Bien que courte, cette campagne électorale est marquée par des attaques virulentes sur Facebook, à coups de vidéogates qui n’ont cessé de se succéder… La campagne 2.0 a été intense, sans pitié et d’une bassesse extraordinaire. Ceux qui sont au four et au moulin depuis presque un mois ne sont nulles autres que les personnes appartenant aux cellules de communication des différents partis. Ces communicants essayent de donner le tout pour le tout, avec d’énormes défis à relever.
MMM - Daniella Bastien : «Ce qui est inédit, c’est qu’on n’a qu’un mois»
Anthropologue de formation et membre du MMM, elle s’est vue confier le rôle de responsable de communication du MMM. Ainsi, depuis le début de la campagne électorale, Daniella Bastien est sur tous les fronts. A tel point qu’elle a perdu toute notion du jour et de la nuit.
« Ce qui est inédit, c’est qu’il n’y a qu’un mois de campagne. Le plus grand défi est donc de garder la tête froide. Il est aussi important de rester focalisé sur l’objectif fixé et de ne surtout pas le perdre », affirme Daniella Bastien.
En tant que communicant, l’anthropologue a plusieurs tâches. « Je m’occupe de la communication avec les candidats, des sollicitations des médias, je choisis les candidats qui participent aux débats et autres émissions, je les prépare pour la MBC », énumère-t-elle quelques-unes des tâches de son agenda chargé. Pour ce qui est des conférences de presse, c’est le secrétariat du parti mauve qui s’en charge.
Ne comptant pas ses heures, Daniella Bastien explique que la machine électorale est complexe et qu’il faut être dedans pour en comprendre le fonctionnement. « Il ne faut pas se laisser embarquer par la pression. On est humain. Il faut avoir l’humilité d’accepter la différence entre ce qu’on peut faire et ce qu’on ne peut pas faire », estime notre interlocutrice. Sa philosophie est de rester honnête sur toute la ligne. Pour elle, « l’intégrité intellectuelle » est importante, car elle communique aux gens.
Daniella Bastien soutient que le MMM mène sa campagne plus sur le terrain que sur les réseaux sociaux. « La politique se fait avec les pieds et la bouche, pas avec les doigts et surtout pas assis derrière l’écran d’un ordinateur. C’est aller à la rencontre des gens et avoir ce contact humain », confie-t-elle.
Pour ce qui est des outils technologiques, Daniella Bastien précise que l’Internet est un peu pour arrondir les angles. « On n’inonde pas les réseaux sociaux. On n’a pas d’énormes budgets. D’où le fait que nous privilégions les one shot », indique-t-elle.
En tant que communicante, elle avoue travailler de façon organique avec les candidats. L’essentiel est que le message passe. « Si certains optent pour des Facebook live, d’autres choisissent des moyens comme la musique », explique-t-elle. Ainsi, les candidats font des constats, critiquent, tout en proposant des solutions qui sont dans le manifeste électoral du MMM.
MSM - Un communicant de l’Alliance Morisien : «On est habitués à travailler»
La campagne électorale se passe bien et on note un certain engouement et enthousiasme sur le terrain. C’est ce qu’indique une source de la cellule de communication de l’Alliance Morisien (MSM-ML-Mouvement Alan Ganoo). Le slogan Ensam tou possib, qui démontre que cette alliance est inclusive de tous les Mauriciens, porte ses fruits.
« Ce n’est pas qu’un slogan. C’est surtout la manière dont le Premier ministre dirige le pays. Ensam, on a fait des choses historiques. Par exemple, le salaire minimum ou encore le Negative Income Tax. On a réussi tous ensemble. Le gouvernement, la population, les syndicats et le secteur privé », cite notre interlocuteur. Ce qui fait que la population est, selon lui, au courant des choses accomplies.
C’est dans ce même esprit que l’Alliance Morisien continue à travailler pour « enn sel lepep, enn sel nation ». Pour le communicant, tout est simple et il ne se prend guère la tête. « On est habitués à travailler. On a une équipe homogène. Si c’était une équipe hétéroclite et s’il y avait des divergences, cela aurait posé problème et aurait été un challenge », estime notre intervenant.
