquant la tâche des météorologues.

Après le passage de Garance, les débats sur la gestion des alertes cycloniques à Maurice restent vifs. Entre scepticisme du public et défis scientifiques, la question de la communication des Mauritius Meteorological Services se pose avec plus d’acuité que jamais.

Publicité

Alors que La Réunion panse ses blessures après le passage du cyclone tropical intense Garance, les critiques concernant les prévisions des Mauritius Meteorological Services (MMS) se sont quelque peu apaisées, compte tenu des dégâts considérables subis par l’île Sœur. Néanmoins, les interrogations entourant l’émission de l’alerte cyclonique, qui avait suscité de nombreuses réactions, risquent de persister ou de resurgir lors du prochain phénomène cyclonique.

Pendant que les services météorologiques annonçaient un passage dangereux de Garance, une partie significative de la population mauricienne manifestait son scepticisme et son incompréhension face aux directives officielles. Ce sentiment était d’autant plus prononcé que les conditions observées à Maurice semblaient contredire les alertes : un ciel dégagé sur presque toute l’île et une absence quasi-totale de vent.

Cette contradiction apparente entre l’alerte officielle de classe 3 et les conditions météorologiques ressenties a naturellement suscité une question légitime parmi les Mauriciens : pourquoi une telle alerte, alors qu’il faisait beau et qu’il n’y avait pas de vent ?

Dans un contexte où la confiance envers les MMS est déjà fragilisée, l’océanographe et ingénieur en environnement Vassen Kauppaymuthoo estime que la station météorologique de Vacoas gagnerait considéra-blement à développer une stratégie de communication plus efficace. « La station devrait expliquer ses décisions, ce qui permettrait à la population de mieux comprendre les mesures prises », affirme-t-il. 

Il rappelle que toute décision météorologique repose sur des critères scientifiques rigoureux, à la suite d’une analyse approfondie et des discussions entre experts, en s’appuyant sur différents modèles numériques. Par conséquent, chaque décision devrait pouvoir être justifiée de manière transparente.

Mishra MB, météorologue amateur à Storm Tracking, observe que « les Mauriciens sont généralement très curieux à propos de la météorologie et apprécient d’approfondir leurs connaissances dans ce domaine ». Il préconise que les termes spécialisés soient clairement expliqués, comme le fait Storm Tracking, dans un langage accessible à tous. 

Le véritable problème ne tient pas tant aux termes techniques utilisés par les MMS qu’à un déficit de communication. Les MMS bénéficieraient grandement de l’expertise de spécialistes en communication, insiste Vassen Kauppaymuthoo : « Après l’épisode Garance, des explications claires et accessibles sont devenues indispensables. »

« Les MMS doivent d’abord clarifier leur système d’alerte pour permettre à la population de comprendre les différents avis émis, et faire prendre conscience que les systèmes cycloniques ne se limitent pas aux vents et aux précipitations, mais comportent d’autres risques associés, comme nous l’avons constaté avec le cyclone Belal », souligne Vassen Kauppaymuthoo. 

Il déplore cette insuffisance de communication qui maintient le service météorologique dans une forme d’isolement, rendant difficile l’intervention de météorologues pour fournir des explications claires. À ce propos, Mishra MB plaide pour le retour des présentateurs météo après le Journal télévisé de 19 h 30, considérant cette mesure comme essentielle pour expliquer efficacement aux citoyens les prévisions du lendemain, en incluant des informations plus détaillées.

Vassen Kauppaymuthoo souligne que face à un phénomène qui suscite la crainte, chaque individu éprouve le besoin de comprendre et d’obtenir des réponses. Face à un déficit d’informations, les citoyens se tournent logiquement vers d’autres sources. Comme il l’explique : « Logiquement, une personne privée d’informations officielles claires et qui s’informe auprès de sources externes finira par trouver incohérentes les communications locales. » 

Conflits évitables

De nombreux Mauriciens se sont interrogés sur le rôle et le fonctionnement du service météorologique, les amenant à consulter des sites spécialisés dans leur quête de réponses. Ce faisant, ils tentent d’interpréter par eux-mêmes les modèles numériques et les communications du service météorologique de La Réunion, formant ainsi leur propre opinion. C’est précisément à ce niveau que surgissent les conflits avec les MMS, une situation compréhensible, mais qui aurait pu être évitée, selon l’océanographe.

Certes, reconnaît Mishra MB, la météorologie ne peut prétendre à une exactitude absolue. Cependant, il est crucial d’informer correctement la population en fournissant des explications complètes et détaillées. C’est ainsi que les citoyens comprendront progressivement que certains phénomènes météorologiques, comme les inondations soudaines, peuvent survenir de façon imprévisible et sont parfois difficiles à anticiper.

