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Conférence : une stratégie nationale sur l’innovation souhaitée

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La 2e édition de la conférence sur l’innovation s’est avérée riche en enseignements de par la qualité des intervenants, des suggestions exprimées et de l’état actuel de Maurice dans ce domaine. Le déclin constant du pays au classement mondial de l’innovation, de la 49e place en 2015 à 75e cette année, invite à une prise de conscience des leaders politiques, du secteur privé et de la société en général.

Soumitra Dutta, auteur du rapport, estime que c’est le moment opportun, à l’ère de l’Industrie 4.0, d’avoir un leadership partagé entre leaders afin de faire émerger l’innovation à travers toute l’économie. 

« Ce qui est positif, c’est qu’aucun pays, à l’heure actuelle, ne se situe nettement au-dessus des autres. La Chine et les États-Unis investissement massivement dans ce domaine, mais les entreprises, à travers le monde, luttent pour savoir comment l’adopter efficacement. Le moment est bien choisi pour que Maurice élabore une stratégie nationale avec l’appui des acteurs-clés de l’économie. Vous pouvez vous inspirer du modèle du classement mondial de l’innovation et l’adapter dans le contexte local pour provoquer le changement, à travers des efforts conjugués », souligne-t-il lors de ce forum organisé par le centre de formation DoraCrea à l’hôtel Le Méridien en collaboration avec Le Défi Media Group. Soumitra Dutta cite à quel point certains pays consacrent leur attention sur l’innovation, à l’instar des Émirats arabes unis qui ont désigné un ministre chargé du développement de l’intelligence artificielle (IA). 

« Maurice a des fondements solides, avec une économie ouverte et un environnement paisible. Vous avez la chance de vous positionner comme leader dans ce domaine en Afrique. Tout comme Singapour était un pays tiers-mondiste, il y a 50 ans, aujourd’hui il est devenu leader en matière d’innovation dans cette région d’Asie, Maurice peut  devenir un hub d’innovation pour le continent africain. Pour cela, il faut un changement de culture et faire preuve d’engagement au plus haut niveau », ajoute-t-il.

Soumitra Dutta fait ressortir que l’actuel rang de Maurice ne veut pas dire le pays ne s’est pas amélioré dans ce domaine. Il ne s’est pas amélioré relativement assez rapidement. D’autres pays ont évolué beaucoup plus vite. « Mais si cette tendance à la baisse se maintient, ce sera mauvais pour le pays qui cherche à améliorer sa compétitivité et ses attraits pour favoriser les investissements », déclare ce professeur en management de l’université américaine de Cornell.


Face à une culture conservatrice... 

Xavier-Luc Duval
Xavier-Luc Duval (au centre) était aussi présent à la conférence.

Le classement mondial de l’innovation évoque les faiblesses de Maurice. Si pour des représentants d’instances publiques, il ne prend pas compte de certains paramètres, ceux du secteur privé ont livré un avis plus marquant sur des failles inhérentes.

Vidia Mooneegan, Senior Vice-President de Ceridian, estime que si Maurice avait été à la 30e place, tout le monde serait très content. « Mais on devra prendre le classement actuel comme un coup de semonce, soyons réalistes », dit-il. Dans ce même ordre d’idées, il estime que Maurice a raté une chance concernant la création de villes intelligentes. « On avait annoncé que le citoyen serait au centre de ce développement, mais au final, on constate qu’il ne s’agit que de projets qui utilisent des technologies. Chaque citoyen aurait dû avoir l’opportunité d’apporter des changements innovants dans les villes et leurs villages, ce qui leur aurait donné accès aux technologies pour mieux s’épanouir. Malheureusement, bien peu de gens bénéficieront de ces projets. Si on avait mené à bien le concept de villes intelligentes, cela aurait amélioré notre classement », souligne-t-il.

Selon Dev Hurkoo, directeur général de Rogers Capital Technology, Maurice a tendance à adopter des technologies un peu en retard. Il évoque le manque de ressources humaines et une inadéquation entre ce que recherche l’industrie et ce qui est disponible sur le marché du travail. 

Mukom Akong Tamon
Mukom Akong Tamon.

En tant qu’observateur, Raymond De Villiers, futuriste chez Tomorrow Today d’Afrique du Sud, estime que les Mauriciens sont culturellement conservateurs avec une aversion au risque. « Si Maurice persiste avec une telle culture, il risque de rester à la traîne. Il ne faut pas avoir peur des échecs, au contraire, il faut apprendre de ses revers », dit-il. 


Énergie : Technologie adaptée au contexte local

L’innovation en matière énergétique est une condition sine qua non pour qu’un pays puisse accélérer son développement à partir des nouvelles technologies. Le perfectionnement de ces outils gourmands en électricité est tributaire des nouveaux moyens de production de manière plus écologique. 

Soumitra Dutta s’inquiète de la baisse des brevets délivrés dans la filière de production énergétique. Le sujet a fait l’objet de débats du groupe de professionnels avertis, locaux et étrangers. À Maurice, on va dans la bonne direction avec l’usage de technologies avérées, mais adaptées au contexte local.

Joni Peddie
Joni Peddie.

