Présenter un diplôme maquillé ou acheté sur Internet, falsifier son curriculum vitae ou encore fournir de fausses références. Certains demandeurs d’emploi ne reculent devant rien pour obtenir du travail. Ce qui pousse les agents recruteurs et les responsables des ressources humaines à redoubler de vigilance.
C’est un candidat au CV qui en ferait envier plus d’un. Pour cause, il a obtenu son MBA aux États-Unis. Sauf que le MBA en question est un faux. Ce demandeur d’emploi n’a jamais étudié aux States. Cette mésaventure, certains recruteurs et responsables des ressources humaines l’ont déjà vécue. Et c’est bien plus courant qu’on ne le croit.
« Certains chercheurs d’emploi présentent de faux certificats (diplôme, degré, MBA). Il y a aussi ceux qui donnent de fausses lettres de référence. Celles-ci portent les signatures de directeurs des ressources humaines, de Chief Executive Officers (CEO) voire de General Managers. Nous avons aussi eu des candidats qui disaient être toujours en poste dans telle ou telle entreprise alors que ce n’était pas le cas », explique Thierry Goder, CEO d’Alentaris.
Qu’est-ce qui pousse ces candidats à user de tels stratagèmes ? Plusieurs explications sont avancées. Pour Aurélie Marie, Head of Recruitment and Communication chez Myjob.mu, certains candidats sont tentés de mentir sur leur CV afin de répondre aux critères des postes qu’ils visent. « Les erreurs fréquentes concernent les dates de début et de fin de contrat en entreprise, les noms des entreprises pour lesquelles ils disent avoir travaillé et bien sûr les diplômes et formations qu’ils ont validés. Afin de soutenir leurs mensonges, ils sont contraints de falsifier leurs documents à l’embauche », explique-t-elle.
Thierry Goder apporte une deuxième explication. « Derrière la plupart des cas que nous avons eus, nous retrouvons des employés aguerris mais qui ont une expérience professionnelle qui s’est mal terminée. Ils ont notamment été licenciés pour des fautes graves. Ces personnes sont convaincues qu’elles risquent de ne pas avoir d’emploi en raison de leurs antécédents », explique Thierry Goder. C’est pourquoi, dit-il, ces candidats ne jouent pas franc jeu. « Ils donnent notamment de fausses lettres de référence afin de cacher les détails de leur licenciement », ajoute-t-il.
Des profiteurs aux candidats instables
Derrière ces fraudeurs, on retrouve non seulement de simples profiteurs mais aussi des gens instables psychologiquement. Il y a également ceux qui aspirent à une carrière forte mais qui n’ont les diplômes nécessaires, d’où le recours aux faux certificats. « À partir du moment où il y a une certaine compétition pour décrocher tel ou tel job, un candidat malhonnête sera tenté de modifier son profil ou ses qualifications pour mettre toutes les chances de son côté en vue de décrocher le job », souligne Marc Marivel, consultant en ressources humaines et en formation.
Il y a également des candidats qui sont désespérés de ne pas trouver d’emploi. « En proposant un faux diplôme ou en maquillant leur CV avec de fausses références, ils espèrent enfin décrocher un job », explique Thierry Goder, qui estime qu’il ne faut pas leur jeter la pierre sans connaître les raisons qui les poussent à agir ainsi.
Quelle que ce soit la motivation de ces demandeurs d’emploi, les recruteurs et les responsables des ressources humaines font preuve de vigilance pour contrecarrer les stratagèmes des fraudeurs. « Le danger est là. Les entreprises ne sont donc pas à l’abri », indique Marc Marivel. « Car s’ils passent à travers les mailles du filet, il y va de la crédibilité des compagnies de recrutement et des entreprises qui les embauchent », ajoute Thierry Goder.
C’est la raison pour laquelle les recruteurs et les départements des ressources humaines suivent les protocoles de recrutement à la lettre et restent à l’affût. « Nous demandons des références et filtrons les candidatures pour éviter de mauvaises surprises », explique Thierry Goder.
