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Formation de couples en devenir : comment éviter un divorce programmé

Si le nombre de mariages a pris l’ascenseur en 2016, contre l’année précédente, le taux de couples qui rompent avoisine les 20 %.

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Certaines unions ne durent que le temps des cérémonies officielles ou alors sont programmées à jeter aux orties. Cette tendance au divorce aurait pu être pire, s’il n’y avait pas autant de couples qui boudent l’officier de l’état civil.

Feu l’abbé Henri Souchon aimait à dire ceci : « Quand vous voyez un couple, enlacé à en mourir, admirant le coucher du soleil sur une plage, c’est qu’ils sont fiancés. En revanche, quand un couple s’assied éloigné l’un de l’autre, sur la même plage et scrutant le même soleil, c’est qu’ils sont mariés. »

Cela peut faire rire, si l’on prend au premier degré ce que ce bon prêtre a dit de son vivant. Au fond, son message est loin d’être hilarant. Il est plus que profond, puisqu’il touche un mal qui ronge les couples, non pas à petit feu, mais comme un feu de camp des scouts. ça flambe de toutes parts.

Des 1 584 cas de divorce prononcés en 2013, ce chiffre est passé à 1 910 en 2016 pour 10 042 de mariages civils pendant cette année précise, toutes communautés confondues. S’il est vrai que le nombre de mariages entre ces deux années comparatives a connu une hausse sensible, soit 467 d’hommes et de femmes qui se sont dit oui devant l’officier de l’État civil, il n’en demeure pas moins vrai que le taux de divorce est considéré comme alarmant. Presque une sur cinq des unions officielles ne dure pas.

D’abord, qu’est-ce qui pousse au mariage ? L’envie d’aimer ? être considérés comme des hommes et des femmes étant stables et sérieux ? Pour amour, gloire et beauté ? Ou alors pour ne pas rester à quai, comme de vieux schnocks ?

Anusha Virahsawmy de Gender Links tente quelques réponses à ces interrogations, somme toute légitimes. Elle est d’avis que ceux qui disent oui devant les hommes s’aiment, avant tout, d’un amour profond et que cela s’apparente au graal des graals. « Ce que je retiens parmi les jeunes, c’est que le mariage est l’union de deux personnes qui s’aiment éperdument et qui sont heureux d’être ensemble. Toutefois, ni l’homme , ni la femme ne sont préparés au mariage comme tel. »

Est-ce parfois pour la galerie que de se marier civilement ou pour que la gentille dame ait le titre de ‘madam marye’ et non celui de ‘vie fi’ ? Anusha Virahsawmy est catégorique : « Ce n’est pas du faire-valoir. S’il arrive que deux êtres se marient civilement par défaut, c’est parce qu’ils ont fait un enfant, sans le calculer. Ce couple est appelé à ne pas durer. » Elle ajoute que, souvent, certains couples se mettent ensemble, tout en n’enterrant jamais leur vie de jeunesse et tout le tralala qui va avec, comme les happy hours et les soirées pyjamas avec des potes. Dans leur tête, se marier n’est qu’une petite gare où s’arrête le train de la vie qui redémarre après.

« Certains, âgés entre 20 et 30 ans, réfléchissent bien avant de prendre la décision de se mettre la corde au cou. D’autres ont une mauvaise conception du mariage. Pour ceux-là, c’est la fairy tale. Souvent, après trois ans de mariage au maximum, les deux se lassent et leur vie devient boring à en mourir. D’où le début du chacun pour soi au quotidien jusqu’à la décision finale de get away from each other  »,  renchérit Anusha Virahsawmy.

Liberté bridée

Pourquoi alors faire le grand saut quand, dans sa cervelle souvent pas plus grosse que celle d’un moineau, on n’est pas près d’une vie à deux et tout ce qu’elle charrie de soucis et d’anicroches ? Pavi Ramotah, anthropologue et sociologue, répond : « On ne respecte plus la religion, ses valeurs, ses normes et ses traditions. Puis il y a la pression des parents qu’il ne faut pas négliger. Par ailleurs, les jeunes ne pensent qu’au sexe et , souvent, il y a absence de compatibilité au sein du couple. »

Pavi Ramotah ajoute qu’auparavant, avec le concept d’agwa, soit le mariage préarrangé, les parents se faisaient un devoir « d’aller voir la maison du gendre idéal, de savoir si ses parents ne traînent pas de maladies pouvant être transmises aux enfants génétiquement. Mais maintenant, les agwa s’en moquent des sentiments. « Mem si tifi-la lougarou, nek apandan li ek enn pov ti beta labourerr krase krase ki anvi marye ».

Anusha Virahsawmy.

Pour sa part, Anusha Virahsawmy fait référence à une liberté souvent bridée par des parents ou des peers qui ne leur veulent pas toujours que du bien.

