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Dr Rajen Murugan : «Aux États-Unis, c’est la méritocratie qui compte»

Dr Rajen Murugan

Issu d’une famille modeste de Stanley, Rose-Hill, le Dr Rajen Murugan, établi aux États-Unis, est une référence mondiale en ingénierie électromagnétique. En visite à Maurice, il a rencontré les ingénieurs du groupe Hyvec. Le Dr Murugan salue la qualité de l’enseignement à Maurice et plaide pour une meilleure collaboration public-privé. 

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Racontez-nous votre parcours à Maurice. 
Je suis né à Stanley, Rose-Hill, j’ai fréquenté l’école primaire Notre-Dame des Victoires RCA, puis j’ai terminé mes études secondaires au New Eton College. C’est d’ailleurs au collège que je rencontre Eshan Chady avec lequel je cultive une longue amitié et qui est aujourd’hui le CEO du groupe Hyvec. Mon père était chauffeur d’ambulance et ma mère femme de ménage. Mes parents ont joué un rôle déterminant dans mon développement social, culturel et éducatif. Comme tous les parents, ils ont travaillé dur pour que nous ayons une éducation et ce malgré nos difficultés financières.

Dans quelles conditions êtes-vous parti aux États-Unis ?
Après le secondaire en 1987, notre famille a immigré à Winnipeg, Manitoba, Canada. J’ai fréquenté l’Université de Winnipeg, où j’ai obtenu mon B.Sc. (Hons), en 1994, en physique. J’envisageais alors une carrière en radiologie. Cependant, mon intérêt pour la physique et la médecine m’a amené à l’Université de Leeds, au Royaume-Uni, où j’ai obtenu un M. Sc. en physique médicale en 1995. Je suis revenu au Canada un an plus tard et j’ai été encadré par l’un des principaux chercheurs canadiens dans le domaine de l’imagerie diagnostique du cancer du sein. Nous avons ensuite développé une technique électromagnétique appliquée non invasive et rentable pour diagnostiquer les petites tumeurs du sein qui ne sont pas détectables par mammographie aux rayons X - cette recherche a permis l’obtention de mon doctorat en 1999. La même année, on m’a proposé un poste dans une société d’ingénierie R&D aux États-Unis qui concevait, développait et fabriquait des semi-conducteurs. Au lieu d’appliquer les techniques électromagnétiques dans la médecine, c’était dans la conception de circuits intégrés ou semi-conducteurs.

Comment ont été les premières années de votre adaptation ?
L’adaptation a d’abord été assez difficile, principalement en raison des différences culturelles. En sus, il était urgent de maîtriser rapidement la langue, notamment lors des cours universitaires. Cela dit, je pense que j’ai eu la chance d’être entouré de bons amis qui ont été patients avec moi.

Comment avez-vous rejoint le milieu de la recherche aux États-Unis ?
Pour faire partie de la communauté de recherche américaine, les opportunités sont nombreuses si vous avez les diplômes universitaires appropriés et si vous avez publié un ouvrage dans des revues ou magazines et participé à des conférences de renom, entre autres, dans votre domaine d’expertise. Seule compte la méritocratie, quelle que soit votre origine ethnique ou culturelle.

D’où est venu votre intérêt pour l’ingénierie électromagnétique ?
C’est lorsque j’ai pris connaissance du taux alarmant de cancer du sein chez les femmes. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), il s’agit actuellement de 1 sur 3 de tous les nouveaux cancers féminins par an. Quand j’ai fait mon doctorat en 1999, il était de 1 sur 9. En sus, il y avait suffisamment de preuves qu’une exposition excessive à la mammographie aux rayons X augmentait le nombre de cas. L’utilisation de techniques électromagnétiques a fourni un moyen alternatif moins invasif pour visualiser et diagnostiquer de petites tumeurs du sein qui ne sont autrement pas détectables par mammographie aux rayons X. Depuis, j’ai poursuivi mes recherches en électromagnétisme appliqué pour résoudre des problèmes majeurs en médecine ou en ingénierie.

Le partenariat entre nos universités et les entreprises privées est essentiel au développement d’une main-d’œuvre compétitive.»

