L’argent suffit-il pour endurer la solitude, surtout lorsqu’on n’a plus 20 ans et qu’on est loin de sa terre natale ? Depuis le décès de son épouse, chaque soir, dans son HLM, à Strasbourg, en France Man Gopaul, 76 ans, se pose cette question.
«Pourtant, je suis à l’abri des soucis d’argent, mais la solitude est difficile à supporter dans un pays étranger », explique ce Mauricien parti en France il y a une quarantaine d’années et qui séjourne à Maurice depuis octobre dernier. « J’aime mon pays, mais je ne supporte pas la saleté dans les places publiques, les mauvaises manières », explique-t-il.
Man Gopaul, père de deux filles et un garçon, a longtemps exercé comme pâtissier, un métier qu’il avait appris à Maurice dès l’âge de 7 ans. Issu d’une famille en rupture alors qu’il était gamin, il a vécu avec sa mère, d’une localité à l’autre avant d’atterrir à Plaisance, Rose-Hill. « Très tôt, j’ai été initié à la pâtisserie, d’abord comme livreur, puis comme apprenti avant de devenir chef pâtissier. J’ai été embauché à l’Unic Store pour un salaire de Rs 300, une somme que mêmes les enseignants ne touchaient pas au début des années 70 », raconte-t-il.
Peu de temps après, il monte sa propre pâtisserie à Plaisance, où il embauche des membres de sa famille. Puis, il crée un groupe musical qu’il appelle l’Universal Band. Les deux entreprises connaissent un véritable succès, mais bientôt une dispute familiale mettra fin à cette belle aventure. « J’étais dégoûté, j’ai alors tout vendu pour une bouchée de pain et c’est alors que j’ai eu l’idée de partir en France ». Il ira en éclaireur à Paris, puis une deuxième tentative va le conduire à Strasbourg.
Dans l’Est de la France, il est livré à lui-même, en attendant un boulot et des économies pour faire venir sa femme et leurs trois enfants. Très vite, il se fait embaucher dans une pâtisserie, où il travaille sans compter les heures. Une fois ses économies en poche, et en moins d’une année, il paye les tickets d’avion pour sa famille. Il trouve un emploi pour sa femme, lui apprend le français et inscrit ses enfants à l’école. Quelques années plus tard, il loue un emplacement et y monte sa propre pâtisserie et un salon de thé. « J’avais appris à confectionner les spécialités alsaciennes de même que la pâtisserie française. Je n’ai pas tardé à me faire une réputation, car j’étais le seul Mauricien dans ce domaine ». Son business au firmament, le voilà rattrapé par le démon de la musique. Aussi n’hésitera-t-il pas à remonter son groupe avec quelques Mauriciens. « J’ai formé certains d’entre eux. Nous nous produisions durant des mariages et des fêtes d’anniversaire de nos compatriotes ».
Les filets du fisc
Au moment où tout va pour le mieux, il tombe dans les filets du fisc lors d’un contrôle. « Si j’avais eu un conseiller, j’aurais pu éviter cette embrouille », avoue-t-il. Ces déboires lui vaudront un sérieux redressement. « J’y ai laissé pas mal d’argent, mais heureusement mes enfants avaient terminé leurs études et je n’avais pas de dettes ». À 60 ans, Man Gopaul est contraint à une retraite forcée, mais comme il déteste l’oisiveté et aime avoir les poches pleines, il réussit à louer ses compétences de pâtissier. « Je m’en sortais très bien, mais la mort de ma femme, l’éloignement de mes enfants de moi et la lassitude ont fini par me décourager. Quant au groupe musical, il ne marchait plus, les gens préférant la grosse sono et autres DJ ». Dans son appartement, il vit aujourd’hui en reclus, n’attendant que les dimanches pour se rendre à l’église où il implore le Tout-puissant pour qu’il reçoive « un appel d’un de ses enfants. » Depuis qu’il est à Maurice, Man Gopaul multiplie les appels pour retrouver ses vieux amis ou collègues. « Je suis retourné à l’endroit où se trouvait la pâtisserie Unic. Il ne reste qu’un bâtiment presque en ruines. Aujourd’hui, je suis devant un choix difficile : rester tout seul à Strasbourg ou prendre mes affaires pour m’installer à Maurice. Mais mon cœur balance », concède-t-il.Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !