
Après plus de dix ans d’attente, les élections municipales se tiendront enfin le 4 mai prochain à Maurice. Le président de la République, Dharam Gokhool, a promulgué le lundi 17 mars 2025, la dissolution des conseils municipaux des villes. Les citoyens se préparent avec enthousiasme à exercer leur droit démocratique, comme le révèle une tournée du Défi Quotidien dans les cinq villes le lundi 17 mars 2025.
Contre toute attente, Curepipe baigne dans un beau soleil en ce lundi 17 mars 2025, ce qui contraste avec sa réputation de ville grise et pluvieuse. Les habitants se pressent pour s’engouffrer soit dans le métro, soit dans les nombreux autobus des trois gares.

75 ans, est déterminée à exercer son droit de vote après dix ans d’attente.
Ce jour-là, l’église Sainte-Hélène accueille des prières spéciales. Véronique Larhubarbe, 75 ans, nous explique sa présence : « Je me rends aux 40 heures, car nous sommes en période de carême. » Lorsque nous l’interrogeons sur les élections municipales qui se tiendront le 4 mai après une dizaine d’années de renvois par le précédent gouvernement, elle esquisse un léger sourire.
« J’avais presque oublié leur existence. Néanmoins, c’est une excellente initiative qu’elles se tiennent, même tardivement. Nous sommes quatre votants à la maison et nous ferons notre devoir civique pour renouveler l’équipe actuelle », dit-elle.
Pourquoi ce désir de changement ? « Rien de personnel », précise-t-elle. « Mais Curepipe a besoin d’un renouveau et d’une équipe jeune capable de collaborer avec le gouvernement actuel. J’ai hâte de voter le 4 mai », ajoute la septuagénaire électrice dans la ville de Vacoas/Phœnix.

Plus loin, nous rencontrons Joseph Simpson. « Il était temps », lance cet homme de 75 ans, par rapport au rendez-vous donné aux électeurs le 4 mai prochain. « Regardez notre ville ! Curepipe figure parmi les plus négligées du pays : trottoirs dégradés, éclairage public défaillant, conseillers invisibles... Un changement s’impose. Dans mon foyer, nous sommes quatre électeurs. Nous devons exercer ce droit qu’on nous a confisqué depuis plus d’une décennie », lance-t-il.
Sera-t-il favorable à une opposition au sein du conseil si le gouvernement l’emporte ? « Pourquoi pas ? Ce serait bénéfique pour la démocratie » répond-il avant de poursuivre son chemin.
Toujours à Curepipe, nous croisons Patrick Seegoolam, 60 ans, un fidèle lecteur des publications du Défi Media Group. Né à Grand-Port mais ayant grandi à Curepipe, il partage son enthousiasme :
« Après une décennie, nous retournerons aux urnes à la suite des législatives. Le gouvernement précédent a bloqué cette rencontre démocratique essentielle. »

Poursuivant son analyse avec conviction, il ajoute : « Nous avons besoin d’un renouvellement, car Curepipe a souffert d’une gestion déficiente pendant dix ans. Un laisser-aller s’est installé. Je prévois une victoire écrasante en faveur du gouvernement le 4 mai. »
Que pensent les commerçants locaux, souvent baromètres précieux de l’opinion publique ? Figure emblématique du marché de Curepipe depuis de nombreuses années, Feroz Coowar nous accueille chaleureusement et partage son opinion. « Après dix ans d’attente, la tenue des municipales représente une avancée positive pour notre démocratie. Je voterai le 4 mai, comme les trois autres électeurs de mon
foyer », assure ce commerçant affable dont l’établissement constitue une référence incontournable en matière de venaison fraîche.
Intrigués par sa formulation, nous lui demandons ce qu’il sous-entend. Il sourit malicieusement avant d’expliciter sa pensée : « Une municipalité ne peut fonctionner efficacement sans le soutien du gouvernement central. En votant pour l’opposition, on risque de voir nos projets bloqués. Il faut que les équipes élues aux municipales fassent partie de l’équipe du gouvernement. C’est logique pour le développement des villes. »

