La Mauritius Investment Corporation (MIC) n’en finit pas de faire parler d’elle. Très controversée depuis son introduction en 2020, l’institution aurait agi de connivence avec la Banque de Maurice pour détourner des fonds publics. L’ancien gouverneur de la Banque centrale est dans de beaux draps.
50 projets d’une valeur totale d’environ Rs 54 milliards, avaient été approuvés par la Mauritius Investment Corporation (MIC) au 30 juin 2023. Un an plus tard, soit au 30 septembre 2024, le total débloqué en faveur de 60 entités se chiffrait à Rs 56,83 milliards. Les derniers chiffres révélés par l’actuel gouverneur de la Banque de Maurice, Rama Sithanen, portent sur pas moins de 71 entreprises qui ont bénéficié d’argent de la MIC.
Cependant, il s’avère, selon Rama Sithanen, que Rs 3,6 milliards/Rs 3,7 milliards décaissées à l’intention d’une dizaine de compagnies pose problème. Celles-ci ont un niveau de risque élevé voire très élevé. L’une d’entre elles aurait bénéficié de Rs 45 millions, soit 1 million de dollars. Ce décaissement aurait eu lieu durant la dernière campagne électorale. Rama Sithanen qualifie cette affaire de « détournement de fonds publics ». « La demande a été rejetée par le conseil d’administration de la MIC, mais, l’entreprise a refait sa demande et elle a été approuvée. Pourtant, elle n’a pas respecté 11 des 25 conditions du ‘term sheet’ », avait expliqué le gouverneur de la Banque de Maurice lors d’une récente conférence de presse.
Pour Siv Potayya, avocat à Wortels Lexus, cette affaire est « choquante ». Si l’argent des contribuables avait été utilisé pour un besoin public, cela n’aurait nullement été gênant, dit-il. « Par contre, il semble qu’il a été utilisé à des fins privées, soit à financer la campagne de l’Alliance Lepep. Le sondage effectué par Pulse Analytics fait sourciller. Tout laisse croire que cette somme d’argent qui appartient au gouvernement a été utilisée à des fins personnelles. C’est une fraude. Comment est-ce que les directeurs de la MIC ont pu approuver un décaissement de 1 million de dollars à la fin d’octobre à l’intention de Pulse Analytics deux semaines avant les élections ? Ils auraient dû s’opposer à cette requête d’aide financière sachant qui sont les bénéficiaires de cette somme. Un exercice de ‘due diligence’ est préconisé dans ce genre de cas », explique l’avocat.
Selon Rama Sithanen, Rs 3,6 milliards/Rs 3,7 milliards décaissées à l’intention d’une dizaine de compagnies pose problème. Celles-ci ont un niveau de risque élevé voire très élevé"
Affaire de police
Une enquête pour « Conspiracy to defraud » sera ouverte contre l’ancien Gouverneur de la Banque de Maurice, Harvesh Seegolam. Actuellement en déplacement, celui-ci fait l’objet d’un ordre d’« arrest on arrival ». Siv Potayya, qui fait observer que la MIC est une subsidiaire de la Banque de Maurice, considère que ce n’est pas surprenant. « Les responsables devront répondre. Il y a complicité ‘to defraud the state funds’ », ajoute-t-il.
Qu’en est-il des potentielles répercussions de cette affaire ? Siv Potayya est d’avis que l’image de la juridiction mauricienne ne sera pas entachée. La honte, dit-il, ne sera pas sur le pays, mais sur ceux qui sont responsables de ce détournement de fonds. En revanche, un ancien gouverneur de la Banque de Maurice qualifie cette affaire de « honteux ». Il estime que ce qu’a fait Harvesh Seegolam a « dévalué le poste de gouverneur et la réputation de la Banque de Maurice ». « On risque de penser que tous les gouverneurs sont les mêmes, mais ce n’est pas le cas. Ce cas est une première dans l’histoire du pays », argue-t-il. Cette nouvelle a d’ailleurs dépassé les côtes mauriciennes et a été relayée sur le site d’Al Jazeera le 17 décembre.
Cependant, l’ancien gouverneur de la BoM fait comprendre que le directeur de la MIC suit les ordres du gouverneur de la Banque de Maurice qui lui-même obéit aux instructions du ministre des Finances. Très probablement, ajoute-t-il, l’ancien ministre des Finances obéissait à son chef, soit le Premier ministre. « Cela démontre que des titres décrochés en tant que meilleur gouverneur en Afrique n’est pas une distinction », avance-t-il.
Pour autant, cet ancien gouverneur de la BoM dit souhaiter qu’Harvesh Seegolam ne soit pas arrêté à son arrivée à l’aéroport, mais à son domicile. Pour cause, cela risque d’avoir des conséquences désastreuses pour l’image de la Banque centrale et pour le pays. D’ailleurs, il craint que le nouveau gouverneur de la BoM, Rama Sithanen, ne soit embarrassé avec des questions sur ce sujet lors d’une éventuelle rencontre avec d’autres gouverneurs.
En chiffres
Rémunérations perçues par Harvesh Seegolam pour le poste de gouverneur
2022
Rs 11,93 millions
2023
Rs 12,98 millions
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