Projet d'investissement

Les procédures d’appel d’offres ne sont pas appropriées pour attirer de gros projets d’investissement dans des productions alternatives d’électricité, précise Drishty Ramdenee de l’Economic Development Board. En passant par le Central Tender Board, des projets faramineux sont exclus de facto de la liste des soumissionnaires. Il souligne que des opportunités sont étudiées au niveau régional, notamment à Madagascar.

Il précise que le système climatiseur refroidi à l'eau de mer a été adapté dans le contexte local, plus particulièrement à Port-Louis. Plusieurs bâtiments de la capitale pourront réduire leur consommation d’électricité à l’initiative de la firme Urban Cooling Ltd.

Il en va de même avec la production d'électricité à partir de l'énergie houlomotrice ou marémotrice, explique Soonil Rughooputh, CEO de la Mauritius Renewal Energy Agency (Marena). Cette technologie doit être déployée selon la nature, la fréquence et autres variables des vagues des côtes du pays. 

Étant une instance nouvellement constituée, Marena se penche actuellement sur son plan directeur. Les domaines clés sont déjà identifiés dont la génération sur réseau et hors réseau, le transport, la recherche et le développement, le renforcement des capacités. Marena est en faveur de l’utilisation de l’hydrogène pour conserver l'énergie, car les batteries de haute capacité sont trop onéreuses ou comme combustible.  

Craig Wing
Craig Wing. 

Raj Makoond, ex-CEO de Business Mauritius, a élaboré sur la diversification de la production énergique avec l’utilisation de la biomasse. D’ici 2025, cette alternative représentera jusqu’à 55 % de la production nationale. Cependant, la législation en vigueur doit être revue afin de générer davantage d’énergie propre. Il estime que les entreprises doivent réajuster leur position afin de traduire concrètement leurs idées.


Les principales recommandations

Élaborer une vision

  • L’État doit formuler une vision nationale en matière d’innovation et coordonner stratégiquement les parties prenantes
  • Nommer un conseiller de haut niveau pour s’occuper de l’innovation auprès du Premier ministre
  • Agencer les principaux acteurs et diriger l’attention sur l’innovation depuis le plus haut niveau du gouvernement

Construire une marque

  • Appuyer les champions locaux de l’innovation qui ont réussi au niveau global
  • Soutenir les multinationales étrangères voulant installer à Maurice leurs centres de recherche 

Opter pour des orientations stratégiques

  • Identifier les secteurs-clés pour mener l’innovation (tourisme, développement de logiciels)
  • Faciliter le transfert et l'absorption de connaissances à travers des partenariats stratégiques (universités et entreprises phares)
  • Un soutien accru pour la création du savoir et la diffusion à travers des marchés internationaux
  • Apprendre du modèle singapourien sur le réseau global pour faciliter les exportations

Développer l'écosystème pour assurer le développement de l’innovation

  • Construire des écosystèmes à proximité des centres de recherche des universités avec la collaboration des leaders du secteur. Exemples : Silicon Valley (Stanford) ; New York (CornellTech) ; Corée (Samsung) ; Finlande (Nokia)
  • Engager des réformes pertinentes au niveau des universités
  • Offrir des packages attrayants pour attirer des talents et entreprises mondiaux pour s’installer à Maurice

Accorder des incitations aux entreprises

  • Créer un régime réglementaire plus prévisible et favorable
  • Fournir des incitations pour encourager les investissements
  • Offrir des avantages fiscaux attrayants et manifestes pour des investissements dans la recherche et le développement pour grandes et petites entreprises
  • Élaborer des seuils de performance en matière d’innovation en identifiant et célébrer les entreprises novatrices (s’inspirer de l’Indian Innovation Index)

Stimuler l'esprit d'entreprise

  • Rendre la vie plus facile aux entrepreneurs
  • Construire un secteur du capital-risque dynamique
  • Développer un fonds de capital-risque national (partenariat public/privé)
  • Introduire la pensée critique dans le programme d’études au collège
  • Encourager les brillants entrepreneurs à interagir avec les étudiants à travers des cours ou une éventuelle journée nationale de l’entrepreneuriat 

Innover au sein du gouvernement

  • Faire des Tics une priorité de l’État
  • Simplifier les procédures, les mettre en ligne et rendre l’État plus accessible aux citoyens
  • Créer une plateforme de partage en ligne dédiée à l’innovation 
  • Apprendre de l’expérience indienne avec Aadhar et IndiaStack
  • S’inspirer de l’OpenGov Initiative (de Grande-Bretagne et des États-Unis) pour encourager le développement des applications par des citoyens au bénéfice des citoyens

Prôner une approche inclusive de l’innovation

  • L’accès en ligne est important pour l’inclusion sociale et l'entrepreneuriat social 
  • Les recherches de la Banque mondiale indiquent qu’une hausse de 10 % de la pénétration du haut débit génère 1,38 % de plus dans le Produit intérieur brut (Pib) d’un pays à revenu intermédiaire ou faible. D’autres études ont démontré que chaque doublement du haut débit enrichit le Pib par au moins 0,3 %. Maurice se retrouve au 80e rang en termes d'abonnement au haut débit mobile.
 

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