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Des trajectoires cycloniques qui défient les modèles traditionnels

Des météorologues de Météo France suivant de près le cyclone Garance alors qu’il se rapprochait de l’île de la Réunion.

Les cyclones ne suivent plus uniquement le modèle classique de déplacement parabolique, selon lequel ils se forment au nord-est et se dirigent progressivement vers notre région. Vassen Kauppaymuthoo souligne que les conditions climatiques actuelles permettent désormais aux cyclones de se former pratiquement n’importe où, y compris dans des zones auparavant considérées comme inhabituelles, telles que le Canal du Mozambique. Le cyclone Garance illustre parfaitement cette nouvelle réalité : il s’est développé avec rapidité et a surpris par son intensification soudaine.

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Un cyclone qui se serait formé à une distance plus importante, par exemple dans la région australienne ou vers l’archipel des Chagos, aurait accordé aux météorologues et aux autorités un délai plus confortable pour anticiper son arrivée et affiner les prévisions. Cependant, la vitesse fulgurante avec laquelle certains systèmes cycloniques peuvent désormais évoluer constitue un danger supplémentaire considérable. L’exemple récent observé après le passage de Garance à La Réunion est particulièrement révélateur : un vent violent s’est levé de manière subite, démontrant à quel point les systèmes cycloniques de petite taille peuvent se transformer en phénomènes extrêmement dangereux en un laps de temps très court. Ces systèmes possèdent, en effet, la capacité de générer des rafales atteignant 200 km/h en l’espace de quelques heures seulement, réduisant drastiquement la marge de manœuvre disponible pour organiser les préparatifs nécessaires.

Si Maurice a été relativement épargnée par le cyclone Garance cette fois-ci, une question fondamentale demeure en suspens : jusqu’à quand cette situation favorable perdurera-t-elle ? Le changement climatique exerce une influence majeure sur la circulation atmosphérique à l’échelle planétaire, remettant profondément en question les modèles historiques, qui permettaient de prévoir les trajectoires des cyclones avec une certaine fiabilité. Vassen Kauppaymuthoo explique ce phénomène en soulignant que la présence d’anticyclones ou de masses d’air plus frais peut désormais provoquer un effet de rebond des cyclones, les déviant significativement de leur trajectoire initialement anticipée.

Le rôle de l’Antarctique dans ces transformations atmosphériques fait également l’objet d’une attention particulière de la part de la communauté scientifique. La majorité des anticyclones prennent naissance dans cette région du pôle Sud, caractérisée par la présence de zones de haute pression atmosphérique. Il apparaît donc essentiel d’étudier comment ces bouleversements atmosphériques influencent et modifient le comportement des cyclones. Bien que la science ne puisse encore offrir de réponse définitive à toutes ces questions, il semble désormais évident que les interactions complexes entre les cyclones et les anticyclones, entre le pôle Sud et la zone de convergence intertropicale située au nord, jouent un rôle déterminant dans l’évolution de ces phénomènes météorologiques extrêmes.

Danger réel à ne pas sous-estimer

L’océanographe Vassen Kauppaymuthoo met fermement en garde contre un excès de confiance qui pourrait s’avérer fatal : Maurice n’est absolument pas à l’abri indéfiniment des conséquences potentiellement dévastatrices des cyclones. « Le danger, c’est de se complaire dans une illusion de sécurité », prévient-il. Il exprime ainsi sa satisfaction quant à la décision des Mauritius Meteorological Services (MMS) d’avoir privilégié des mesures de précaution lors du passage de Garance, plutôt que de mettre inutilement en péril des vies humaines en maintenant les activités scolaires et professionnelles normales.

Si Garance avait dévié, même légèrement, de sa trajectoire, les conséquences pour l’île Maurice auraient pu être considérablement plus graves. Alors que certains acteurs du secteur économique déplorent les pertes financières occasionnées par les jours de congé imposés, Vassen Kauppaymuthoo rappelle avec insistance que la priorité absolue doit toujours rester la préservation de la sécurité de la population. « Il aurait pu y avoir des pertes humaines, comme à La Réunion. Or, cela n’a pas de prix. Avant de brandir des chiffres, il faut réfléchir, car le pays l’a vraiment échappé belle », souligne-t-il.

N’ayant pas subi l’impact d’un cyclone majeur depuis 2002, de nombreux Mauriciens ont tendance à sous-estimer dangereusement la puissance destructrice de ces phénomènes naturels, qui comptent pourtant parmi les catastrophes naturelles les plus dévastatrices en termes d’énergie libérée. « Quand un danger de cette envergure se présente, il faut rester prudent et prendre les mesures nécessaires. Ce n’est pas un jeu », insiste l’océanographe, rappelant ainsi l’importance vitale d’une approche prudente face à ces manifestations extrêmes de la nature.

La météorologie, une science complexe

Contrairement aux idées reçues, la météorologie ne se limite pas à une simple observation du ciel, mais constitue une science rigoureuse fondée sur des concepts et des lois physiques, des équations mathématiques et des données analytiques intégrées dans des modèles numériques de plus en plus précis. Les observations proviennent d’instruments sophistiqués tels que les radars, les images satellitaires et les relevés de multiples paramètres atmosphériques, comme la pression et la température. C’est ce qu’explique Ram Dhurmea, expert en météorologie.

Avant l’avènement des modèles numériques, les observations s’effectuaient à l’aide d’instruments de mesure manuels, analogiques et mécaniques. Aujourd’hui, les supercalculateurs permettent de résoudre des équations physiques et mathématiques complexes pour prédire l’évolution du temps avec une précision considérablement accrue, souligne-t-il.