Quel constat avez-vous fait dans l’étude de cette filière à Maurice ? Sommes-nous en retard ?
Malheureusement, je n’ai pas assez d’informations sur la situation actuelle dans ce domaine de recherche à Maurice. Cela dit, je peux affirmer qu’il y a quelques recherches en cours en électromagnétisme appliqué dans nos établissements d’enseignement supérieur. Les étudiants apprennent les bases et les subtilités de l’électromagnétisme appliqué dans le cadre de leur programme d’études en ingénierie. Ce qui manque, ce sont les occasions d’utiliser les fondamentaux pour résoudre des problèmes pratiques. Je recommanderais, pour combler cet écart, que nous investissions dans l’infrastructure appropriée qui permettrait aux étudiants de passer du concept à la réalisation.

Comment, de manière générale, peut-on intéresser les jeunes apprenants aux études scientifiques à Maurice ?
Je ne peux faire un commentaire général sur les grands domaines d’études scientifiques. Cependant, du point de vue de l’ingénierie, je dirais que le besoin de comprendre comment les choses fonctionnent est inhérent à la plupart de nos étudiants, si ce n’est à tous. Cette même curiosité innée les pousse à choisir l’ingénierie comme choix de carrière. C’est à nous, éducateurs, de pouvoir par la suite les attirer à travers un programme d’ingénierie rigoureux et des opportunités offertes par le biais de l’État et de sociétés privées, que ce soit via des stages, séminaires ou ateliers ciblés. Aussi, nous devons nous atteler à réduire le gouffre entre la théorie et la pratique afin d’aider nos étudiants à visualiser comment leurs innovations contribuent à résoudre des problèmes de la vie réelle.

Peut-on raisonnablement créer une filière dans les métiers scientifiques à Maurice, dont celui de l’emballage des semi-conducteurs qui sont votre spécialité ?
Certes, on peut créer des opportunités pour nos étudiants dans le domaine des semi-conducteurs IC (circuit intégré). L’emballage des semi-conducteurs comprend plusieurs aspects : la conception, la recherche et développement, la fabrication et l’assemblage. Nos universités forment nos étudiants sur l’aspect design, un domaine à fort potentiel pour créer une telle filière à Maurice. 

Vous observez que l’université porte ses études trop sur la théorie et pas suffisamment sur l’aspect pratique, comment établir un partenariat entre l’université et le privé pour combler cette lacune ?
Permettez-moi de clarifier ma réponse. Je voulais dire que nous faisons un excellent travail d’enseignement des fondamentaux, mais que nous accusons du retard sur l’aspect pratique. Ce n’est en aucun cas la faute de nos éducateurs, mais plutôt un manque de financement approprié pour créer l’environnement qui boostera la créativité chez nos élèves en comblant ce fossé que j’ai énoncé plus tôt. Les possibilités de stage à partir de la 2e année universitaire sont une pratique très courante au sein d’entreprises privées et des universités. Les stages permettent aux étudiants de travailler dans des entreprises privées, tout en poursuivant leurs études. Ils offrent également une expérience de travail et exposent les étudiants aux technologies de pointe. Le partenariat entre nos universités et les entreprises privées est essentiel au développement d’une main-d’œuvre compétitive. Le groupe Hyvec accueille depuis quelques années déjà des étudiants au sein de ses différents départements d’ingénierie pour des stages. Ce qui lui permet de détecter des candidats potentiels pour le recrutement après leurs études.

Que doit faire l’île Maurice pour prévenir un exode des compétences en cette matière, entre autres, vers des pays qui offrent des cadres de travail et des salaires plus attrayants ?
La mondialisation a multiplié les opportunités à l’étranger si vous avez de bonnes compétences. Par conséquent, si nous voulons comprendre comment gérer cette situation, il nous faut d’abord comprendre les raisons de la volonté de quitter notre pays. Il y a eu de nombreuses études pour comprendre le problème de la fuite des cerveaux. En règle générale, c’est pour de meilleures opportunités de carrière, acquérir une expérience de travail que nous n’avons pas localement et améliorer notre expérience personnelle.

Le gouvernement et nos sociétés privées doivent travailler de concert avec nos établissements d’enseignement supérieur pour élaborer un plan qui identifie les compétences essentielles à leurs opérations afin d’établir un cursus plus ciblé qui comprend à la fois des aspects théoriques et pratiques. 

 

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