Ils ont choisi de se porter volontaires dans ce combat contre l’épidémie du coronavirus qui gagne du terrain et qui jusqu’ici a fait plus de 1300 morts en Chine. Ils sont sur le terrain à Wenzhou, en Chine. Elle a l’âme d’une guerrière. Elle n’est pas près de reculer devant le moindre obstacle. Au contraire, elle est déterminée à se battre jusqu’au bout. Elle, c’est Sumayyah Hosany, une compatriote mauricienne, et son époux pakistanais, Hamad Abdul Zahir. Tous deux sont médecins.
Sumayyah Hosany avait le choix de rentrer à Maurice. Or, elle a pris la décision de rester en Chine qui, précise-t-elle, est sa « deuxième maison ». « Si j’étais une étudiante, j’aurais peut-être songé à rentrer au pays », souligne la jeune femme. Même si le coronavirus continue à prendre de l’ampleur, notre jeune compatriote avance qu’il « n’y a pas lieu de paniquer, car la situation s’améliore ». D’emblée, elle salue les mesures prises par les autorités chinoises pour mettre un frein à la propagation du coronavirus.
Si au tout début la doctoresse Hosany était angoissée par le coronavirus qui fait rage en Chine, cependant au fil des jours, sa vocation de médecin a primé : celle de venir en aide à ceux et celles qui souffrent. « Ma famille m’a fait paniquer. J’ai acheté Rs 15 000 de provisions et 20 litres d’eau quand il y a eu le ‘lockdown’ à Wuhan. Mais depuis, je suis plus confiante. Je ne vais pas rentrer à Maurice. Bien au contraire, je ne reculerai devant rien. Mes parents m’ont inculqué des valeurs, telles que de venir en aide à son prochain qui est en détresse », lâche-t-elle.
C’est dans un état d’esprit combatif que la jeune Mauricienne est sur le pied de guerre à Wenzhou, dans la province de Zhejiang. Cela fait maintenant deux semaines. Son époux, aussi dans la profession, est à ses côtés. C’est leur devoir en tant que médecins de faire preuve de bravoure, même si la peur d’être infectés est omniprésente. « Je sais qu’il y a un risque élevé de contamination. J’ai peur, je ne dirai pas le contraire, mais c’est cette même peur qui m’aide à vouloir aider un maximum de personnes », indique la trentenaire.
Médecins volontaires
Volontaire au péage avec d’autres médecins, dont son époux Hamad Abdul Zahir, ils doivent prendre les températures et veiller à ce que les personnes qui sortent ou qui entrent à Wenzhou n’ont pas de fièvre et ne présentent pas de symptômes de grippe. « Nous devons aussi retracer leur itinéraire pour voir s’ils ont été à Wuhan ou bien en contact avec quelqu’un de la région », explique Sumayyah Hosany.
La Mauricienne a même été confrontée à un cas confirmé de coronavirus. « Au tout début, j’ai eu affaire avec un homme d’une soixantaine d’années. Il s’est mis à hurler quand j’ai voulu prendre sa température. J’ai constaté qu’il était fiévreux. Un policier est venu m’aider pour le calmer », relate notre interlocutrice.
La doctoresse affirme que « l’homme en question a, par la suite, compris que les mesures étaient prises non seulement pour lui, mais également pour protéger sa famille ». Elle garde toujours en tête le patient qui est venu s’excuser auprès d’elle quand il a appris qu’elle était une étrangère qui mettait sa vie en péril pour aider autrui. Elle précise que « l’hôpital où elle travaille a pris une assurance médicale pour tous les médecins volontaires ». Sumayyah Hosany estime que la campagne de sensibilisation porte ses fruits. « Les gens sont conscients qu’il faut se protéger, notamment se désinfecter souvent les mains et porter des masques. Je me protège aussi comme le préconise l’Organisation mondiale de la santé. »
N’a-t-elle pas peur d’y perdre sa vie dans ce combat, à l’exemple du médecin qui avait tiré la sonnette d’alarme sur le coronavirus ?
À cette question, elle répond : « Il a travaillé 10 jours consécutifs, alors que nous travaillons sur un shift de 4 à 5 heures par jour ».
Au cœur de cette épreuve, une humanité
Chaque jour, Sumayyah Hosany est sur le front à 8 h 30. L’hôpital a mis une voiture à disposition pour récupérer les médecins volontaires. Avant de prendre son poste, ses collègues doivent d’abord prendre sa température. C’est le même processus quand elle termine son service aux alentours 13 h 30. Une fois à la maison, elle se désinfecte. « Je laisse mes chaussures dehors. En ce moment, je n’utilise que deux paires. À l’intérieur, je désinfecte ma veste et mes mains. Je prends une douche avant de vaquer à mes occupations », raconte cette dernière. Et pour se ravitailler, elle le fait en ligne. Si elle doit se rendre au supermarché, elle prendra toujours ses précautions.
