Ny Onja Hon Fat est la responsable de la commission des droits de la femme de DIS-MOI. Elle nous livre ici ses réflexions sur la situation de la femme à Maurice et ailleurs.
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Comment est organisée cette commission ?
La commission existe depuis la création de l’ONG. Elle fonctionne comme toutes les commissions au sein de DIS-MOI : en équipe et nous comptons bien être performantes, car il y a urgence. Nous travaillons également en partenariat avec différentes associations/ONG comme la Passerelle, un abri pour les femmes SDF et les femmes battues. Nous sommes également membre de Stop Violans Kont Fam, une plate-forme qui regroupe plusieurs ONG pour lutter contre les violences faites aux femmes.
Vous organisez aujourd’hui une causerie sur le thème : «STOP aux violences contre les femmes» pour marquer la journée internationale des droits de la femme. Quel est votre objectif ?
Je dois préciser avant toute chose que le 8 mars, ce n’est pas une journée de fête pendant laquelle on donne un cadeau à la femme ou on lui dit « bonne fête ». C’est la Journée internationale des droits de la femme, c’est-à-dire toute personne, tout citoyen, homme et femme, doit se mobiliser pour que les droits de la femme soient respectés. C’est un jour d’action, de lutte, de réflexion et de remise en question de notre mentalité. Cette causerie, nous la voulions pour toutes les femmes, surtout celles qui sont victimes de différentes formes de violences. Le but, c’est de conscientiser les gens sur les droits de la femme et l’importance de l’égalité des genres mais surtout de chercher ensemble des solutions pertinentes, pratiques et surtout réalisables pour lutter contre les violences faites aux femmes.
Quel constat faites-vous concernant la situation de la femme à Maurice au sein d’une société macho où elle fait souvent la Une des journaux en tant que femme battue, martyrisée, voire tuée ?
Tout le monde est d’accord sur le fait que la situation est loin d’être satisfaisante, malgré l’avancée économique du pays. Les femmes continuent à être victimes de violences et de discrimination. Si on ne parle que de ces deux exemples évidents : en politique, les femmes mauriciennes sont sous représentées soit 50,5 % de la population sont des femmes et pourtant seulement 12 candidates sur 60 ont été proposées par les partis politiques aux dernières élections générales, ce qui ne représente que 20 %. Au Parlement, 14 femmes seulement font partie des 72 membres de l’Assemblée nationale. Sur le plan économique, elles travaillent et sont indépendantes certes, mais est-ce qu’elles ont vraiment le pouvoir ? D’après les statistiques nationales, à propos des résultats scolaires, pour l’année 2019, la performance des filles est de 73,29 % tandis que chez les garçons, c’est 67,94 %. Depuis le primaire, les filles s’en sortent toujours mieux que les garçons mais pourquoi une fois au travail, la majorité des dirigeants sont des hommes ? C’est une question qu’il faut se poser. Quels sont les obstacles réels qui empêchent les femmes de prendre les places qu’elles méritent ?
Au Parlement, 14 femmes seulement font partie des 72 membres de l’Assemblée nationale»
Ces temps derniers, les hommes justifient leur colère par l’infidélité de leur épouse/concubine. N’est-ce pas trop facile de prendre une telle excuse ?
On a archi entendu cela et je vous assure que, dans la majorité des cas, c’est une histoire fausse, inventée pour justifier ces actes abominables. Si elle est infidèle, la solution la plus facile, c’est la séparation ou le divorce. La vérité est que le machisme des hommes est bel est bien ancré dans la mentalité. Les hommes (heureusement pas tous) n’acceptent pas du tout que les femmes soient égales à eux et ils les considèrent comme leur propriété ou comme un objet. Même celles qui ne sont pas victimes de violences physiques sont atteintes par des violences morales, psychologiques.
Les jeunes femmes ne sont pas seules à être victimes de la violence au sein de la famille et en dehors de la famille. Il y a aussi des femmes âgées, très âgées même, victimes de viol...
C’est très grave ! Je suis horrifiée en lisant dans les journaux ces actes criminels. Cela nous force à dire que le gouvernement doit agir promptement, il doit venir avec une réelle volonté de combattre ce fléau. La société est malade et il faut venir avec des mesures adéquates en se basant sur des analyses approfondies. Quelle est la cause de cette perte des valeurs ? Il faut faire autre chose que ce qu’on a déjà fait pendant des années. Il faut éduquer les citoyens, les filles et les garçons dès leur plus jeune âge, au respect des autres, aux valeurs humaines, aux droits humains mais aussi aux devoirs en tant que citoyens. Mais ce n’est pas seulement l’affaire de l’État ou de quelques ONG. Les droits de la femme ne concernent pas uniquement les femmes. Cela concerne tout le monde et toute la population doit agir et lutter contre ces violences. Car si aujourd’hui un homme harcèle une femme dans les rues (comme c’est le cas tous les jours), demain ce sera sa sœur, sa mère ou sa grand-mère, sa cousine, un membre de sa famille qui sera victime par un homme.
Vous êtes native de Madagascar. Pouvez-vous nous parler de la femme malgache, sa place dans la société ?
La société malgache est complexe. On ne peut parler de la femme mais des femmes malgaches. Déjà entre le milieu urbain et rural, il y a un fossé énorme. Le niveau d’éducation, la région d’où on vient, où on habite, tout cela constitue des facteurs déterminants pour qu’une femme s’épanouisse ou non. Pourtant, jadis, nous avions hérité de nos très lointains ancêtres une société matriarcale où les femmes ont eu des droits et des privilèges mais ça, c’était il y a longtemps. Avec la venue de différentes civilisations, cela a changé et l’arrivée de la civilisation occidentale n’a pas arrangé les choses. On perd nos valeurs et la valeur de la femme en paie les frais. Les hommes sont devenus tout puissants et le patriarcat prend place, surtout dans le Sud de l’île. Néanmoins, vers les années 60, les femmes malgaches étaient conscientes qu’il fallait agir pour ne pas être relayées toujours au deuxième plan et Madagascar avait fait un grand pas en avant, sauf que le pays s’est enfoncé dans la pauvreté et cela a réduit à néant le travail accompli. Je suis tout de même optimiste, car en ce moment, beaucoup de modèles féminins émergent. Beaucoup de jeunes femmes malgaches brillent dans tous les domaines et surtout elles se font attendre, elles se font respecter. En tout cas, au sein de la famille, la femme tient une place importante, c’est elle qui dirige tout et il lui incombe une charge mentale énorme qui laisse aux hommes une espèce de permis d’irresponsabilité. Sur le plan économique, elle travaille beaucoup… beaucoup plus que les hommes (comme la majorité des femmes dans le monde d’ailleurs) mais ce sont surtout des tâches non rémunérées ; par contre, les hommes font essentiellement du travail avec des revenus et ça semble tout à fait normal qu’ils aient le pouvoir économique.
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