
L’endettement des entreprises est passé de Rs 175 milliards en janvier 2024 à Rs 199 milliards lors de la période correspondante de 2025. Une augmentation de 50 points de base du taux directeur permettra-t-elle de faire baisser ces chiffres ? Éléments de réponse.
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La Financial Stability Report, publié récemment par la Banque de Maurice, renferme les données sur l’endettement des entreprises. Le rapport indique que la demande de facilités de crédit de la part de ces dernières a augmenté en dépit d’un coût d’emprunt relativement élevé. Le flux de crédit au secteur des entreprises a soutenu la production. Le crédit aux entreprises a grimpé à un taux annuel de 4,2 % en juin 2024. « La dynamique de la croissance du crédit aux entreprises a été principalement alimentée par la demande de facilités de crédit libellées en roupies, tandis que la demande de crédit en devises a été modérée », peut-on lire.
Cependant, les risques liés au secteur des entreprises sont restés faibles au premier semestre 2024. Le paysage des affaires a été soutenu par le fort dynamisme des principaux secteurs économiques. Cela a eu un effet positif sur la solidité financière des entreprises. Les bénéfices élevés ont renforcé leur capacité d’endettement et d’effet de levier.
L’endettement des entreprises auprès des banques par rapport au Produit intérieur brut (PIB) a oscillé autour de ses niveaux les plus bas depuis de nombreuses années. Cela a atténué les inquiétudes concernant la viabilité de la dette des entreprises. « Ces bons résultats ont également contribué à une diminution globale du risque de crédit lié au secteur des entreprises dans le bilan du système bancaire », est-il mentionné. Ceci dit, l’endettement des entreprises se chiffre à Rs 199 milliards à janvier 2025 selon les données publiées par la Banque centrale. À pareille époque en 2024, le montant était estimé à Rs 175 milliards.
Fazeel Soyfoo, partner International Tax chez Andersen explique que l’endettement des entreprises peut être pour le court ou moyen terme, c’est-à-dire pour financer le fonds de roulement. S’agissant du long terme, cela concerne principalement la vision d’une entreprise pour le développement de sa stratégie. « L’actualité économique eu égard des entreprises et notamment des PME a été dominée par une hausse du coût de faire des affaires en 2024. Cela en raison de la dépréciation de la roupie. Il faut aussi ajouter la difficulté au niveau des conditions du marché en fonction des secteurs d’opération. Certaines entreprises ont dû couvrir l’augmentation de ces coûts », indique-t-il.
Les raisons de la hausse
Avant de songer à contracter un prêt, une entreprise prendrait en compte la structure du capital. Cela implique la partie qui devra être représentée par le capital ou la dette. Imrith Ramtohul, Senior Investment Consultant chez Aon Solutions Ltd, avance qu’en cas de croissance, la dette risque d’augmenter, si les directeurs souhaitent contracter plus de prêts. « Les taux d’intérêt étaient assez corrects jusqu’à tout récemment. Il se peut que certaines compagnies aient profité de cela. Il y a des entreprises qui ont également des prêts en devises. L’appréciation en 2024 des devises a aussi influencé l’endettement des ménages », souligne-t-il.
Toutefois, le contexte international est non-négligeable, notamment suivant les différentes annonces du président des États-Unis, Donald Trump. Imrith Ramtohul, ajoute qu’en cas de développement de la guerre en Ukraine, cela pourrait impacter les entreprises importatrices à Maurice. « Néanmoins, la prise de fonction du nouveau régime a apporté plus de visibilité à travers ses différentes communications. Le bilan des entreprises cotées en bourse est positif », fait-il ressortir.
L’impact du Key Rate
Le Key Rate est passé de 4 à 4,5 % en févier dernier. C’est pour Fazeel Soyfoo une augmentation significative, mais ce n’est pas énorme. Ceci dit, soutient-il, la hausse du taux directeur aura une influence sur le coût de prêt et le remboursement. « Les entreprises devront réfléchir à la manière dont les financements futurs se feront, que ce soit par la dette ou par d’autres moyens », ajoute-t-il.