Dans cette même optique, Mishra MB suggère que les MMS partagent davantage de données techniques avec le public via leur site internet, jugeant les informations actuellement disponibles trop limitées. « Une application mobile constituerait également l’outil idéal pour vulgariser les prévisions météorologiques », selon lui. Cette modernisation des plateformes numériques répondrait aux attentes d’un public de plus en plus connecté et désireux de comprendre les phénomènes qui l’entourent.

Le défi accru du changement climatique

Le changement climatique introduit une complexité supplémentaire dans les prévisions météorologiques. Lors de l’épisode cyclonique récent, les prévisions des MMS et de Météo France ont parfois divergé significativement. Pour Vassen Kauppaymuthoo, les prévisions météorologiques deviennent de plus en plus difficiles dans ce nouveau contexte climatique. 

Dans le cas spécifique du cyclone Garance, le système a connu un développement rapide, puis un ralentissement inattendu, compliquant considérablement la tâche des météorologues et engendrant des divergences dans les prévisions issues des modèles numériques. « Cela signifie que nos modèles mathématiques, incluant le GFS utilisé depuis longtemps, peinent à intégrer tous ces nouveaux paramètres et les phénomènes émergents concernant les cyclones dans notre région : intensification rapide, ondes de tempête et systèmes de faible diamètre », observe l’océanographe. 

« Nous traversons une période d’incertitude accrue, où les services météorologiques devront de moins en moins se fier à des modèles numériques qui, paradoxalement, deviennent moins fiables malgré leur complexification croissante », fait-il ressortir.

Cependant, ajoute-t-il, « en comparant les images radar de Maurice et celles de La Réunion, on constate que les images mauriciennes nécessiteraient un calibrage ». Selon lui, des différences significatives existent entre les données radar des deux îles, et des variations infimes peuvent bouleverser radicalement les prévisions.

Pour Mishra MB, les divergences entre services météorologiques s’expliquent en partie par leurs approches distinctes. Selon lui, les MMS appliquent leurs propres méthodes de prévision et ne s’appuient pas exclusivement sur les modèles numériques, contrairement à Météo France qui, d’après lui, se base davantage sur les prévisions du modèle GFS. « Les modèles numériques, notamment ECMWF et GFS, emploient différentes méthodes de calcul atmosphérique, ce qui entraîne parfois des divergences dans leurs prévisions de trajectoire, particulièrement au début du suivi d’un système dépressionnaire », précise-t-il.

Il ajoute que si les prévisions à long terme présentent souvent des écarts importants, les modèles tendent généralement à converger à l’approche de l’événement. Il note également que le grand public a désormais accès à ces modèles numériques via des applications comme Windy ou Zoom Earth. Toutefois, l’interprétation correcte de ces prévisions et la compréhension de leur fonctionnement requièrent des compétences spécifiques, ce qui représente un défi supplémentaire.

Toujours est-il que, malgré les modèles numériques les plus sophistiqués et les supercalculateurs les plus puissants, il demeure impossible, à l’heure actuelle, de modéliser parfaitement certains phénomènes comme la formation des nuages, en raison de leur complexité intrinsèque. Notre atmosphère connaît des dynamiques extrêmement complexes qui défient parfois les capacités prédictives des technologies les plus avancées, fait remarquer Vassen Kauppaymuthoo.

« Nous évoluons dans un système ‘chaotique’, où la moindre variation atmosphérique peut engendrer des perturbations majeures », affirme-t-il, évoquant une théorie mathématique célèbre selon laquelle un battement d’ailes de papillon dans le Pacifique pourrait théoriquement déclencher la formation d’un ouragan dans l’Atlantique. Les changements rapides observés avec Garance ont pris de court tant les météorologues que les modèles numériques.

Vassen Kauppaymuthoo estime qu’il est désormais nécessaire de questionner davantage les approches traditionnelles et d’intégrer les aspects socio-économiques, ainsi que le fonctionnement global d’un pays dans l’élaboration de systèmes plus adaptés, permettant des réactions plus rapides. Malgré l’abondance d’informations fournies par les modèles numériques et les contributions potentielles de l’intelligence artificielle, le changement climatique demeure un phénomène d’une complexité supérieure, face auquel le jugement humain doit conserver sa primauté.

Dans ce contexte d’incertitude, il juge plus judicieux d’adopter l’approche prudente choisie par les MMS, plutôt que d’autoriser la population à vaquer à ses occupations habituelles et risquer de se retrouver dans une situation similaire à celle vécue lors du passage du cyclone Belal. Cette prudence, bien que parfois perçue comme excessive lorsque le danger ne se matérialise pas comme prévu, demeure la meilleure garantie de sécurité pour la population face à des phénomènes climatiques de plus en plus imprévisibles.

cyclone

 

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !