Plusieurs candidats des partis non-traditionnels se disent très satisfaits de leur score lors du scrutin du 7 novembre dernier. S’ils sont conscients que la tâche est ardue face aux grands partis, ils disent ne pas vouloir baisser les bras et anticipent même un changement de mentalité des électeurs mauriciens. Ivor Tan Yan, de 100% Citoyens, et Avinash Jasgray, de Mouvman Zeness Morisien, nous livrent leurs sentiments.
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Ivor Tan Yan (100% Citoyens) : «Faible visibilité médiatique des partis non-traditionnels»
Ivor Tan Yan a été candidat du parti 100% Citoyens dans la circonscription no 19 (Stanley/Rose-Hill). Il a récolté 615 voix (2,18%). Selon lui, les partis dits non-traditionnels ne bénéficient pas de la même visibilité médiatique que les grands partis.
Pourquoi l’électorat mauricien penche-t-il toujours en faveur des partis traditionnels ?
Peut-on reprocher cela aux électeurs ? Je ne le pense pas, car l’électorat mauricien n’a jamais accès à toutes les informations importantes sur les partis non-traditionnels. Il y a une faible visibilité médiatique de tels partis politiques à Maurice. L’électorat n’est pas en mesure de savoir ce que nous proposons. D’ailleurs, 100% Citoyens avait proposé un programme gouvernemental complet. Il est dommage que dès le départ, on a annoncé une lutte entre seulement deux personnes, soit Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam. Ce faisant, on a déjà restreint le choix des électeurs.
Outre la visibilité médiatique, quels sont les autres facteurs qui expliquent que les partis traditionnels n’arrivent pas à convaincre l’électorat ?
Ena blokaz ki méter volontairement ! À titre d’exemple, prenons le cas de 100% Citoyens. Nous avons été contraints à la dernière minute de changer de logo. Or, nous avions déjà investi dans l’achat des banderoles, affiches et oriflammes, entre autres, tous floqués de notre logo initial. Tout cela représente un coût pour le parti. Aussi, l’obligation de déclarer notre appartenance ethnique ne joue pas en notre faveur.
Un changement de mentalité des électeurs est-il possible, selon vous ?
Pour cela, il va falloir une réelle volonté politique. Que le gouvernement prenne l’initiative de venir de l’avant avec la Freedom of Information Act et ce, pour le plus grand bien de la démocratie. Les lois liberticides pour museler le peuple doivent être abolies également. Vous savez, la mentalité des électeurs ne changera pas aussi longtemps que les politiciens viendront de l’avant avec leur chantage sous forme de promesse. Ce n’est un secret pour personne que les politiciens des partis traditionnels promettent de l’emploi aux gens avant les élections. Le manque de débat d’idées contribue aussi à retarder le processus de changement de mentalité.
Estimez-vous que le travail de terrain doit se faire en permanence et non uniquement durant la période électorale ?
Certainement. Pour vous dire, les membres de 100% Citoyens labourent le terrain depuis octobre 2018. Nous avons intensifié le travail depuis avril 2019 lorsque nous nous sommes présentés officiellement. Depuis, nous n’avons cessé d’être en contact avec les Mauriciens. À présent, nous assumerons notre rôle d’opposition extra-parlementaire.
Pensez-vous que les partis non-traditionnels ont réellement leur place à Maurice ?
Oui. La plupart de nos candidats des 20 circonscriptions ont récolté entre 1,3% et 1,7% des voix. Nous avons constaté que les gens n’ont pas voté pour la personne mais que c’était plutôt un vote d’adhésion au parti. C’est de bon augure et on s’attèle pour les élections municipales et villageoises.
Avinash Jasgray (Mouvman Zeness Morisien) : «La mentalité ne changera pas avant dix ans»
Unique candidat du Mouvman Zeness Morisien, Avinash Jasgray a récolté 4,57% des suffrages, soit 1409 voix, au no (Mahébourg/Plaine-Magnien). Selon lui, il faudra encore quelques années avant que les électeurs changent de « mindset ».
Pourquoi les partis non-traditionnels n’arrivent pas à faire leur preuve face aux partis traditionnels ?
Les gens veulent la sécurité tant pour eux aussi bien que pour leurs enfants. Les politiciens des partis traditionnels font des tonnes de promesses aux Mauriciens. Certains promettent un emploi aux jeunes s’ils sont élus et je pense que cela pèse très lourd dans la balance. Au cours de ces trente dernières années, la politique se déroule de cette façon à Maurice. C’est pourquoi les gens préfèrent se rallier aux partis traditionnels qu’on appelle les grands partis.
Que faut-il faire pour apporter un changement de mentalité de l’électorat ?
Si tout le monde faisait de la politique de façon propre, cela aurait changé bien des choses. Au cours de la campagne, j’ai été témoin de la manière dont de grosses sommes d’argent circulent dans les « baz ». Pour les grands partis, tout est une question de « money politics » afin séduire l’électorat. Et malheureusement, les gens se laissent influencer.
L’accès aux finances est-il le seul handicap pour les partis non-traditionnels ?
Pas nécessairement. Le Mouvman Zeness Morisien a pu bénéficier du soutien de plusieurs donateurs. D’ailleurs, on va rendre à certains d’entre eux l’argent que n’a pas été utilisé au cours de la campagne. On veut servir d’exemple aux autres partis. Le seul souci que nous avons eu à gérer est le fait que tous les membres du parti travaillent. Ce qui fait que nous n’avions pas pu synchroniser nos congés pour la campagne et les exercices de porte-à-porte.
Êtes-vous d’avis que le travail de terrain doit se faire en permanence et non uniquement durant la période électorale ?
Pour la plupart des politiciens, les élections ont pris fin le 8 novembre avec la proclamation des résultats. Mais pour nous, le 8 novembre a marqué le début de notre campagne en prélude des élections générales de 2024. C’est pour vous dire que nous n’allons pas dormir sur nos lauriers au cours de ces cinq prochaines années. On pense recruter quelques membres pour renforcer notre équipe et par la même, consolider notre présence en ligne. J’étais l’unique candidat du Mouvman Zeness Morisien au no 12 et on va labourer le terrain dans d’autres circonscriptions.
Les partis non-traditionnels peuvent-ils se faire une place dans la configuration politique à Maurice ?
Pas de sitôt ! Il faut encore du temps pour que les gens comprennent que la politique n’est pas synonyme d’argent et de fausses promesses. Il est nécessaire que les Mauriciens commencent à réfléchir à long terme et ont à cœur le développement du pays. À mon humble avis, la mentalité ne changera pas avant les dix prochaines années.
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