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Lindsay Rivière: «2016 devrait être l’année du ‘rethinking’ politique»

Lindsay Rivière
Journaliste, directeur de publication et surtout observateur attentif des évolutions de la société mauricienne, Lindsay Rivière fait un plaidoyer pour la relance économique en 2016. Réaliste, il estime que le défi du gouvernement demeure la vitesse à laquelle il va atteindre ses objectifs. Cette année a été marquée par un record de désinvestissement boursier soit Rs 4,3 milliards. Comment expliquer cela ? Il y a dans le monde entier un climat de morosité économique et Maurice n'est pas épargnée. Les investisseurs quittent les marchés moins performants, donc plus à risques. Mêmes les pays émergents connaissent ce ralentissement. Ce désinvestissement est un signe évident du manque de confiance dans l'économie au niveau mondial, mais aussi local. Il y a eu en 2015 des signes assez inquiétants. Les investisseurs détestent l'instabilité, quelle soit politique, sociale ou économique. Une fois ces signes visibles, ils ont tendance à jouer la carte de la prudence. Et c'est ce qui se passe à Maurice. Il faut également lier ce mouvement de désinvestissement au ralentissement du Foreign Direct Investment ? Malgré tous les grands discours qu'on a entendus jusqu'ici, le fait reste que le Foreign Direct Investment (FDI) est en baisse. En septembre 2015, on en était à Rs 7 milliards. On atteindra peut-être Rs 10 milliards, bien moins que les Rs 14 milliards enregistrées pendant la dernière année du régime travailliste. De plus, 85 % du FDI sont engagés dans l'immobilier et non dans l'appareil de production qui peut ramener de l'argent sur le long terme. Le ralentissement du FDI et le désinvestissement sur le marché boursier sont des signes préoccupants qui devraient nous inquiéter en même temps que le gouvernement vient parler de dizaines de milliards d'investissement pour sa vision 2030.
Que faut-il faire pour relancer l'économie et donner un coup de fouet à la croissance ? Même s'il y a énormément d'efforts consentis pour stimuler l'économie et y injecter un peu d'optimisme, il y a une réalité de ralentissement et d'essoufflement dans une mauvaise conjoncture internationale. Le gouvernement ne peut ignorer le désinvestissement, un endettement public fort et un essoufflement du secteur privé local. Le secteur privé mauricien est lourdement endetté – quelque Rs 300 milliards. Ces dettes ralentissement considérablement la capacité d'investir même si la bonne volonté est là.
[blockquote]« Ce désinvestissement est un signe évident du manque de confiance dans l'économie au niveau mondial, mais aussi local »[/blockquote]
C'est un tableau bien sombre que vous dépeignez là ? Il est surtout réaliste. Il n'y aura pas de miracle économique s'il n'y a pas une amélioration du contexte international. Comment assurer un miracle économique dans un tel contexte ? Comment résorber le chômage ? On ne progressera pas tant que la machine ne pourra s'emballer. Je ne suis pas pessimiste, mais lucide. Le gouvernement a promis une relance ? On peut promettre beaucoup de choses. Mais est-ce qu'on va 'deliver' ? Il faut que les analyses reposent sur la réalité des chiffres. L'ambiance à Maurice dépendra du quotidien des gens. S’il ne s'améliore pas, le mécontentement social, le pessimisme et le manque de confiance augmenteront. En 2016, il sera important pour le gouvernement d'aligner des résultats concrets qui feront une différence dans la vie des gens sur les prix des commodités, le coût de la vie, l'emploi et le salaire, entre autres. Il faut que 2016 soit l'année de la relance économique. Créer 100 000 emplois, est-ce réalisable ? La projection de SAJ est sur le long terme. Il a mis en place les politiques. Il faut maintenant les appliquer. Le gouvernement ne doit pas oublier les problèmes immédiats. Il faut que les familles voient une amélioration immédiate de leur situation. Le challenge pour ce gouvernement, c'est la vitesse à laquelle il va atteindre l'objectif visé. Quid de la perception de corruption dans le pays ? L'opinion des Mauriciens est déjà faite. Une récente étude souligne que 69 % des Mauriciens estiment que la corruption s'est aggravée à Maurice. La cause est entendue. Mais ce qui est important, c'est la perception des étrangers. Ils n'investissent pas dans les pays fragiles, douteux et où il y a une perception de corruption. Dans ce contexte, le Good Governance and Integrity Reporting Bill est une bonne chose. Il va moraliser la vie publique et le business. Il va injecter une dose d'éthique et de bon comportement. Mais on doit faire attention pour que ce ne soit pas perçu comme ayant une application sélective ou comme un instrument de punition. Il ne doit pas être un fouet permanent qui effaroucherait les investisseurs. La manière de faire du gouvernement est tout aussi importante que ce qu'il fait. Que pensez vous sur la pauvreté à Maurice ? C'est un problème qui peut être réglé. Il y a un gros effort qui est fait contre la misère extrême qui touche à peu près 10 % de la population. Mais le réel problème demeure l'appauvrissement de la classe moyenne qui engendre une nervosité sociale et des frustrations. Maurice me semble être une société frustrée due au fait que nous sommes exposés au monde et que les aspirations évoluent. En tant que président du Media Trust, vous êtes optimiste que la Freedom of Information Act sera une réalité ? Oui. En tout cas, on fait beaucoup d'efforts pour l'avoir. Depuis l'Indépendance, on a reculé par rapport à l'accès à l'information. J'ai connu une époque au parlement, où les informations étaient très accessibles. Maintenant, on vous dit que ce n'est pas dans l'intérêt public. Il faut rester vigilant pour que cette loi réponde aux besoins de la société mauricienne. Quels sont-ils ? Une société plus transparente et un accès plus libre à l'information officielle. Il faut aussi que la Fonction publique et la classe politique soient plus comptables envers le pays. J'espère qu'en 2016, on aura une ébauche. Et si cela se double d'une grande réforme à la MBC, qui est la dernière frontière à conquérir pour ne pas dire le dernier mur de Berlin à abattre, il est permis d'être optimiste. La formation des jeunes journalistes, une priorité pour le Media Trust ? Certainement. La presse s'est beaucoup rajeunie. Peut-être même un peu trop vite. Les besoins ont changé. Il s'agit maintenant d'encadrer, de professionnaliser, de relever le statut du journaliste. Il y a une nouvelle presse qui a émergé. L'information n'est plus ce qu'elle était. Nous en sommes bien conscients au Media Trust et nous nous préparons à professionnaliser la formation pour que le niveau soit à la hauteur de nos espérances. Et la réforme électorale... Il est clair qu'il va être très difficile de faire l'unanimité sur la réforme. On est mal parti. La réforme électorale n'est pas pour demain. Je ne suis même pas sûr que l'opinion publique veuille d'une grande réforme électorale qui change complètement les règles du jeu. L'intention est bonne, mais il faut travailler dans la réalité des intérêts des uns et des autres. Les intérêts ne coïncident pas. Et les intérêts sur le financement des partis politiques ? Comme la réforme électorale, c'est la grande hypocrisie de ce pays depuis toujours. Ceux qui croient qu'une subvention de l'État va régler le problème se mettent le doigt dans l'œil. Cela n'arrêtera pas le financement occulte des partis. Je n'y crois pas. Un vœu pour 2016 ? Qu'on ne rate pas 2016. Ce sera une année extrêmement importante pour l'économie et le 'rethinking' politique. On n'a peut-être pas fait le maximum en 2015, mais de grâce, ne ratons pas 2016. Faisons qu'elle soit une année de véritable transition.
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