Le dernier bulletin trimestriel de Statistics Mauritius prévoit un taux de croissance inférieur à celui de l’année dernière pour le secteur de la construction. L’investissement privé subira également la même tendance. Est-ce la fin du boom ou une situation de reculer pour mieux sauter ?
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Les dernières prévisions de Statistics Mauritius indiquent que le taux de croissance pourrait atteindre 3,9 % cette année. Cependant, le secteur de la construction connaîtra une baisse de performance en 2019, comparé à 2018. En effet, le taux de croissance de ce secteur est estimé à 8,6 % pour 2019 contre 9,5 % en 2018.
La baisse s’expliquera par plusieurs raisons. D’abord, certains gros projets, à l’instar du Metro Express, ont déjà atteint un stade avancé. Puis, il y a d’autres projets qui tardent à décoller. Ensuite, les conditions climatiques défavorables auront un impact sur le secteur. Mais la raison la plus importante est le faible taux d’investissement du secteur privé. En effet, c’est l’investissement public qui domine le secteur de la construction, avec des projets d’infrastructure de grande envergure. L’investissement total va s’accroître de 12,6 % cette année, contre 11,4 %, l’année dernière. À noter que ce chiffre tient en compte l’acquisition de nouveaux avions par la compagnie nationale. La construction va contribuer 4,9 % au Produit Intérieur brut (PIB) cette année, supérieur au taux de 4,4 % l’année dernière. Mais pourquoi le secteur privé n’investit-il pas assez ?
Selon des observateurs économiques, il y a deux raisons qui expliquent pourquoi les investisseurs privés seront un peu timides cette année. D’abord, ils préfèrent attendre la présentation du prochain Budget avant de prendre une décision. Il se peut que le Budget annonce de nouvelles mesures fiscales incitatives. Ensuite, l’approche des prochaines législatives retarderont des projets d’investissements, car les investisseurs seront en mode d’attente. Le spectre d’un nouveau gouvernement laisse présager qu’il peut y avoir une nouvelle orientation politique du gouvernement, surtout en cas de changement. Donc, les investisseurs demeurent en mode attente.
Chiffres : secteur de la construction
Année / % | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 |
---|---|---|---|---|
Contribution au PIB | 3,6 % | 3% | 3,0 % | 3,1 % |
Croissance | 4,2 % | 4,3 % | 4,4 % | 4,9 % |
Bhooshan Ramloll : «Le secteur est en progression»
Bhooshan Ramloll, patron de RBRB Construction Ltd, nous dit que le secteur de la construction comporte tous les ingrédients en ce moment pour une réussite totale. « Je ne pense pas qu’il y aura un ralentissement dans le secteur cette année », dit le constructeur. Il est aussi d’avis que les prochaines législatives ne sont pas nécessairement un facteur qui pourrait freiner l’élan du secteur. Au sujet de la disponibilité de la main-d’œuvre, il avance que c’est un problème qui perdure, mais le gouvernement est en train de prendre ce problème au sérieux.
Yassin Doolaur : «Le secteur est en ébullition»
Yassin Doolaur, Project Manager et ingénieur civil, nous dit que le secteur de la construction est en ébullition en ce moment. « Il y a un véritable boom et tous les professionnels et prestataires de services sont très pris », indique-t-il. Il avance qu’il n’y a pas que les contracteurs, tous grades confondus, qui bénéficient, mais aussi tous ceux concernés sur toute la chaîne : Location d’équipements comme les excavateurs, les spécialistes du landscaping, les électriciens, plombiers, menuisiers, poseurs de carreaux, ateliers de métal ou aluminium, peintres, piscinistes, fournisseurs de meubles, quincailleries, décorateurs d’intérieur, etc. « Je pense que la tendance va se maintenir jusqu’à fin 2020 ou mi-2021, parce qu’il y a beaucoup de projets résidentiels en chantiers. Même le secteur PDS est très actif », soutient l’ingénieur. « Il y a une grande demande de la part des clients mauriciens pour des maisons abordables, ce qui fait que les projets se multiplient », explique Yassin Doolur. Il cite l’exemple du projet Mid West Cove à Palma, qui a reçu une dizaine de réservations dès son lancement. « La demande est là, également, sur le littoral, surtout dans le nord. » La construction bât son plein même à Rodrigues. Cependant, il appréhende un ralentissement à cause des élections, car les investisseurs préfèrent attendre pour voir, s’il y aura des changements dans la politique du gouvernement. « D’après mon expérience, quand c’est le même gouvernement qui revient, l’impact est minimal avec la continuité. Avec un changement de gouvernement, les investisseurs attendent les nouveaux ‘policies’ », dit-il.
Deepak Doolooa : «Le secteur est plus ou moins stable»
Le directeur de RD Construction, Deepak Doolooa, trouve le secteur de la construction plus ou moins stable en ce moment. Il avoue qu’il y a eu une croissance extraordinaire ces derniers temps, mais les petites entreprises ne peuvent se contenter que de quelques projets par an, contrairement aux grandes entreprises. Cependant, il appréhende un ralentissement cette année, car avec les élections, les gens préfèrent attendre avant de lancer de nouveaux projets ou investir. « Toutefois, la demande pour de nouvelles maisons est toujours là, car les banques offrent des facilités d’emprunts facilement », dit-il. Deepak Doolooa déplore que des projets destinés aux étrangers ne soient pas en train d’attirer des résidents de qualité. Par exemple, il y a des villas ou appartements bas de gamme, vendus à des clients étrangers douteux et on ne sait pas à quelles activités s’adonnent ces gens. Ensuite, il pense qu’avec un investissement de 100,000 dollars seulement, n’importe qui peut avoir un permis de résidence à Maurice, mais est-ce qu’on est vraiment en train de cibler des investissements de qualité ? « Avec cette tendance, les Mauriciens ne pourront plus acheter un lopin de terre, à cause des prix qui flambent, mais aussi l’indisponibilité des terres », conclut-il.
Gérard Uckoor : «Certains critères du marché public nous pénalisent»
Le président de l'Association of Small Contractors, Gérard Uckoor, explique qu’il y ait un ralentissement ou une croissance dans le secteur de la construction, les petites et moyennes entreprises ne bénéficient pas assez. Il estime que les contrats ne sont pas adéquatement partagés et que les PME ne récoltent que des miettes auprès de gros projets. Il déplore aussi que certains critères dans les contrats publics éliminent les petits et moyens contracteurs.
« Quand on demande à un petit contracteur de prouver s’il a entrepris un projet d’une grande envergure dans le passé, il est déjà hors course. Or, même s’il a la capacité d’entreprendre un projet, il ne peut satisfaire certains critères », explique Gérard Uckoor. Aussi, pour entreprendre certains gros travaux, il faut que l’entrepreneur respecte certaines normes, ce qui augmente les coûts, mais s’il n’a pas les moyens d’investir pour être dans les normes, alors il ne peut postuler pour certains contrats. Le président de l’association pense qu’il faut introduire le système de ‘reserved contracts’ comme c’est le cas dans d’autres pays, pour que les petits et moyens contracteurs puissent en bénéficier. Il demande plus de partage dans le secteur, afin que tout le monde trouve son dû.
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