Selon Gulshan Sooklall, secrétaire général du World Hindi Secretariat (WHS), l’avenir du hindi se construit dans le monde. Il est temps pour les Mauriciens, estime-t-il, de se montrer fiers de leur richesse linguistique.
Quel est le rôle du WHS?
Son rôle est d’agir comme une plateforme pour coordonner les activités liées à la promotion du hindi au sein de toute la diaspora. L’objectif ultime est de faire du hindi la septième langue officielle des Nations unies. Cela implique de nombreuses considérations, même pour l’Inde où l’hindi n’est devenu la langue officielle que dans les années 1950. Les implications sont grandes et la bataille n’est pas gagnée. Mais on y travaille. Notre rôle est aussi de créer l’environnement propice pour que, quand cet objectif sera réalisé, la grande famille de la diaspora soit prête à relever le défi. Nous ambitionnons de donner au hindi ses lettres de noblesse à travers des échanges entre les pays de la diaspora indienne.
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Est-ce que le WHS est une organisation socioculturelle?
Pas du tout. Quand on parle du hindi, tout comme pour les autres langues ancestrales, on a tendance à l’associer à la religion, à l’histoire, à une communauté, et à l’ethnie. Comme dirait l’anglais, « no mischief meant », mais la perception est pervertie. Nous sommes pour la promotion d’une langue qui est devenue globale. Aujourd’hui, avec l’influence de Bollywood, il n’y a pas de barrière ou de frontière à l’hindi. La langue est parlée en Argentine tout comme en Afrique ou en Alaska. A Maurice, des élèves qui ne sont pas d’origine indienne apprennent cette langue et qui sont les meilleurs de leurs classes. Il n’y a plus de clivage, mais plutôt un brassage de cultures. Le WHS estime que l’hindi est une langue globale, la langue de l’avenir.
On ne peut toutefois pas dissocier cette langue de la culture et de la religion…
Nous promouvons l’aspect global de la langue. Nous ne la limitons pas à des considérations primaires. Nous respectons tous les aspects liés à l’ethnicité, la religion et la culture. Pour le WHS, il est important de ne pas créer de barrières risquant de limiter le développement de cette langue qui a conservé toute sa richesse malgré la modernité.
Quid de l’intérêt des jeunes pour cette langue ?
D’après les statistiques au niveau du ministère de l’Education, il y a une baisse dans le nombre des élèves. Mais il faut aussi compter ceux qui choisissent l’hindi en option dans le privé. Donc, je dirai qu’il y a un regain d’intérêt. Les parents ont certes tendance à ce que leurs enfants choisissent au collège des matières plus ‘modernes’, mais souvent ils réalisent aussi l’importance d’avoir la langue en option.
Est-ce nécessairement une langue asiatique ?
Dans le cas du hindi, je n’aime pas ce terme ‘langue asiatique’.
C’est ce qu’elle est pourtant…
Quand une langue est parlée par un sixième de la population mondiale, elle ne peut être limitée à une partie du monde ! C’est le cas du hindi.
Quel conseil donneriez-vous à un parent qui doit faire un choix de matières pour son enfant ?
Qu’il choisisse judicieusement. Qu’il donne à son enfant toutes les chances de réussir dans la vie. L’apprentissage d’aucune matière ne vous garantit un travail. C’est pourquoi un parent doit comprendre que le marché du travail ne se limite pas à la superficie de Maurice. Le marché du travail est devenu global et la boîte à outils de son enfant doit être équipée d’une langue globale qu’elle soit l’hindi ou le mandarin, ou autre. Il faut tenir cela en considération.
Peut-on parler d’une littérature mauricienne en hindi ?