Le communicant précise qu’en cette période de campagne, tout est intense. Les journées commencent très tôt pour se terminer très tard. Lui, qui a une fonction de groom, a pour tâche d’épauler et préparer les discours. D’autres affirment que tout un chacun joue son rôle. « Il y a une cohésion et de la fluidité. Il n’y a donc pas beaucoup d’efforts à faire. Les discours ne se fabriquent pas, ils sont spontanés. On peut le sentir chez nos candidats », s’exclame-t-il.
Ne voulant pas parler de campagne 2.0, le communicant affirme qu’il s’agit simplement d’apport technologique. « Cela fait des années que le Premier ministre est présent sur les réseaux sociaux et il communique à travers les radios et la télé. Il est connecté aux gens. Le travail continue, alors qu’un adversaire a récemment rebrandé sa page Facebook qui datait de 2009, mais qui était inactive. Ça, c’est récent », dit-il.
Il précise que l’Alliance Lepep avait utilisé les supports technologiques en 2014. « Ce n’est pas une bataille sur les réseaux sociaux, mais dans la réalité. Les réseaux sociaux sont un outil à ne pas négliger, mais il ne faut pas leur accorder plus d’importance qu’ils ne méritent », évoque notre interlocuteur. « On fait avec les moyens du bord, contrairement à la perception qu’on utilise l’appareil d’État. On joue le jeu démocratique », dit-il.
Dans la foulée, le communicant déplore le fait qu’il y a des « faussetés » véhiculées, une stratégie de leurs adversaires. De ce fait, il faut être paré à toute éventualité. « On ne peut pas empêcher des individus de ramener cette campagne vers le bas. C’est regrettable que des personnes qui ne sont pas concernées soient entraînées dans cette joute électorale comme l’épouse et les enfants du Premier ministre », condamne ce membre de la cellule de communication de l’Alliance Morisien.
Cependant, il estime que les Mauriciens sont intelligents et peuvent faire la différence entre ce qui est faux et ce qui est vrai. Sur le volet des clips qui se sont succédés, le communicant souligne que l’Alliance Morisien n’a travaillé que sur Ensam tou possib. Qu’en est-il des clips circulant sur les adversaires politiques ? Est-ce que les communicants sont derrière ? « Non ! » lance le communicant, qui ajoute que l’équipe de communication découvre comme tout le monde l’existence de ces clips, sans savoir qui en sont les auteurs.
Parti Travailliste - Un communicant de l’Alliance Nationale : «On abat un travail titanesque»
C’est une campagne très interactive, où on peut sentir l’enthousiasme des Mauriciens. C’est ce qu’on indique dans le camp de l’Alliance Nationale. Un des communicants souligne que des personnes sont très réceptives à leur slogan Anou liber nou pays. Ainsi, on précise que le team spirit est là.
C’est un fait indéniable pour notre interlocuteur. « Il y a une bonne et belle ambiance et beaucoup de confiance. Du côté de l’Alliance Nationale, on met l’accent sur le travail d’équipe des volontaires. Depuis le début de la campagne, on abat un travail titanesque », confie un des responsables, qui a été au four et au moulin durant ce mois très intense. Toutefois, il ajoute que rien n’est acquis d’avance dans une campagne électorale et qu’il faut continuer à travailler.
« On est très sollicités de toutes parts – les candidats, les agents, les médias. Bref, on doit être prêt à toute éventualité à tout moment. C’est très demanding, mais on se débrouille très bien, car nous avons une équipe solide et très motivée », lance notre interlocuteur. Même s’il ne peut dévoiler toutes les stratégies de l’Alliance Nationale, il évoque le fait qu’ils ont une stratégie de communication bien définie, avec une timeline de leurs actions réglée comme du papier à musique, calquée sur les médias traditionnels et les nouveaux.
L’équipe de communication est composée d’une douzaine de volontaires, de professionnels confirmés avec des expériences variées, une petite équipe avec de grands talents. Pour l’Alliance Nationale, la communication est la vitrine principale. Entre la planification, l’organisation, la coordination avec les candidats et les campaign managers, le feedback de la population, les meetings/congrès et les évaluations, l’équipe a du pain sur la planche au quotidien.
Le communicant déclare que la campagne 2.0 est un support stratégique. « On a des données en temps réel et nous sommes forcés de suivre l’évolution de la campagne et de prendre des décisions rapidement. Je dois vous dire que, selon les analyses, les pages de l’Alliance Nationale et Ramgoolam 2019 sont très suivies », s’exclame ce dernier, qui souligne que l’Alliance Nationale possède aussi son application mobile.