« Certains jeunes se marient pour se libérer du joug familial pesant, pour découvrir la liberté, s’éloigner de la maison et de la tutelle familiale. Le mariage devient alors une commodité avec, bien sûr, une date d’expiration programmée. Leur amour devient éphémère quand la vie réelle prend le dessus et qu’ils découvrent l’autre angle de l’être aimé sous the dark side of the moon. Les tracasseries sont banalisées au point de tuer l’amour. Alors, il ne reste plus rien, le socle cède. En revanche, il y a des jeunes qui savent que le mariage comporte des sacrifices et ils prennent cet engagement au sérieux. »

L’infidélité : la roulette russe

Il y a un autre phénomène qui gangrène le couple : l’infidélité. Voir ailleurs est devenu commode pour beaucoup et les deux sexes se partagent le trophée. Pourquoi ce besoin de prendre un/e autre à temps partiel comme partenaire quand il y a un/e autre permanent/e sous la couette ? Les avis divergent sur la question, mais se convergent sur un point focal : le mot sacrifice est vide de sens.

Anusha Virahsawmy estime que « les jeunes ont une autre conception du couple et ils sont nombreux à avoir une vie en parallèle. Tout en sachant que l’autre a quelqu’un dans sa vie, il/elle demeure avec son/sa partenaire. Difficile à comprendre et à accepter pour les esprits conservateurs, mais cette conception devient fréquente chez de jeunes couples ».
Pour Pavi Ramotah, c’est la facilité de tout cacher qui en est la cause principale et ne fait pas dans la demi-mesure dans son analyse. « Tromper l’autre partenaire est devenu banal, il existe des préservatifs, des pilules du lendemain, donc pena trass d’adultère. »

D’où alors la montée en flèche du nombre de divorces ? Notre intervenant donne quelques éléments de réponse. « Le divorce comporte plusieurs aspects : le manque de communication, la différence culturelle, les valeurs qui ne sont pas les mêmes, le champ d’activités qui diffère. Certains ne divorcent pas à cause des enfants, du qu’en dira-t-on ou pour la galerie.

Ce genre de couple n’est pas heureux et forcé de supporter l’autre. Il est alors préférable de larguer les amarres et d’arrêter de ne plus jouer au faux-semblant et de jouer à la roulette russe. » Le sociologue Ramotah conclut que « la culture hybride pose uin problème et confiner les côtés Nord d’un aimant ne les collera jamais, c’est même un repoussoir ».

Union libre et ‘agwa’

On a récemment vu une nouvelle mariée qui s’enfuit avec son amant le jour du ‘chawtari’, l’autre, ne supportant pas d’être cocu, qui tue sa femme et son amant, ou encore la belle-maman et son fils qui complotent pour faire passer outre-tombe la nouvelle mariée. Le mariage fout le camp, dirait-on. D’où que l’union libre prend de l’essor.

Anusha Virahsawmy se pose la question de savoir si ces mariages brisés, le temps d’un souffle de vent, ne relèvent de l’agwa, d’un mariage pré-arrangé, mais explique que ces drames humains ont un facteur commun le déficit de communication. Que ce soit entre les deux personnes avant leur mariage ou alors entre les beaux-parents.

Existe-t-il encore cette peur de demeurer ‘vie fi’ de la part de certains parents ? « Il existe encore cette peur des parents de voir leur fille rester sur les étagères, de ne pas trouver un homme ave qui se marier. Que se passe-t-il alors ? Les parents s’empressent de trouver un homme, ‘bon garson’ de préférence, bien sous tous les rapports. Que peut une fille quand ses parents décident de tout, même jusqu’à lui choisir un mari ? »

Qu’en est-il de l’union libre ? « Cela dépend de la personne. Il est effectivement plus facile de vivre en couple et de décider de se marier après car il n’est pas donné à tout le monde de vivre ensemble », nous confie Anusha Virahsawmy. Elle ajoute qu’il y a des couples qui vivent en concubinage et qui se cassent tout autant la gueule après, les raisons étant diverses, parfois, pour des pacotilles.

Clin d’œil

Mixte, et alors ?

Nombreux sont-ils à se marier bien que de confession religieuse différente. Elody a rencontré Girish sur un paquebot de croisière. L’une est pâtissière de Pte-aux-Sables, et l’autre chef de partie, de Plaine-des-Papayes. C’est en collègues qu’ils se sont rencontrés en pleine mer et les deux tourtereaux s’arrangent pour que leur ‘roster’ se croise. Le mariage se fera l’année prochaine selon les deux rites religieux. Côté familles respectives, pas de problème, car il y en a d’autres proches qui en ont fait de même.

Et de trois !

Cela peut pousser à rire, mais cet homme, nous dit Nicole Rohan, est venu par trois fois suivre le CPM. Pourquoi ? « Il a compris, par expérience, que celle qu’il avait choisie n’était pas le bon numéro. Finalement, la troisième était la bonne ».

Mélissa et Vincent : depuis le collège

Un amour fou ? Sans doute, car Mélissa et Vincent se connaissent depuis les bancs du collège. Dix ans qu’ils se côtoient, avec des hauts et des bas. Ils disent vouloir bâtir leur mariage sur du roc et gérer l’autre pour qu’ensemble ils puissent cheminer selon les préceptes culturels reçus des parents.