Quittant les hauteurs de Curepipe, notre équipe se dirige vers Rose-Hill où les avis sont plus nuancés. Chauffeur de taxi bien connu de la Place Margéot depuis trois décennies, Bocus ne mâche pas ses mots. « On nous affirme que les caisses sont vides. Alors pourquoi dépenser des millions de roupies pour des élections municipales reportées depuis dix ans ? »
Assis dans son véhicule en attendant la clientèle, il développe son raisonnement : « On aurait pu patienter davantage. Ce n’est pas que je m’oppose à la démocratie locale, étant moi-même résident de Beau-Bassin et directement concerné, mais ces fonds auraient pu servir au développement d’autres secteurs prioritaires. »
Au fil de notre périple, nous rencontrons Vivian Bignoux, un ex-marin à la stature imposante, qui ne cache pas son aversion pour le Mouvement socialiste militant et son dirigeant. « En tant que Vacoassien, la politique me dégoûte désormais », confie-t-il avec véhémence. Son amertume trouve sa source dans les événements récents : « Regardez ce qu’a fait le gouvernement de Pravind Jugnauth. En tant que professionnel de la mer, je sais qu’on ne pouvait laisser le MV Wakashio sans surveillance pendant douze jours. Les marins savent que les courants du Sud allaient inévitablement le fracasser contre les récifs. »

Revenant sur cet épisode douloureux, il rappelle avec émotion que ce sont les habitants du Sud et des bénévoles qui ont dû sauver le lagon. « Qu’a fait le gouvernement dirigé par le MSM ? » demande cet homme fier d’être Mauricien mais attristé par les événements récents face aux agissements de l’ancien gouvernement.
Au-delà de ce cas précis, sa déception s’étend à l’ensemble de la classe politique : « Nous avons besoin d’une présence policière renforcée sur nos routes. Les chauffeurs agissent à leur guise, la criminalité et le trafic de drogue persistent. Voilà pourquoi je suis écœuré par toute la classe politique. » Ira-t-il voter le 4 mai ? Il élude la question, réitérant inlassablement sa méfiance envers l’ensemble de la classe politique.
Direction ensuite Quatre-Bornes où les petits commerçants semblent porter un regard différent sur ces élections. À 59 ans, Banon Jewon a ingénieusement transformé un tricycle motorisé pour vendre ses glaces artisanales. Son véhicule arbore un grand bac contenant des cornets, deux bols de gelée à l’ananas et de noix de coco parfumée, ainsi que du papier absorbant pour les gourmands.
Derrière cette installation modeste se cache une histoire de courage et de persévérance. Exerçant ce commerce depuis plus de trente ans, cette veuve a élevé seule ses trois fils qui ont embrassé la même profession.
« Je suis installée au marché de Quatre-Bornes depuis des années. Mes enfants travaillent ailleurs, notamment à Ébène. Nous gagnons honnêtement notre vie grâce
aux glaces. »

Contrairement à certains citoyens désabusés, cette native de Quatre-Bornes est parfaitement informée du prochain scrutin et compte bien y participer : « Il était temps que ces élections aient lieu. Toute ma famille ira voter car nous souhaitons du changement. Si quelques représentants de l’opposition sont élus, tant mieux. Mais si l’équipe du Changement l’emporte, des améliorations seront apportées pour tous les citadins. »
Puis nous terminons notre tour d’horizon à Port-Louis, capitale et centre économique de l’île où nous recueillons un témoignage empreint d’optimisme. « Mon pronostic : ce sera le changement », affirme Joseph Chou, un habitant de Sainte-Croix. « Il y a l’embarras du choix en termes de candidats. Pour garantir une bonne gouvernance, les municipalités et le gouvernement doivent travailler main dans la main. »
Portant un regard lucide sur l’évolution récente du pays, il observe avec satisfaction : « L’harmonie qui caractérisait autrefois notre population est réapparue depuis les dernières élections générales. Cependant, les futurs conseillers devront s’atteler à la tâche avec détermination. De nombreux travaux d’infrastructure attendent d’être réalisés pour rattraper le retard
accumulé. »
Que ce soit avec enthousiasme ou scepticisme, les citoyens se préparent à renouer avec cette expression démocratique locale trop longtemps différée. Rendez-vous le 4 mai pour connaître leur verdict.

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