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Père Philippe Goupille, président du Conseil des religions : « L’indiscipline chez les jeunes ne se résoudra pas par la répression »

Le président du Conseil des religions salue un discours-programme porteur d’espoir pour Maurice. Il soutient l’action du gouvernement, notamment dans l’éducation, et appelle à une plus grande solidarité et compréhension interreligieuse pour construire un avenir meilleur.

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En tant que président du Conseil des religions, que retenez-vous du discours-programme ?

Je pense personnellement que c’est un discours qui se projette vers l’avenir et présente des propositions intéressantes pour le développement du pays. Dans cette perspective, il apporte une certaine « espérance » à la nation.

Votre appréciation du nouveau Cabinet ? 

D’après ce que je peux lire dans la presse, les nouveaux ministres semblent très actifs sur le terrain et attentifs aux préoccupations des citoyens dans plusieurs domaines. J’espère que cette dynamique se maintiendra.

L’Attorney General affirme pouvoir faire aboutir un accord sur Diego Garcia. Mais avec l’arrivée de Donald Trump, y a-t-il encore de l’espoir ?

Je souhaite de tout cœur que nous puissions aboutir à une résolution concernant Diego Garcia, mais il y a beaucoup de considérations géopolitiques en jeu, et il est difficile de prévoir l’avenir au regard des informations limitées dont nous disposons.

Venons-en à l’éducation : l’Extended Programme est mis au rebut et remplacé par un autre concept. Qu’en pensez-vous ?

Le nouveau ministre de l’Éducation fait beaucoup d’efforts pour donner une chance aux enfants qui ne peuvent réussir dans le programme académique formel. C’est l’occasion de saluer le travail de figures telles que Janine Grant, Eileen Leal, Christiane Baudot et Monique Yeung, qui ont ouvert des centres de formation où un enseignement holistique permet aux jeunes de construire un avenir. Je vous encourage vivement à visiter et soutenir ces centres, notamment celui situé dans l’enceinte de ma paroisse à Notre-Dame de Fatima, à Triolet.

Les personnes qui y travaillent ont une expertise précieuse pour l’élaboration d’un programme au niveau national. Même si certains de ces éducateurs ne sont pas « qualifiés » académiquement, ils possèdent cette précieuse « qualification » du cœur : un amour et une attention sincères. Les critères purement académiques ne peuvent évaluer la valeur d’un engagement humain qui porte tant de fruits.

On parle de 3 Credits pour passer du School Certificate au Higher School Certificate. S’agit-il d’un nivellement par le bas, d’un soutien aux « late starters » ou d’une ouverture des opportunités ?

Il est vrai qu’il faut tenir compte des élèves à développement tardif (« late starters ») et leur offrir la possibilité de mûrir et de s’épanouir dans un environnement scolaire accueillant. Cela ne doit pas pour autant freiner l’excellence académique. 

Aujourd’hui, dans le monde moderne de l’éducation, un bon professeur est celui qui parvient à encourager les élèves doués à atteindre l’excellence tout en accompagnant ceux qui progressent plus lentement. C’est le principe du « mixed abilities teaching ».

Une table ronde s’est tenue jeudi au ministère de l’Éducation avec les parties prenantes, et un consensus a été trouvé : ne plus permettre à un(e) mineur(e) de faire ce qu’il ou elle veut. Qu’en pensez-vous ?

Toute société a besoin de règles pour empêcher l’anarchie et la violence. Nous faisons face à un problème d’indiscipline chez les jeunes qui ne se résoudra pas uniquement par la répression. Un effort national est nécessaire pour aider les familles à relever les défis de l’éducation de leurs enfants. D’ailleurs, la ministre de la Famille, Ariane Navarre-Marie, que j’ai eu l’occasion de rencontrer récemment, s’est engagée à mettre en place des projets pour l’éducation et l’accompagnement des familles.