Bien sûr. Après l’Inde, Maurice est le pays où la littérature hindi a vraiment prospéré tant dans la quantité que la qualité. Cela grâce à des érudits dont Pahlad Ramsurrun, Ramdev Dhoorunder et Abhimanyu Unnuth, entre autres. D’ailleurs ce dernier est le seul Mauricien à avoir été admis en tant qu’Honorary Fellow du Sahitya Academy indienne, qui est l’équivalent de l’Académie des Lettres. Sans occulter les reconnaissances internationales des autres auteurs mauriciens qui écrivent en hindi. Notre littérature locale n’est pas une copie de ce qui est fait dans le monde. Nous avons une ‘saveur’ locale impossible à trouver ailleurs.
Qu’est-ce qui différencie la nôtre des autres ?
Déjà nos écrits sur l’engagisme. Des expériences que nous sommes les seuls à avoir vécues.
Que représente l’organisation de la prochaine World Hindi Conference à Maurice en 2018 ?
2018 sera une étape clé pour nous. Ce sera la troisième fois que Maurice organisera cette conférence, après 1976 et 1993. Elle coïncidera avec l’inauguration du siège du WHS actuellement en construction à Phœnix. C’est un honneur qui démontre le respect et la confiance que l’Inde et le Global Hindi Academia a pour Maurice. Grâce à cette conférence, Maurice deviendra la capitale mondiale du hindi. Maurice à beaucoup à gagner, mais surtout beaucoup à donner au monde en matière d’expérience. Maurice est le paradis des langues ancestrales. Il n’y aucun autre pays au monde qui peut rivaliser avec nous.
Que réserve l’avenir à la langue hindi dans le monde ?
L’avenir du hindi se construit maintenant dans le monde. D’un point de vue anthropologique, la langue hindi a beaucoup souffert de la mentalité postcoloniale. Même à Maurice ceux qui ‘avaient réussi’ avaient honte de parler l’hindi dans les lieux publics. Maintenant ce n’est plus le cas. On en parle avec fierté. Grâce à Google et Microsoft. Narendra Modi a conquis son auditoire en s’adressant au monde en hindi aux Nations unies, à Wembley, au Madison Square Garden, en Australie… C’est une langue qui ne disparaîtra jamais. Il est temps pour nous Mauriciens de changer notre mentalité et d’être fiers de notre richesse linguistique.
Comment l’idée d’une telle structure est-elle née ?
L’idée de ce secrétariat avait été lancée en 1975 par le Premier ministre d’alors, sir Seewoosagur Ramgoolam, lors de la première conférence mondiale sur l’hindi en Inde. Le but était d’avoir une plateforme qui réunirait la grande famille indienne à travers un réseautage interactif. Il y a eu des échanges au plus haut niveau entre l’Inde et Maurice. Et il a été convenu, tout naturellement, que le secrétariat serait basé à Maurice. Nos bonnes relations avec tous les pays concernés, nos initiatives pour promouvoir et préserver la culture et les langues ancestrales et notre volonté d’élargir la diaspora sont autant de raisons qui ont favorisé le choix de Maurice pour accueillir le WHS. Le Memorandum of Understanding avec l’Inde a été paraphé dans les années 1990, la loi votée en 2002 et le WHS lancé en 2007.
Pourquoi un tel retard à concrétiser ce projet ?
Il faut comprendre que la responsabilité d’un tel organisme engage plus que deux gouvernements. Les discussions, les échanges et les accords ont pris le temps qu’il a fallu justement pour qu’aujourd’hui, nous ayons une organisation plébiscitée par tous les pays membres.
Le plus jeune récipiendaire du Vishwa Hindi Sammaan
Âgé de 40 ans, Gulshan Sooklall est marié et père de deux enfants. Il détient une maîtrise en langue hindi. Secrétaire général du World Hindi Secretariat, il est aussi pigiste à la Mauritius Broadcasting Corporation et membre de plusieurs organisations dont le Hindi Speaking Union Council. Il est aussi le plus jeune mauricien récipiendaire du Vishwa Hindi Sammaan qui lui a été conféré à l’occasion de la tenue de la 10ème conférence mondiale sur la langue hindi. <Publicité
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