La visite du Président malgache, Hery Rajaonarimampianina, pour les célébrations de l’Indépendance est l’occasion de revenir sur les relations entre nos deux pays. Pays au potentiel énorme, Madagascar regorge de ressources et de possibilités demeurées largement inexploitées...
Rencontres avec les dignitaires de l’État, signatures d’accords, session de travail avec la Commission de l’océan Indien (COI) et la communauté des affaires... Le calendrier de Hery Rajaonarimampianina, le Président de la République malgache, invité d’honneur pour les 48 ans de l’Indépendance de Maurice et le 24e anniversaire de l’accession du pays au statut de République, vise à approfondir les relations entre les deux nations.
Ce qui semble s’inscrire dans la lignée de la politique gouvernementale qui a annoncé l’année dernière la création de Zones économiques spéciales (ZES) dans la Grande île. Toutefois, si l’histoire commune de Madagascar et de Maurice est longue et riche, les opportunités qui existent entre les deux îles demeurent, à ce jour, considérablement sous-exploitées. Or, sur le plan commercial comme sur celui de la coopération régionale, les possibilités sont énormes.
Les relations commerciales entre Madagascar et Maurice se portent relativement bien, explique une source du ministère des Affaires étrangères au Défi Quotidien, malgré quelques couacs. Elle concède toutefois qu’il y a un fort potentiel non exploité, comme les stratégies d’exportation communes : « Il pourrait y avoir une stratégie commune pour l’exportation aux États-Unis à travers l’AGOA. » Pour le tissu qui est produit à Maurice puis envoyé à Madagascar, où la main-d’œuvre est plus abondante, pour le finishing, il existe déjà une stratégie commune qu’il suffirait donc d’étendre.
Autre opportunité : transformer l’accord de partenariat économique intérimaire avec l’Union européenne pour y inclure les services en sus des produits. L’accord, signé en 2009, reste sous-exploité, mais Madagascar, qui préside le Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA) , a la possibilité de peser de tout son poids sur cette question, d’autant que les deux pays sont sur la même longueur d’onde.
Jean-Claude de l’Estrac, secrétaire général de la COI, estime également que les possibilités de coopération entre les deux pays sont importantes : «Madagascar a le potentiel de devenir le grenier de l’Indianocéanie. Au lieu d’importer des grains, du maïs, du riz ou des oignons de pays lointains et à des coûts élevés, tout cela peut être produit à Madagascar qui concentre 90 % des terres arables de la région. » D’ailleurs, la COI travaille sur un programme régional de sécurité alimentaire pour «libérer le potentiel de production et d’échanges». Notre interlocuteur rappelle que la filière du maïs intéresse les autorités mauriciennes.
Pour mieux exploiter ce potentiel, Jean-Claude de l’Estrac met en avant un de ses sujets de prédilection: la connectivité régionale. Il se réjouit de l’annonce de la création d’une compagnie maritime régionale. «Nous avons, à 1 h 30 d’avion, une terre d’opportunités, un bassin de main-d’œuvre, des terres, des savoir-faire aussi. Nul besoin d’aller voir plus loin pour gagner des points de croissance… Madagascar est quand même plus proche que Dacca », constate le secrétaire général de la COI.
Amédée Darga, directeur de Straconsult et ancien président d’Enterprise Mauritius, est du même avis. Il estime que l’économie malgache pourrait bénéficier de l’injection d’entrepreneurs mauriciens et vice-versa. «Les Mauriciens ont été un gros pourvoyeur d’emplois pour les Malgaches dans le textile, explique-t-il, mais il y a aussi d’autres domaines à exploiter à l’avenir, comme les TIC, les produits agricoles, la construction, la transformation de produits de mer et pourquoi pas le tourisme, si ce secteur se développe à Madagascar. » Amédée Darga concède toutefois que les récents remous politiques à Madagascar rendent périlleux tout exercice de pronostic.