CPM = ‘pou kas mariaz’

Le père Jacky David aime à dire à ceux qui viennent suivre le CPM ceci : « Le CPM peut aider à rompre un couple. CPM veut aussi dire cours pou kas mariaz, puisque si les deux découvrent qu’ils ne sont pas faits l’un pour l’autre, ce sera durant le CPM, alors mieux vaut casser au lieu de faire semblant. »

Le CPM émulé

Depuis des années, l’Église catholique a introduit le Cours de préparation au mariage (CPM). Il est obligatoire pour les jeunes qui veulent se marier. A-t-il encore sa raison d’être ? à cette question, Nicole Rohan – qui avait à ses côtés son mari Dany et entourée par ses camarades du CPM en la chapelle Sainte-Marie Madeleine, à Pointe-aux-Sables – souligne que le CPM aide à former des couples. « Il est bon de savoir l’autre avant de se marier, c’est un apprentissage, encourager le dialogue et trouver le juste milieu. Souvent, il faut faire l’effort d’arrondir les angles, de passer l’éponge, de faire des concessions, tout est une question de manière de vivre et d’être, d’où l’importance du CPM. »

Le CPM, qui date du début des années 80 et introduit par feu le cardinal Jean Margéot, a été émulé par d’autres religions. Somduth Dulthummun, ex-président de la MSDTF, a tenté le coup. « Nous avons copié le CPM des catholiques et nous avons formé quelques couples, mais il a été difficile de tous les amener à suivre les conseils durant ces cours, les jeunes pensent tout savoir et se cassent le museau par la suite. ». Même son de cloche du côté Rajendra Ramdhean, nouveau président de cette fédération hindoue. « Le CPM a été quelque peu ‘dormant’ et nous comptons le réactiver, puisque nous constatons qu’il y a un effort à faire auprès de ceux qui veulent se marier pour éviter des drames humains. »

Nisaar Ramtoolah, de la Jummah Mosque, est tout ravi de ces cours de préparation au mariage. « Il y a quelques mois, nous avons introduit ces cours. Il y a des égarements, même parmi des familles religieuses. Nous voulons des couples heureux en tout et non se marier sur un coup de tête ».

Jenny Mootealloo, avocate : « Une vingtaine de cas par jour »

Qu’est-ce qui explique le taux grandissant de divorce?
Aujourd’hui les divorces et les ruptures d’unions se sont banalisés. à la Family Court, nous notons environ une vingtaine de cas de divorce quotidiennement, ce qui est inquiétant. L’une des causes principales de divorce reste l’infidélité, à laquelle font face beaucoup de jeunes couples.

Le divorce à l’amiable pousse-t-il les couples à casser davantage ?
En tant qu’avocate, je ne pense pas que ce soit le cas. Avec l’amendement à la loi du 15 mai 2011 qui a été codifiée aux articles 238-3 du Code civil, il est désormais possible de divorcer après une décision qui est mûrement réfléchie. Ce type de procédure a permis d’humaniser le divorce car auparavant il fallait obligatoirement divorcer en cas de faute ou de rupture de vie commune. Les époux doivent s’accorder sur certains points comme la garde des enfants, la pension alimentaire et le partage des biens mobiliers et immobiliers acquis pendant le mariage. Ce type de divorce permet aussi une entente post-divorce et cela est très important quand il y a des enfants issus du mariage. Ce type de divorce permet aussi de responsabiliser les époux quant aux engagements pris devant le juge. Ce divorce ne peut pas être demandé pendant les 24 premiers mois du mariage.

Donnez-nous un cas où le mariage civil n’a duré que quelque temps ?
J’ai récemment eu un cas où le mari a décidé de divorcer après une semaine de mariage.

Comment se comporte un couple en procès de divorce ?
Je dois dire qu’au début de la procédure, la situation est très tendue car il y a beaucoup de sentiments de haine entre les époux. Néanmoins, une fois la pétition déposée, on remarque que peu à peu la situation s’apaise. La garde des enfants et le montant de la pension alimentaire sont de gros obstacles qu’il faut franchir quand on parle de divorce. Très souvent, les enfants sont utilisés comme moyen de chantage entre les époux, afin d’arriver à leurs fins.

Les jeunes sont-ils plus concernés par le divorce. Pourquoi alors ?
La vie de couple est aussi plus souvent idéalisée par les jeunes qui s’y engagent et ils sont très vite désenchantés.

Les mariages pré-arrangés (agwa) favoriseraient-ils le divorce?
J’avoue qu’une des causes de divorce peut aussi être le mariage pré-arrangé. Toutefois, je pense que le mariage pré-arrangé résiste au divorce beaucoup plus que le mariage d’amour, puisque rien n’est attendu. Au contraire, tout se créé au cours du mariage. Le couple évite aussi la déception des parents. De mon expérience personnelle, j’ai vu moins de divorces construits sur un agwa.

 

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