De son côté, Imrith Ramtohul explique que l’impact sera différent pour les grandes compagnies profitables par rapport aux sociétés fortement endettées. Le coût financier de ces dernières pourrait augmenter avec un impact sur leurs bénéfices. « Une hausse de 50 points de base du taux directeur est conséquente pour les entreprises qui sont bien endettées », dit-il.
C’est le 7 mai prochain que le Comité de politique monétaire se rencontrera de nouveau. Fazeel Soyfoo fait observer que l’implication directe d’une éventuelle hausse lors de cette réunion sera un paiement supérieur sur les intérêts. Toutefois, le coût de faire des affaires pourrait diminuer si l’augmentation du taux directeur a l’effet escompté sur la valeur de la roupie. De son côté, Imrith Ramtohul est d’avis que tout va dépendre des entreprises, de leurs opérations et de leurs bénéfices. Cela permettra de couvrir une nouvelle augmentation du Key rate en mai prochain.
En revanche, conclut-il, dans l’éventualité qu’une récession devienne d’actualité, entrainant une baisse de la demande mondiale, cela va affecter les entreprises.
Crédit bancaire au secteur privé
Le crédit bancaire au secteur privé a augmenté régulièrement au cours du premier semestre 2024, dans un contexte de conditions de crédit favorables dans l’économie. Le coût d’emprunt relativement élevé n’a pas entravé la demande de facilités de crédit de la part des ménages et des entreprises. Les prêts bancaires au secteur privé ont augmenté à un taux annuel de 7,4 % en juin 2024, soutenus par une forte croissance du crédit au secteur des ménages. Par ailleurs, le crédit aux ménages a grimpé de 11,8 % en rythme annuel en juin 2024. Il y avait un ralentissement vers la fin du second semestre 2023. La croissance du crédit bancaire aux entreprises est restée positive, avec une progression annuelle de 4,2 % en juin 2024.
Questions à…Roshaan Kulpoo, président d’United Pay Ltd : «L’endettement des entreprises ne va pas diminuer»
Après presque trois années de crise, et une année de reprise, dans quel contexte évoluent les entreprises en cette année 2025 ?
L’endettement est présent, mais n’a pas d’impact sur la qualité de vie de 30 % de la population. Cela est traduit par les chiffres des utilisateurs de cartes de crédit, le nombre de nouvelles voitures neuves et de seconde main achetées en 2024 et la consommation en général. C’est le cas également chez les entreprises qui font face à ce que subissent d’autres États insulaires comme Maurice. Je parle ici de l’augmentation du coût de la vie. Cependant, l’endettement est une étape qui permet aux entreprises d’innover et d’être créatives.
Quel est l’état de la trésorerie des entreprises ?
La trésorerie ne s’est peut-être pas améliorée. Il y a des facilités proposées par le gouvernement et les banques. Toutefois, il est grand temps pour les entreprises, notamment les PME, de réfléchir sur la façon de revoir leur modèle d’affaires et de dépenses. L’endettement des entreprises est relié à la capacité d’une entreprise d’augmenter son chiffre d’affaires et de proposer un salaire décent à ses employés. Le gros problème des entreprises reste la productivité.
L’endettement des entreprises s’élève à Rs 199 milliards en janvier 2025 contre Rs 175 milliards en janvier de l’année précédente. Que faut-il lire à travers cette hausse ?
Il conviendrait d’analyser en termes sectoriel. Il est clair que certains secteurs n’ont pas été impactés. Je ne pense pas que l’endettement des entreprises va diminuer. Les Mauriciens prospèrent en raison d’un certain pourcentage d’endettement. Cela s’applique également pour les entreprises. Ce n’est pas la première fois que le taux directeur a été augmenté. Pour autant, l’endettement des ménages et des entreprises ont continué de croître. Les chiffres le démontrent.
Faut-il s’attendre à ce que l’endettement des entreprises recule après l’augmentation par 50 points de base du taux directeur et l’impact sur les taux d’intérêts ?
Il faut être honnête, l’endettement fait partie de la vie des Mauriciens et des entreprises. Nous sommes dans un système. Il y a un segment de la population qui n’a d’autres choix que de s’endetter. Maurice compte 70 à 80 % de sa population qui touche un salaire mensuel ne dépassant pas Rs 30 000. Les entreprises qui souhaitent progresser sont aussi contraintes de miser sur les facilités de prêt à leur disposition.

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