Même dans la fonction publique la prudence est de mise. « Nous vérifions les diplômes pour s’assurer que les qualifications sont bel et bien authentiques », indique Marc Marivel. Aurélie Marie précise : « Nous devons être vigilants et ne pas baser notre conclusion sur le sentiment de confiance que dégage le candidat mais sur l’exactitude et la pertinence des documents/contrôles de références téléphoniques. »
Toutefois, le risque zéro n’existe pas. Certains fraudeurs peuvent passer à travers les mailles du filet. « Ce problème a toujours existé. La seule différence est qu’aujourd’hui, les candidats ont beaucoup plus de facilités pour falsifier des documents. Il existe même au noir des Graphic Designers/imprimeurs qui peuvent reproduire un document à l’identique. Le danger de ne pas pouvoir repérer les anomalies et les faux documents est bien réel », prévient Aurélie Marie. Comme quoi, les fraudeurs ne chôment pas…
Ce que dit la loi
C’est un délit de fabriquer un faux certificat. Tout comme c’est un délit d’utiliser consciemment un faux document – même si le candidat ne l’a pas fabriqué lui-même – en vue d’obtenir un entretien d’embauche ou un emploi. « C’est connu comme le faux en écriture ou le forgery of a private writing pour reprendre le terme utilisé en anglais », explique Me Neil Pillay. Selon l’article 111 du Code pénal, quiconque reconnu coupable de ce délit est passible d’une servitude pénale n’excédant pas 20 ans. « Il faut savoir qu’une servitude pénale est une peine d’emprisonnement de trois ans minimum. Le magistrat a toutefois la discrétion d’imposer une peine moins sévère dépendant des circonstances », fait ressortir l’avocat.
Trois mois avant de recruter
Certains candidats se rendent à des entretiens d’embauche sans leurs qualifications et promettent de les emmener par la suite. Pour éviter toute surprise désagréable, certaines entreprises ne procèdent au recrutement qu’après trois mois de stage. « C’est une mesure de précaution et c’est le laps de temps nécessaire pour que le candidat produise un certificat de moralité ou d’autres documents s’il ne l’a pas fait avant », explique Ravish Pothegadoo, directeur et fondateur de
Talent on Tap.
Des candidats également victimes
Si certains candidats sont des fraudeurs, d’autres sont des victimes. Il y a notamment le cas d’une jeune fille qui a suivi des cours par correspondance auprès d’une université étrangère. Elle s’est acquitté de tous les frais et a obtenu son diplôme après plusieurs années d’études. Or, le diplôme en question était un faux. L’université où elle s’était inscrite n’en était pas une. Derrière cette université, il y avait un fraudeur qui a utilisé le nom d’une vraie université pour commettre son méfait.
Comment font les recruteurs pour détecter les faux documents ?
Est-ce facile de détecter de faux certificats et de fausses références ? Deux spécialistes du recrutement nous disent comment ils procèdent pour déjouer les stratagèmes des fraudeurs.
Aurélie Marie : «Nous repérons les incohérences»
« Dans le cas des diplômes, les anomalies sont plus facilement repérables car les standards à respecter (impression, couleurs, papier, sceaux de l’université) ne sont pas cohérents. On retrouve donc des diplômes avec des erreurs de frappe, une mauvaise qualité de papier, etc. », explique Aurélie Marie. Quand elle a des doutes sur l’authenticité des documents, elle interroge les candidats. « Dans tous les cas, ils sont incapables de justifier que le document est fiable », indique la Head of Recruitment and Communication chez Myjob.mu.
S’agissant des lettres de référence, la firme redouble de vigilance. « Avant de quitter une entreprise, certains candidats récupèrent quelques pages vierges avec l’entête de l’entreprise qu’ils utilisent par la suite pour faire leur propre lettre de référence en falsifiant la signature de la personne référente », fait ressortir Aurélie Marie. D’où l’importance des contrôles de références téléphoniques qui sont devenus de plus en plus fréquents. Surtout que pour assurer leurs arrières, certains candidats vont jusqu’à mettre les coordonnées d’un de leurs contacts (complices) sous le nom du directeur/HR Manager de l’entreprise pour laquelle ils ont travaillé.