Je trouve difficile d’interdire purement et simplement l’accès aux réseaux sociaux"

Le Conseil des Religions publiera dans quelques jours un livre de Me Aleeyah Lallmahomed sur l’importance de la spiritualité dans la famille, tout en prenant en compte les autres dimensions de la structure familiale. Ce travail de recherche mérite d’être salué et encouragé.

Les réseaux sociaux font des ravages parmi les jeunes, qui y postent tout et n’importe quoi. En Australie, une loi interdit désormais l’utilisation de ces applications aux moins de 16 ans, et le gouvernement mauricien se penche sur la question. Est-ce une mesure réalisable et pertinente ?

Nous vivons dans un monde globalisé, et je trouve difficile d’interdire purement et simplement l’accès aux réseaux sociaux. Là encore, la solution ne réside pas dans la répression, mais dans l’éducation et le soutien aux familles.

La drogue touche de plus en plus de jeunes, se féminise et se vend à bas prix. Comment enrayer ce fléau ? 

Je me permets de citer la lettre pastorale du Cardinal Jean Margéot, écrite et publiée en 1987 : « La drogue, un défi… non une fatalité ». Dans cette lettre, il invite à poser un regard nouveau sur les toxicomanes et à accompagner la détresse des familles. Il y décrit également les diverses expériences de prévention et de réhabilitation mises en place dans différents pays. Ce document mériterait d’être actualisé.

Il n’existe pas de recette miracle pour résoudre ce problème, mais une phrase du Mahatma Gandhi ouvre une piste précieuse : « Découvre un sens à ta vie et partage-le avec celui qui ne sait plus où il va. »

La commémoration de l’abolition de l’esclavage a été célébrée samedi. La communauté créole affirme que l’Église catholique a endoctriné les descendants d’esclaves, ce qui expliquerait, selon elle, leur situation de « galère » actuelle. Que répondez-vous à cela ?

Il faut reconnaître avec humilité que l’Église catholique, en tant qu’institution, tant au niveau mondial que local, n’a pas toujours été en première ligne dans le combat pour l’abolition de l’esclavage. Cependant, nous ne devons pas oublier la contribution essentielle de figures comme le Père Laval.

Je voudrais également souligner que l’Église catholique a joué un rôle important dans l’accès à l’éducation des descendants d’esclaves, leur offrant ainsi des opportunités pour mieux s’intégrer dans la société. Le réseau d’écoles primaires catholiques, présentes aux quatre coins du pays, en témoigne.

À cela s’ajoute l’immense travail social accompli par les congrégations religieuses, notamment les sœurs de Lorette, les BPS et les Filles de Marie, pour accompagner les jeunes et leurs familles. Il existe une générosité extraordinaire au sein de ces religieux et religieuses, un engagement que l’on oublie parfois trop facilement.

Quel message souhaitez-vous adresser en tant que président du Conseil des religions ? Devons-nous faire preuve de plus de compassion, de respect, d’intelligence et d’ouverture d’esprit, et cesser de porter des œillères ?

Il est essentiel d’encourager une meilleure compréhension des religions des autres. À Maurice, nous vivons au rythme d’une diversité religieuse riche et profonde. Nous célébrons bientôt Cavadee et Maha Shivratree, nous avons récemment fêté le Nouvel an chinois, et nous nous apprêtons à entrer dans le carême chrétien, qui sera suivi du Ramadan.

J’appelle à la création, dans chaque région de l’île et au sein des paroisses, de petites cellules interreligieuses, où chacun pourra échanger, apprendre et mieux comprendre la foi et les pratiques de nos frères et sœurs mauriciens qui « croient différemment ». Nous avons déjà lancé cette initiative à Flic-en-Flac et à Phoenix, et nous attendons des volontaires pour l’étendre à d’autres régions.

Le Conseil des religions en fait l’un de ses projets prioritaires et se tient prêt à soutenir ces initiatives. À mes yeux, ce projet est fondamental pour renforcer la paix sociale et nourrir l’espoir d’un meilleur vivre-ensemble. L’ignorance des autres est souvent source de notre violence.

 

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