À Maurice, la question des dépenses électorales cristallise des débats récurrents. L’affaire des sept élus ayant dépassé le plafond légal de Rs 150 000 ravive les interrogations sur l’adéquation des seuils avec les réalités du terrain. Depuis des années, politiciens et observateurs soulignent que ces montants sont déconnectés des coûts réels d’une campagne.
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La législation mauricienne fixe un cadre strict : un candidat affilié à un parti politique ne peut dépenser plus de Rs 150 000, contre Rs 250 000 pour un candidat indépendant. Ce seuil, établi en 1989, est unanimement considéré comme obsolète, tant les coûts de communication, de logistique et de mobilisation ont explosé. Dans la pratique, les dépenses réelles seraient largement supérieures, poussant les candidats à déclarer des montants inférieurs à leurs engagements effectifs.
Les candidats sont tenus de soumettre un affidavit détaillant leurs dépenses électorales. Pourtant, la véracité de ces déclarations est régulièrement mise en doute. « Il est évident que personne ne peut mener une campagne avec seulement Rs 150 000 aujourd’hui », confie un analyste politique.
Pour résoudre cette situation, le gouvernement avait proposé, le 18 juin dernier, le Political Financing Bill. Le texte prévoyait de relever les plafonds à Rs 1,5 million pour un candidat de parti et Rs 2 millions pour un candidat indépendant, avec un seuil supplémentaire de Rs 1,5 million pour les partis par circonscription. Faute d’une majorité de trois quarts au Parlement, le projet de loi est resté lettre morte.
Le Political Financing Bill prévoyait également des sanctions renforcées en cas de non-respect des règles de financement. Le projet de loi proposait que tout candidat dépassant les plafonds encourrait une amende pouvant atteindre Rs 5 millions.
La problématique n’est pas nouvelle. Dès 2002, la commission Sachs dénonçait, dans son rapport, ces plafonds déconnectés de la réalité. « La violation des plafonds de dépenses constitue une faille majeure dans notre législation, ce qui tourne en dérision toute l’idée de limitation des dépenses », affirmait-elle sans détour. La Commission avait fermement recommandé une augmentation des seuils de dépenses à un niveau raisonnable et réaliste afin de correspondre aux coûts réels des élections.
Une étude du Bureau central des statistiques, en 2004, révélait déjà des écarts significatifs : la dépense moyenne estimée pour les candidats aux élections de 2000 atteignait Rs 633 700, avec une projection à Rs 1 million pour celles de 2005. À la lumière de cette analyse, le Select Committee Leung Shing recommandait alors un plafond uniforme de Rs 1 million pour les candidats individuels et ceux appartenant à un parti politique.
Vingt ans plus tard, le problème demeure entier. Les affidavits déposés au Bureau du commissaire électoral illustrent cette contradiction permanente entre exigences légales et pratiques de terrain. En l’absence de nouvelles réformes, la question des dépenses électorales reste une zone grise du processus démocratique mauricien. Toutefois, le nouveau gouvernement a lui aussi promis de présenter une « bonne réforme électorale » comprenant sans aucun doute la révision des seuils de dépenses des candidats durant les campagnes électorales.
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