Maha Shivaratri 2016: prêts pour la marche de la purification

Les dévots prendront, à partir de cette semaine, le chemin du Ganga Talao dans le cadre du pèlerinage de la fête Maha Shivaratri, célébrée le lundi 7 mars. Cette longue marche vers le lac sacré se fait dans un esprit de dévotion et le sacrifice. Les pèlerins, vêtus pour la plupart de blanc, porteront sur les épaules des « kanwars » ornés d’effigies de divinités hindoues.

Des quatre coins de l’île, ils seront des centaines de milliers, à partir de cette semaine, à entreprendre le pèlerinage annuel du Maha Shivaratri, vers le Ganga Talao, à Grand-Bassin. Un pèlerinage « instauré  par nos ancêtres », explique Mala, une dévote. « C’est une tradition que l’on doit préserver », souligne-t-elle. Selon notre interlocutrice, « quand on entreprend ce sacrifice, on est sûr de recevoir la bénédiction de Shiva, dieu de la création ». D’ailleurs, des personnes de tout âge participent à la procession. Les dévots, eux, observent un jeûne de dix jours et s’adonnent à un régime végétarien. « Le jeûne ne veut pas seulement dire s’abstenir de consommer de la viande ou de l’alcool. Il signifie que l’on doit faire des sacrifices pour être pieux, non seulement durant ces 10 jours, mais pendant toute la vie. Nous devons jeûner pour ne pas mentir, ne pas blesser autrui intentionnellement, ne pas éprouver de la jalousie, ne pas être arrogants. En d’autres mots, nous devons consentir à des privations pour nous débarrasser de nos vices, car notre corps est le temple où réside Dieu », souligne Mala. En cette occasion, les volontaires affluent pour servir aux pèlerins de la nourriture, dont des ti puris, des fruits, du prasad ou un dessert, en guise d’offrande. Toute une panoplie de gâteaux sucrés sera également distribuée. Cette fête démontre la belle harmonie existant entre les religions. Partout, à travers le pays, des non-hindous offrent aux pèlerins des rafraîchissements. La fraternité, l’égalité et la solidarité animent les esprits.

Sur la route de la foi et des traditions

Faisant partie intégrante du folklore mauricien, les kanwars que portent les pèlerins illuminent toutes les régions du pays. Le kanwar a une structure en bambou.  C’est avec un cœur rempli de dévotion et de gratitude que les pèlerins prendront la route avec leurs kanwars sur les épaules pour se diriger vers Grand-Bassin, le lac situé sur les hauteurs. Cela démontre la dévotion et le sens du sacrifice de ceux qui entament la longue marche vers le lac sacré. Le fardeau est souvent très lourd et demande au pèlerin, déjà affaibli par le jeûne, la distance et la chaleur, de puiser dans ses ressources. Les habitants du Nord de l’île débuteront leur pèlerinage une semaine avant la date. « C’est un pèlerinage pendant lequel les fidèles bravent les intempéries et la fatigue pour prendre la précieuse eau du Ganga Talao, lac dominé, à l’entrée, par la grande statue de Shiva », nous dit Keshav, 20 ans. Certains clubs ou associations organisent un pèlerinage de groupe et les hommes portent à plusieurs de grands kanwars élaborés sur le modèle de temples, décorés de fleurs et surmontés de statues de divinités. Pourtant, chaque année des sociétés hindoues mènent une campagne soutenue, exhortant les pèlerins à construire des kanwars moins imposants – pour des raisons de sécurité – afin de ne pas gêner la circulation. Un appel qui ne semble pas avoir été entendu.

Action de grâce

« Je construis moi-même l’idole de mon kanwar, accompagné de fleurs et d’herbes artificielles, entre autres. Je passe des nuits entières pour le compléter. Je me suis mis à la tâche au début de février », nous confie Vinay. « En fait, pour moi, l’inspiration vient de la nature. Je vais couper les bambous au bord de la rivière. Je les nettoie avant de les mettre à sécher au soleil. Avec du raphia, je construis le kanwar. Les voisins qui viennent me donner un coup de main sont empreints de spiritualité, ainsi que l’exige ce travail. Je choisis souvent de porter le kanwar sur les épaules, plutôt que sur des roues. Ce sacrifice nous donne le shakti (courage) qui nous fait oublier la douleur », avance cet habitant de Lallmatie. Pour lui, le Maha Shivaratri représente surtout une action de grâce. « Je réussis dans tous mes projets et je suis en bonne santé. C’est ce qui compte et je me fais un devoir de faire le pèlerinage vers Grand-Bassin pour remercier Shiva pour cela », soutient-il. Pour Anish, 11 ans, c’est la foi en Shiva qui lui donne envie de participer à la grande marche. « C’est la troisième fois que j’entreprends la marche vers le GangaTalao. Pour moi, ce sera le plus grand bonheur. Je fêterai mon anniversaire avec le dieu Shiva. La fatigue et la douleur ne m’affectent pas, car j’entonne les chants religieux pendant la marche », souligne cet écolier. « Cela n’a pas été difficile pour moi d’encourager mes enfants à jeûner. Depuis leur plus tendre enfance, je leur ai inculqué les bases de la tradition et de la culture. Ils mangent ce que je prépare pour le repas. Je reste toujours aux côtés de mon fils lors du pèlerinage afin de l’encourager et lui masser les pieds. Malgré son jeune âge, il est toujours fort », dit Prema, la mère d’Anish, en souriant.