D’autres, explique Aurélie Marie, font des lettres de référence totalement fausses en inventant une entreprise qui aurait fermé ses portes ou encore prétendent qu’il s’agit d’une entreprise étrangère. « À ce niveau, il est plus périlleux de retracer l’entreprise. Quand nous avons des doutes, nous n’allons pas de l’avant avec le dossier du candidat car le contrôle de référence téléphonique ne sera pas possible », ajoute-t-elle.
Thierry Goder : «Des logiciels vérifient l’authenticité des diplômes»
Certains faux diplômes sont détectables à l’œil nu, explique Thierry Goder. Il nous parle du cas d’un candidat qui avait pris le certificat HSC d’une autre personne et qui l’avait modifié. « Avec l’expérience, on se rend compte que le document n’est pas net », souligne le Chief Executive Officer d’Alentaris.
L’autre moyen de procéder, c’est de poser des questions spécifiques. « Nous le faisons quand nous sentons que tout n’est pas net chez le candidat. Si sa culture sur les études qu’il a faites et l’endroit où il dit avoir suivi sa formation sont faibles, nous savons qu’il y a anguille sous roche. Bien souvent, leur attitude change et ils sont mal à l’aise », avance-t-il.
Alentaris dispose aussi de logiciels très poussés en interne qui permettent de vérifier si les diplômes sont authentiques. « Internet est un autre outil que nous utilisons pour procéder à des vérifications en cas de doute », ajoute notre interlocuteur.
En cas de fraude notamment sur les lettres de référence, Alentaris informe les anciens employeurs du candidat en question. « C’est à eux de voir s’ils donneront un avertissement à la personne ou s’ils iront plus loin avec l’affaire », explique Thierry Goder. Naturellement, l’exercice de recrutement est stoppé net.
Loganaden Velvindron, co-fondateur de Hackers.mu : «C’est facile d’avoir un faux certificat»
Si une personne est douée en informatique et sait quels logiciels utiliser, il lui sera facile de maquiller un CV, de changer des données sur un diplôme voire d’en fabriquer un tout nouveau, affirme Loganaden Velvindron, co-fondateur de Hackers.mu, un groupe d’informaticiens mauriciens.
« Dans certains pays, on propose même des services comme la fabrication de faux certificats. Si dans certains cas il est facile de détecter un faux certificat, dans d’autres il est difficile voire impossible tellement le certificat a l’air authentique », explique-t-il. Selon notre interlocuteur, le fait que les Mauriciens fabriquent de fausses qualifications ou achètent des diplômes sur le Net est plus commun qu’on ne le pense.
« C’est une chose à ne pas faire car le jour où votre employeur découvre que vous êtes un fraudeur, il perdra toute confiance en vous. Maurice étant une petite île, c’est facile de vérifier si vous avez menti sur vos références. Pour améliorer son CV, il n’a pas mieux que de suivre des formations. Aujourd’hui, il y a des cours en ligne dont les prix sont abordables », conclut Loganaden Velvindron.
Ces petits malins qui faussent les tests psychométriques
Dans certaines entreprises, les recruteurs ont recours aux tests psychométriques lors des exercices de recrutement. Ces tests permettent de déterminer les caractéristiques spécifiques d’un individu. Or, au cours de sa carrière, Marc Marivel, consultant en ressources humaines et en formation, a déjà eu affaire à des candidats qui avaient faussé ces tests. « Cela a été facile de savoir qu’ils avaient faussé le test car leurs réponses en entretien ne correspondaient pas aux résultats du test. D’ailleurs, un de ces candidats a avoué par la suite qu’il a faussé le test car il l’avait déjà fait dans le passé et qu’il savait quoi répondre pour avoir tel ou tel résultat », indique Marc Marivel. Il est clair, avance-t-il, que ces candidats veulent se montrer sous leur meilleur jour et ainsi augmenter leurs chances d’être recrutés.
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