La création des ZES contribuera-t-elle à renforcer les liens Maurice-Madagascar ? Ce n’est pas si sûr, estime Amédée Darga. « Une zone économique spéciale, cela ne veut rien dire, ce sont des zones avec des conditions d’opération particulières, mais quelle sera l’orientation sectorielle? Ensuite, les régions sur lesquelles on est tombé d’accord ne sont pas les meilleures : il faut une population abondante autour pour qu’il y ait un potentiel de développement pour d’autres activités économiques. » Ce qui ne serait pas le cas des zones choisies par les autorités.
Ce que les Malgaches pensent des investisseurs mauriciens
Comment sont reçus les Mauriciens qui se rendent à Madagascar pour y faire du business? Et comment est accueilli le projet de zones économiques spéciales? Judicaelle Saraléa, jeune professionnelle malgache qui travaille dans la communication, témoigne. « C’est difficile de parler des zones économiques, car je crois qu’en fait la majorité des gens ne comprennent pas ce que c’est », explique-t-elle. Ces projets annoncés par le gouvernement mauricien demeurent abstraits pour l’instant dans l’imaginaire populaire. Quant à l’interaction entre Mauriciens et Malgaches, la jeune professionnelle explique que le Mauricien ne se fait pas forcément remarquer parmi la multitude d’étrangers qui sont dans la Grande île. « Certes, il y a des Mauriciens à Madagascar, mais ils sont très peu nombreux par rapport aux autres communautés étrangères. Je trouve que les Mauriciens réussissent à bien s’intégrer dans la société et la société les accepte bien. »En chiffres
Exportations Madagascar figure parmi les principaux marchés d’exportation de Maurice. En 2014, 6,5% de nos exportations étaient dirigées vers la Grande île, avec Rs 5,3 milliards, ce qui est comparable aux exportations vers l’Italie (6,5%) et l’Afrique du Sud (7,1%). Au niveau de la COMESA, Madagascar arrive en tête et représente 76,1% de nos exportations de Rs 7 milliards parmi les pays membres. Au niveau de la SADC, c’est 43 % de Rs 12,3 milliards de nos exportations qui vont vers Madagascar. Importations L’importation de produits malgaches se chiffrait à Rs 1,2 milliard en 2014. Si le chiffre est très loin derrière les Rs 11,3 milliards de produits importés d’Afrique du Sud, il est tout de même comparable aux Rs 1,1 milliard des Seychelles et aux Rs 1,3 milliard du Kenya. Arrivées et départs De 2014 à 2015, il y a eu une baisse de 12,5 % du nombre de Mauriciens qui se sont rendus à Madagascar, soit une baisse de 10 547 à 9 229 visiteurs. Il est comparable au nombre de Mauriciens qui se sont rendus aux Seychelles, soit 9 415 visiteurs en 2015, mais loin des 37 054 et 25 227 Mauriciens qui ont visité La Réunion et l’Afrique du Sud respectivement. En termes d’arrivées de Malgaches à Maurice, il y a également eu une baisse de 2014 à 2015 : 13 039 ont fait le déplacement en 2014 contre 12 215 l’année dernière, soit une baisse de 6,3%. Encore une fois, c’est La Réunion et l’Afrique du Sud qui sont loin devant, avec 143 934 et 101 954 respectivement en 2015. Investissements Les chiffres des investissements d’opérateurs mauriciens à Madagascar ne sont pas réjouissants. Alors qu’ils avaient atteint un pic de Rs 267 millions en 2007, il y a eu une baisse constante les six années suivantes. De Rs 235 millions en 2008, il y a eu une chute spectaculaire l’année suivante, avec seulement Rs 95 millions, puis Rs 71 millions en 2010. Après une remontée en 2011 avec Rs 188 millions, les investissements ont de nouveau baissé l’année suivante avec Rs 151 millions, pour s’effondrer à Rs 14 millions en 2013.Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !