La privatisation de la Central Water Authority fait débat. L’annonce d’une majoration imminente des tarifs d’eau a fait relancer la polémique à tel point que les syndicalistes regroupés au sein de la « plate-forme anti-privatisation » ont tenu une manifestation symbolique devant le Parlement, lundi. Mais le ministre de tutelle maintient que la future hausse des tarifs n’a rien à voir avec un éventuel « partenaire stratégique ».
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Le spectre de privatisation des services publics a toujours interpellé nos syndicats qui sont résolument contre la privatisation. Alors que la majorité de la population demeure indifférente à ces débats, la plate-forme anti-privatisation veut affûter ses armes pour mieux conscientiser les membres du public sur les conséquences de la privatisation. En ce moment, c’est la privatisation de la Central Water Authority qui fait débat, dans le sillage d’une hausse de tarif annoncée pour bientôt. La dernière fois que les tarifs d’eau ont connu une hausse remonte à 2012, sous l’ancien gouvernement, où le public a subi une majoration d’environ 35 %. Mais pour le ministère, la hausse est importante pour inciter les gens à ne pas gaspiller d’eau. Toutefois, ceux qui bénéficient déjà de six mètres cubes d’eau gratuitement seront exemptés de toute hausse.
La plate-forme maintient qu'il est possible de rendre la CWA plus efficace sans la privatiser.
La plate-forme maintient qu’il est possible de rendre la CWA plus efficace sans la privatiser, alors que du côté du gouvernement, on parle de la nécessité d’avoir un partenaire stratégique parce que le pays n’a pas l’expertise technique nécessaire pour révolutionner le secteur de l’eau. La privatisation n’est pas nouvelle à Maurice, depuis des années déjà, plusieurs institutions et autres services publics ont été privatisés. Par exemple, les services de gardiennage ou de nettoyage dans le secteur public sont assurés par des entreprises privées. Nos services de voirie ont également connu la privatisation. Il y a beaucoup d’autres exemples. Dans certains cas, les services sont offerts par des compagnies privées mais appartenant à l’état. Par exemple, les services postaux, les télécommunications, les services aéroportuaires, et tout récemment les services aux petites et moyennes entreprises à travers la SME Mauritius Ltd.
Les tarifs d'eau
Le ministre des utilités publiques, Ivan Collendavelloo, a déclaré au parlement, mardi dernier, que les tarifs d’eau seront revus prochainement, mais que cela n’a rien à faire avec la venue d’un partenaire stratégique. Pour le ministre, la hausse de tarifs servira à consolider la structure financière de la CWA. Il a expliqué que le gouvernement avait le 18 décembre 2015 demandé à la Banque Mondiale d’effectuer une étude sur la réforme de la distribution d’eau et de fournir des conseils stratégiques sur l’implémentation d’une formule ‘Public Private Partnership’ à la CWA. La Banque Mondiale a par la suite recommandé la nomination d’un opérateur privé pour gérer et entretenir le système de distribution d’eau de la CWA sous un contrat de 15 ans. Le 3 février 2017, le conseil des ministres approuva l’implémentation de ces recommandations et la décision de trouver un partenaire stratégique. À noter que le ministère travaille déjà sur un ‘Water Bill’.
Du côté de la « plate-forme anti-privatisation », on déclare la guerre à toute forme de privatisation. La manifestation du lundi 2 avril 2018 a vu la participation de la State Employees Federation, la National Trade Union Congress, la CTSP, le syndicat de la CWA, l’ACIM, entre autres. Pour les opposants, l’arrivée d’un partenaire stratégique annonce le début du processus de privatisation, et ils veulent tout faire pour arrêter cela.
Ceux qui sont contre
Les opposants à la privatisation clament que le service public offre un service égal, sans discrimination géographique, ni de condition des usagers et sans discrimination de prix.
Ils estiment que certains services non-rentables ne seront plus offerts, car les sociétés privées sont plutôt motivées par les bénéfices. Ils craignent, aussi, une hausse de prix.
Ceux qui sont pour
Les partisans de la privatisation pensent qu’il y a une plus grande efficacité quand la production est gérée par des sociétés privées. Une société privée privilégie l’innovation, la reforme et l’amélioration constante de ses méthodes d’opération pour assurer la viabilité de l’entreprise, entraînant par là, une hausse de la qualité et probablement une baisse de prix, s’il y a une concurrence.
Gavin Ng : «Il faut avoir toutes les données avant de décider»
L’analyste Gavin Ng Lung Kit dit qu’il est difficile de dire s’il faut ou non privatiser la CWA, si l'on n’a pas toutes les données. Selon lui, les exemples de privatisation ratée sont régulièrement avancés par les opposants à la privatisation de l’eau. Mais, dans un cadre favorable à la concurrence et à la libre-entreprises, elle peut être bénéfique à l’économie et aux consommateurs. Néanmoins, en l’absence d’informations complètes sur la situation réelle de l’institution, les conditions d’un éventuel partenaire stratégique, les coûts, les conséquences, etc., on ne peut dire si l’idée est bonne ou mauvaise. « Il est important que les autorités communiquent mieux et que l'on ait accès à l’information ». Il propose que, dans toute forme de privatisation, que les membres du public et les PME aient la chance de devenir actionnaires.
Radhakrishna Sadien : «Je ne vois pas l’utilité d’un partenaire stratégique»
Le syndicaliste Radhakrishna Sadien, membre de la plate-forme regroupant les opposants à la privatisation, se dit fermement contre toute forme de privatisation et il maintiendra sa position, car il est convaincu que la privatisation de la CWA n’a pas sa raison d’être. « L’Île Maurice n’a pas de problème d’eau. Nous avons l’eau en abondance. C’est plutôt le captage et la gestion qui fait défaut. Nous savons déjà qu’il y a une grosse perte au niveau de fuites dans le réseau et cela demande un remplacement des tuyaux, qui est en cours. D’ailleurs, nous payons déjà une contribution pour les gros projets d’infrastructures dans le prix des carburants. Alors, je ne vois pas l’utilité d’un « partenaire stratégique », explique le syndicaliste, à Le Défi Economie. Pour lui, s’il y a un problème au niveau du management, que l'on résolut ce problème et non pas « vendre » la CWA a des multinationales.
Radhakrishna Sadien dit qu’à travers le monde, les événements entourant la privatisation de l’eau ont démontré que la gestion de cette denrée vitale doit toujours être entre les mains du gouvernement. Il pense que les multinationales se servent des « courtiers » pour amener les gouvernements des pays en développement à adopter la privatisation et déplore l’indifférence de la population sur ce débat, aussi important, d’où l’intention de la plate-forme pour initier des campagnes nationales sur ce thème. Mais il se réjouit que la plate-forme regroupe des syndicats et des travailleurs sociaux de tous bords. Selon lui, la privatisation aura plusieurs désavantages. D’abord, il craint de futures hausses du prix de l’eau, car une société privée est motivée par un maximum de profit. Ensuite, un service privatisé ne sera plus redevable envers le Parlement. Il peut, aussi, avoir des licenciements. Ce sont les pauvres qui souffriront davantage. L’agriculture pourra, aussi, être affectée, s’il y a un manque d’eau, car il ne sera plus profitable pour fournir autant d’eau à ce secteur. « À noter que la privatisation de la CWA ne figure pas dans le programme électoral du présent gouvernement. Nous faisons un pressant appel au Premier ministre de bien mesurer les conséquences d’une telle décision dans l’intérêt du pays », conclut-il.
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