Au cœur de cette épreuve, le Dr Sumayyah Hosany trouve formidable qu’il y ait encore cette humanité. « Policiers, médecins et autres sont tous mobilisés pour aider ». De son côté, Hamad Abdul Zahir souligne que son épouse lui est d’un soutien indéfectible. « Nous sommes tous deux loin de la maison. Pour être honnête, nous sommes plus confiants qu’effrayés. Si vous prenez vos précautions, vous pouvez faire ce que vous voulez », lance ce médecin d’origine pakistanaise. Même son de cloche pour Sumayyah Hosany qui précise que son époux, à ses côtés dans ce moment difficile, est extraordinaire.
Notre interlocutrice ne manque pas de souligner que les médias ont tendance à dramatiser pour créer en conséquence la « Une ». Mais pour sa part, elle souligne que « je vis cette situation sereinement. Je suis confiante que le gouvernement chinois trouvera une solution. Je pense que la lumière est au bout du tunnel. C’est encore faible, mais elle est là. Nous faisons tout notre possible », se console notre compatriote qui rappelle que le gouvernement chinois dépense des milliards de roupies pour trouver une solution.
Bio
Âgée de 30 ans, Sumayyah Hosany met le cap sur la Chine en 2008 après ses études secondaires. Cela fait 12 ans qu’elle a fait de la Chine sa deuxième maison. À son arrivée, elle a suivi des cours de mandarin avant d’entreprendre ses études de médecine. En 2014, la Curepipienne termine son MBBS à la Wenzhou Medical University. Elle obtient une bourse de son université et en 2015, elle entame son Master en chirurgie oncologique.
Il y a trois ans, Sumayyah Hosany assiste à une conférence à Beijing où elle rencontre l’amour de sa vie, Hamad Abdul Zahir, un médecin orthopédiste pakistanais âgé de34 ans. Ils se marient en mars 2019. Le couple a deux chats qui sont « comme leurs enfants ».
À ses détracteurs
Après ses premières déclarations aux médias à Maurice, Sumayyah Hosany a été prise pour cible par de nombreux internautes qui ne lui ont fait pas de cadeau. « Ils sont nombreux à critiquer mon choix de rester en Chine. Certains disent que ce sont des médecins comme moi qui viennent ensuite au pays pour tuer leurs proches. Je leur dirai que je ne vais pas rentrer de sitôt et surtout de ne pas me mettre dans le même panier que les médecins avec qui ils ont eu une mauvaise expérience. Nous les médecins, nous sommes humains avant tout, nous essayons de faire de notre mieux… Les commentaires désobligeants me blessent mais je préfère ne voir que le côté positif de mon juste combat. »
Nazia : « Je n’ai plus peur pour ma fille »
Si au début elle avait peur pour sa fille unique, Sumayyah, Nazia Hosany, 52 ans, est désormais confiante et pleine d’optimisme la concernant. Mère de trois enfants - une fille et deux garçons, Nazia estime que sa fille fait « un travail formidable ». « Elle a la chance de pouvoir apporter son aide à ceux qui en ont besoin, lance-t-elle. C’est cela l’humanité ! »
Quand l’épidémie du coronavirus s’est amplifiée, Nazia ne cache pas qu’elle était inquiète. Son époux était à l’étranger et elle suivait la situation de près avec un de ses fils dont un se trouve en Inde. « Des proches m’appelaient et faisaient pression sur moi pour que je demande à Sumayyah de rentrer à Maurice. Je me sentais concernée mais elle m’a expliqué la situation et depuis, je n’ai plus peur. »
Elle lui fait confiance, ajoute-t-elle. « Sumayyah a la tête sur les épaules, elle est responsable et elle ne fera rien qui soit à notre détriment. Elle est très pieuse et dans le Coran, on dit qu’il ne faut pas fuir s’il y a une épidémie là où vous êtes. Elle fera face et il ne lui arrivera rien. J’ai foi en Dieu. »
Nazia Hosany ajoute qu’elle a toujours incité ses enfants à faire du bénévolat. « Il y avait le Dr Veerapen, à Curepipe, qui auscultait des personnes gratuitement. J’avais dit à ma fille que quand elle sera médecin, elle devrait en faire de même ». La mère de famille précise qu’elle a tout fait pour que ses enfants puissent faire des études tertiaires. « Je n’ai étudié que jusqu’à la Form V mais je leur ai appris deux choses : rester humble et aider leur prochain. »
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !