Il aura fallu à Arnaud Boodhram plusieurs semaines avant de quitter sa cellule, vu qu’il ne pouvait s’acquitter de sa caution. Nous avons rencontré cet homme de 37 ans, à un moment suspecté du meurtre atroce de la petite Eleana Gentil. Il nous parle des six mois passés en prison.
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« Je m’étais coupé en me rasant. C’est pourquoi il y avait du sang sur la serviette », expliquera Arnaud Boodhram. Après un mois en cellule, il est transféré à la prison en détention préventive. C’est le début de son calvaire.
Retrouvailles poignantes entre Arnaud Boodhram et sa mère Marylise, 52 ans, à cité-Mangalkhan, Floréal. Après six mois, c’est un homme éprouvé, mais soulagé que nous avons rencontré jeudi. Il est heureux d’avoir quitté cette prison où il dit avoir entendu les pires menaces, les autres détenus le prenant pour un bourreau d’enfant. Il faut souligner que la Cour lui avait accordé la liberté conditionnelle depuis quelques semaines déjà, mais faute de moyens financiers, il est resté en cellule, avant qu’un avocat mauricien, exerçant en Australie, ne paie sa caution.
L’homme est reconnaissant. « Sans cet avocat, je serais encore en prison pour un crime que je n’ai pas commis. » Ces six mois en prison ont été un enfer pour Arnaud. Il a dû composer avec les menaces et insultes des autres prisonniers. « Li pa fasil pu sibir tousala. Li pli difisil kan ou kone ou inosan. Ce ban moman pli dir dan mo lavi », dit-il. Il se souvient de ses premiers pas à la New Wing de la prison de Beau-Bassin. « Kuma monn rentre, ban la inn remark mwa. Zot dir zot pu kup mo sex. Lezot pe dir ki zot ti pu tuy mwa si ti zot zanfan sa. Me mo pann fer nanye. Monn deman administrasyon prizon pu protez mwa. Zot finn gard mwa a lekar danze, mo remersi zot pu sa, sinon mo ti kapav fini mor », lâche le jeune homme, qui ajoute: [blockquote]«Mo enn inosan, me ban la inn tret mwa kuma enn kriminel»[/blockquote]
[panel contents="Aujourd’hui, Arnaud Boodhram veut à tout prix refaire sa vie. Il compte oublier cette mésaventure et veut trouver un emploi. Avant ses embrouilles avec la police, il exerçait comme danseur dans un hôtel. « Li pu difisil pu gagn enn travay. Res de mwa pu lane », dit-il. Toutefois, il se dit conscient que le regard de la societé sur lui sera difficile à affronter.
« Mem mo inosan, dimun pu ena enn lot panse lor mwa akoz monn fer prizon. Mo mama pe vinn vye, mo bizin travay pu ed li », conclut-il." label="«Je souhaite trouver du travail»" style="info" custom_class=""]
Ses codétenus du bloc de haute sécurité n’hésitaient pas à lui exprimer leur haine. « Gamatin dans lakur to pu kone », lui ont-ils balancé. « Ils croyaient tous que j’avais tué la petite fille.Ils m’ont menacé de mort à plusieurs reprises. C’était effrayant. »
Pour sa première nuit, les choses ne s’annoncèrent guère aisées pour lui. « Ou pa kapav dormi. Mo res reflesi enn lanwit. Mo poz momem kestyon ki pu arive dan lakur gramatin. Leker batt vit vit », concède-t-il. Seul, ne connaissant personne dans ce monde hostile, il craque, pensant à sa mère et au fait qu’il se retrouve derrière les barreaux sans raison. « Mon seul recours, c’était la prière », soutient-il.