« Nous prônons aussi les débats d’idées afin de faire connaître nos candidats, surtout les nouveaux venus, qui sont au nombre de 26. Nous sommes, valeur du jour, tout près de notre objectif, qui est de gagner ces élections générales et de former le prochain gouvernement », dit, confiant, le communicant.
Pour ce qui est des clips, il affirme que ce sont des volontaires qui sont derrière. Ce qui, selon notre interlocuteur, fait la part belle à une campagne explicative de leur projet de société et des mesures phares de leur programme. « Par contre, il y a des clips produits par des médias qui dénoncent et font réfléchir la population sur comment le gouvernement sortant est pourri et corrompu.
Dans ce contexte, il déclare que l’Alliance Nationale dénonce « les fausses promesses et les nombreuses casseroles du gouvernement sortant ». Le communicant explique que son Alliance a des propositions pour solutionner les nombreux défis qui guettent le pays, tant sur le plan local qu’international. Il précise : « Nous voulons un nouveau départ, avec plus de liberté. Donc, en finir avec la censure et les fake news. »
Le communicant se dit satisfait du déroulement de la campagne jusqu’ici. « On sent déjà un tsunami rouge/bleu se lever aux quatre coins du pays, sans oublier que notre campagne sur les réseaux sociaux a été un succès retentissant. Cependant, les fake news et les bassesses de certains qui, heureusement, ne sont pas porteuses, ainsi que les propagandes où ils dépensent beaucoup d’argent, sont déplorables »,
s’insurge-t-il.
PMSD - Yannick Cornet : «Le marathon est devenu un sprint»
C’est après des décennies qu’on a droit à une campagne électorale d’un mois. Pour un jeune communicant de 40 ans, c’est une expérience hors du commun. C’est en tout cas l’avis exprimé par Yannick Cornet, porte-parole et rouage de l’équipe de communication du PMSD.
D’emblée, il explique que ce n’est pas facile de tout gérer. « Il faut s’occuper de la communication, des discours des candidats, harmoniser les discours, travailler sur le programme, faire le suivi médias-candidats, s’assurer que les candidats respectent leur engagement d’être en plateau radio ou d’être en interview pour le papier, analyser les revues de presse et tant d’autres choses. Tout cela en un mois. Ce qui est encore plus challenging est de gérer la plate-forme digitale », indique Yannick Cornet.
Si, auparavant, une joute électorale se jouait principalement à travers des réunions et du porte-à-porte, la donne a changé. Les réseaux sociaux, aux dires du communicant, sont devenus un champ de bataille et il faut donner la réplique à ses adversaires. « Il faut qu’une équipe soit disponible à n’importe quelle heure. Avec la censure, les milliers de faux profils, les propagandes, il faut rester vigilant pour pouvoir gérer », déclare le porte-parole des bleus.
Pour Yannick Cornet, il n’y a pas de doute que la campagne 2.0 a ses avantages et on arrive à y passer des informations, surtout quand on sait que 30 % des utilisateurs sont des jeunes. Mais il est quand même important de cerner les deep fakes ou bien les fake news. Pour lui, le plus important est de pouvoir véhiculer les messages et les idées.
Il ne manque pas de souligner que le PMSD doit aussi gérer la partie médiatique à Rodrigues. « Il faut vraiment faire du multitasking. On essaye tant bien que mal d’être sur tous les fronts, même si ce n’est pas toujours évident. Le travail sur les élections avait débuté bien en avance. C’était toutefois à un rythme plus réduit. Aujourd’hui, le marathon est devenu un sprint. à voir l’équipe de communication de celui qui a déclenché le sprint, je me demande si elle était prête ? » s’interroge Yannick Cornet.
À J-6 des législatives, le communicant des bleus affiche la satisfaction. « Ils ont, à leur solde, tout un arsenal médiatique comme Mazavaroo , Zordi et autres. Nous comptons sur le soutien des journaux. Le PMSD avait quitté le gouvernement par principe. On est maintenant dans une autre élection comme challenger, avec notre leitmotiv, qui est de changer le pays », soutient Yannick Cornet.
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