« Les différences entre les modèles numériques s’expliquent par la résolution du maillage utilisé, la fréquence d’actualisation des données et la qualité des informations initiales injectées », ajoute-t-il. Ram Dhurmea insiste également sur l’importance cruciale de la validation des modèles. « Si un modèle n’a pas été validé avant d’être utilisé, un météorologue a une grande chance de faillir dans ses prévisions, car on ne peut l’utiliser aveuglément. »

Néanmoins, malgré tous les progrès technologiques et numériques réalisés, la météorologie demeure une science inexacte.

Comment naît un cyclone

Selon Ram Dhurmea, un cyclone se forme lorsque des vents de directions opposées se rencontrent, par exemple lorsqu’un vent d’ouest rencontre un vent d’est, créant ainsi un tourbillon. Plus le flux et la vitesse du vent sont élevés, plus ce tourbillon devient puissant. Ce phénomène entraîne la convergence des masses d’air et la formation de nuages qui s’amplifient avec l’humidité océanique, donnant naissance à une dépression.

Si les conditions en altitude sont favorables, le système gagne en intensité. En revanche, un cisaillement des vents peut entraver son développement. La trajectoire d’une tempête est déterminée par les courants en altitude et également en basse altitude, dépendant de l’intensité du système : une faible tempête sera guidée par les flux de basse altitude, tandis qu’un cyclone intense sera davantage influencé par les flux d’altitude supérieure. L’énergie thermique de l’océan peut également jouer un rôle significatif dans la formation et la trajectoire d’une tempête.

Il est important de noter qu’à l’heure actuelle, la prévision de la trajectoire d’une tempête demeure un défi majeur pour les chercheurs.

Lexique

  • Vent fort : vitesse du vent d’au moins 40 kilomètres à l’heure et des rafales d’au moins 90 kilomètres à l’heure ; 
  • Rafale : vent de surface avec une vitesse enregistrée ou attendue.
  • Fortes pluies : averses entraînant au moins 25 millimètres de pluie en 30 minutes.
  • Pluies torrentielles : conditions météorologiques entraînant au moins 100 millimètres de pluies généralisées et susceptibles de durer plusieurs heures.
  • Dépression tropicale : phénomène météorologique où la vitesse moyenne du vent est estimée à au moins 51 et au plus 62 kilomètres par heure.
  • Tempête tropicale modérée : système de dépression tropicale dans lequel la vitesse moyenne du vent est estimée à au moins 63 et au plus 88 kilomètres par heure.
  • Tempête tropicale intense : système de dépression tropicale dans lequel la vitesse moyenne des vents est estimée à au moins 89 et au plus 117 kilomètres par heure.
  • Cyclone tropical  : système de dépression tropicale dans lequel la vitesse moyenne du vent est estimée à au moins 118, mais pas plus de 165 kilomètres par heure. 
  • Cyclone tropical intense : système dépressionnaire tropical dans lequel la vitesse moyenne du vent est estimée à au moins 166 et au plus 212 kilomètres par heure.
  • Cyclone tropical très intense: dépression tropicale dans laquelle la vitesse moyenne du vent est estimée à plus de 212 kilomètres à l’heure.
  • Onde de tempête : la différence entre le niveau d’eau réel causé par une perturbation météorologique et celui qui aurait été atteint en l’absence de la perturbation météorologique.
  • Onde de houle : système de vagues océaniques soulevées à une certaine distance au-dessus de l’océan en raison des vents soufflant sur cette zone.

Le cycle de formation d’un cyclone

cyclone
  • Étape 1

Réchauffement des eaux océaniques

Le processus commence lorsque l’eau de l’océan atteint une température supérieure à 26°C. Cette chaleur est fondamentale, car elle fournit l’énergie nécessaire à la formation du cyclone. Sans cette eau chaude en surface, le cyclone ne pourrait pas se développer.

  • Étape 2

Évaporation et formation des nuages

La chaleur de l’océan provoque une évaporation intense de l’eau. Cette vapeur d’eau s’élève dans l’atmosphère, où elle se condense pour former des nuages. Ce processus libère de la chaleur latente, qui est cruciale, car elle agit comme un moteur thermique pour alimenter le système.

  • Étape 3

Dépression tropicale

Lorsque suffisamment d’air chaud et humide s’élève, la pression atmosphérique diminue près de la surface de l’océan, créant une dépression. À ce stade, les vents commencent à s’organiser et à tourner autour du centre de basse pression, mais leur vitesse reste inférieure à 63 km/h. C’est le début de la rotation du système.

  • Étape 4

Tempête tropicale

Si les conditions restent favorables, la dépression s’intensifie. Les vents s’accélèrent pour atteindre entre 63 et 118 km/h. La rotation devient plus évidente et la structure du système s’organise davantage. C’est à ce stade que la tempête reçoit généralement un nom.

  • Étape 5

Cyclone formé

Lorsque les vents dépassent 118 km/h, la tempête tropicale devient officiellement un cyclone. Sa structure est maintenant bien définie, avec un œil central calme entouré d’une zone de vents violents et de précipitations intenses. Le cyclone est désormais un système météorologique puissant et autonome.

Les cyclones tropicaux portent différents noms selon les régions du monde : 

  • Ouragans, dans l’Atlantique et le Pacifique Est, 
  • Typhons, dans le Pacifique Ouest, et 
  • Cyclones, dans l’océan Indien et le Pacifique Sud.
 

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