À sa requête, il sera transféré au Bloc F. « Selma ti bizin res lor mo gard en permanans. Pa kone ki ti kapav arive ek sa bann menas la. »
Arnaud Boodhram soutient avoir même songé au suicide. « C’est ma foi en Dieu qui m’a permis de rester en vie. Le suicide me semblait être la bonne solution pour en finir avec ces problèmes. Mo ti pe rod met mwa pandi kan mo ti pe asize dan station Vacoas. Mo pu repet ou : Kan ou kone dan plu profon ou leker ki ou inosan, li pa fasil pu ou retruv ou dan enn prizon. »
« Une illusion »
Entre les quatre murs de la prison, Arnaud ne pense qu’à une seule chose : sortir, être libre... « C’était un rêve, une illusion. On se rend alors compte à quel point la vie et surtout la liberté sont précieuses. Mo pa ti krwar ki enn avoka ti pu vinn defann mwa. Mo fami pena moyen. Bondie in ekut mo la pryerr », ajoute l’homme de 37 ans. Les jours à la prison se ressemblent tous. Le matin, le jeune homme prend le petit-déjeuner et reste en cellule à écouter à la radio. « Radio la mo fami inn met cass lor mo kont ek monn aste li dan prizon pu Rs 200. » L’habitant de cité-Mangalkhan explique avoir déboursé une somme additionnelle de Rs 150 pour pouvoir obtenir des écouteurs. Cela pour ne pas avoir d’embrouilles avec ses co-détenus. Dans le passé, Arnaud Boodhram a été condamné à quatre reprises pour divers délits, notamment relations sexuelles avec mineure, possession de téléphone portable volé et de cannabis. Cependant, son dernier séjour en milieu carcéral l’a marqué. [blockquote]« Zame monn pass par sa kalite kiksoz la dan prizon. Ban lezot fwa ti trankil », dit-il.[/blockquote] Quelques mois plus tard, c’est le soulagement pour Arnaud Boodhram. Des examens ADN révèlent l’identité du présumé assassin de la fillette de 11 ans. Le corps de l’enfant avait été retrouvé, le 15 avril, en état de décomposition à Nouvelle-France, dix jours après sa disparition. Il s’agit d’un dénommé James Ramasawmy, 26 ans, un habitant de cité-Anoska, à Forest-Side. Un test ADN poussé aura permis de relever des traces de sperme du nouveau suspect. Tout a alors changé pour notre interlocuteur. La nouvelle fera le tour de la prison et, de suite, les menaces se sont tues. « Banla in kone ki vremem mo inosan lerla. Zot inn korek ek mwa. Zot inn dir mwa vinn dan lakur, me monn evite. Sa bann tes ADN la in sov mwa », dit Arnaud Boodhram. Suivant ce dénouement dans l’affaire du meurtre de la petite Eleana, la Cour avait accordé la liberté conditionnelle à Arnaud. Mais ses proches n’ont pu réunir les Rs 15 000 de la caution. C’est suite à la requête de l’avocat Deepak Rutnah que le montant de la caution a été revu à la baisse, passant à Rs 12 000. Le jeudi 15 octobre, un avocat mauricien exerçant en Australie a proposé son aide à Arnaud Boodhram pour régler la caution. Selon le jeune homme, c’était inespéré. « Zame mo pa ti panse ki mo ti pu sorti osi vit ki ca. » Il explique être au courant des soucis financiers de sa mère et pour lui, il était quasi impossible pour elle de réunir une telle somme. Arnaud Boodhram est resté loin de Marylise, celle qui compte le plus à ses yeux. Mère et fils ont vécu des moments pénibles, l’un loin de l’autre. Son arrestation remonte au vendredi 17 avril. « Mo ti fek sorti travay, mo ti pe get en ti film lakaz », explique Arnaud. Il a alors entendu des gens l’appeler. Selon Arnaud, sa mère ne savait pas qu’il était à la maison. « Monn sorti. Lapolis ti divan mo laport », soutient-il. Les policiers lui ont expliqué qu’il était recherché pour non-respect des conditions imposées par la Cour. « Lakur ti dir ou pa res la, ou reste mem ? » Sur ces mots, Arnaud est embarqué. Il dira aux policiers qu’il n’était que de passage chez sa mère. Il était loin de se douter de l’ampleur de ses ennuis...« Enn ti lenket »
Selon Arnaud Boodhram, les policiers lui ont fait comprendre qu’ils avaient besoin de lui pour « enn ti lenket ». Il les a accompagnés au poste de police de Vacoas, où il a été interrogé sur l’affaire Eleana Gentil. « Monn dir zot mo pa konn nanye dan lamor sa zanfan la. Mo pan truv nanye. » Le suspect est ensuite conduit dans les locaux de la Major Crimes Investigation Team (MCIT). Arnaud Boodhram raconte que le jour de la fête de Pâques, soit le dimanche 5 avril, il était invité à un baptême lors duquel Eleana était présente. « Banla ti pe krye li pou tir foto », se souvient-il. La fête terminée, Arnaud dit être rentré chez lui. Eleana était, elle, déjà portée manquante et les recherches enclenchées. Son domicile sera perquisitionné et la police scientifique procédera à des prélèvements. Une serviette portant des taches de sang y a été retrouvée. Les limiers pensaient qu’ils étaient sur la bonne piste, mais le jeune homme se défendait.
Marylise Boodhram: «Mo met lame dan dife, pa Arnaud sa »
La mère d’Arnaud n’a jamais douté de l’innocence de son fils. « Mo met mo lame dan dife, pa Arnaud sa ». Elle déplore la manière de faire de la police sur cette « erreur ». Marylise soutient que la police leur a fait croire qu’elle avait besoin d’Arnaud pour une déposition. « Zot dir enn ti lenket. » Durant cette « terrible épreuve », Marylise dit être tombée malade. Elle a également dû abandonner son emploi pour soutenir Arnaud lors de ses comparutions en Cour. Elle devait aussi aller le voir au centre de détention. « Ban la fer mwa ale vit vit. Mo mem pa gayn letan donn li manze ki monn kwi. Zot dir mwa amen zis biskwi ek delo. » Pour Marylise, c’est une expérience traumatisante qu’elle essaiera d’oublier avec son fils à ses côtés. <Publicité
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