De «marsan mervey» à «Judas»

Le moins que l’on puisse dire est que le parcours de Rakesh Gooljaury a été marqué par une ascension rapide dans le monde des affaires, par des controverses judiciaires et par des relations étroites avec plusieurs figures politiques de premier plan. Son arrestation, dans l’après-midi du jeudi 6 février 2025 à l’aéroport Sir Seewoosagur Ramgoolam, est un nouveau chapitre dans l’histoire d’un homme qui a connu des sommets… mais aussi de profondes chutes. 

À la tête d’un empire évalué à Rs 1 milliard avant les élections générales de 2014, Rakesh Gooljaury se distinguait par sa représentation exclusive de marques internationales comme Mango, Hugo Boss, Jennyfer et Etam à travers son entreprise Fashion Style. En 2016, ses sociétés ont été mises en liquidation. 

À l’époque, il avait affirmé avoir tout perdu, y compris le domicile de ses parents à Petit-Verger, Saint-Pierre. Malgré ces difficultés financières, il est parvenu, en 2018, à vendre Fashion Style dans des circonstances qualifiées d’étranges, alors que l’entreprise était en situation de faillite imminente pour dettes impayées.

Une de ses réussites les plus notables dans le domaine des affaires a été le rachat, en 2012, d’un bâtiment encore en construction à la Cybercité d’Ébène par la State Insurance Company (SICOM) pour Rs 600 millions. Rakesh Gooljaury qui, selon la légende qu’il s’est construite, n’était qu’un « marsan mervey » à ses débuts, a été impliqué dans l’affaire du bungalow de Roches-Noires cambriolé dans la nuit du 2 au 3 juillet 2011. 

À l’époque, il avait dit à la police qu’il se trouvait sur place lorsque des voleurs avaient fait irruption. Or, il a changé sa version des faits en 2015, soit après la défaite électorale de Navin Ramgoolam en 2014, en affirmant cette fois-là que c’était ce dernier qui se trouvait sur les lieux en compagnie de Nandanee Soornack au moment du cambriolage.

En avril 2016, Rakesh Gooljaury avait plaidé coupable pour « effecting public mischief » en violation de l’article 298 du code pénal, reconnaissant avoir menti aux autorités dans cette affaire. Il avait été condamné à trois mois de prison, peine commuée en 90 heures de travaux d’intérêt général après un rapport favorable soumis par un Probation Officer.

Autrefois très proche de Navin Ramgoolam, Rakesh Gooljaury avait opéré un changement d’alliance peu avant les élections générales de 2014, se rapprochant du Mouvement socialiste militant (MSM) et de Pravind Jugnauth. Ce rapprochement l’a propulsé parmi les bras droits de l’ex-Premier ministre, se retrouvant même à organiser occasionnellement le catering pour ce dernier, comme l’a révélé un enregistrement diffusé par « Missie Moustass » durant la campagne électorale de 2024. Il a été impliqué dans plusieurs manœuvres politiques, notamment en facilitant le transfert de politiciens en faveur du MSM.

Ce virage politique, qui lui a permis de naviguer aisément entre les différents camps, lui a valu le surnom de « Judas » de la part de Navin Ramgoolam. Malgré son rôle central auprès de la famille Jugnauth, celui qui est décrit comme un habile négociateur et un charmeur a maintenu de bonnes relations avec certains membres de l’opposition d’alors, qui sont aujourd’hui au Conseil des ministres.

Un rebond financier... suspect 

Son influence au sein du régime MSM lui a donc permis de rebondir financièrement. Il aurait bénéficié de prêts de plusieurs dizaines, voire centaines de millions de roupies, facilitant son retour dans le monde des affaires après ses déboires. Aujourd’hui, il est notamment l’un des principaux fournisseurs de la Mauritius Duty Free Paradise, en sus de participer à divers projets commerciaux jugés lucratifs. 

Son interpellation jeudi à l’aéroport souligne que même après ses multiples rebondissements, son parcours demeure imprégné de controverses. Le feuilleton de sa vie, entre affaires et politique, continue de faire couler beaucoup d’encre.