Sir Anerood Jugnauth présentera dans moins de trois mois le Budget 2016/17. Alors que le gouvernement laissait miroiter un taux de croissance optimal dans un court laps de temps, le Fonds monétaire international ramène ses ambitions à de justes proportions.
Création d’emplois. Meilleure qualité de vie. Salaires en hausse. Voilà ce qu’une croissance de 5 % amènerait au pays. D’ailleurs, l’objectif du gouvernement est d’atteindre cette barre dès 2018. Mais le Fonds monétaire international (FMI), à l’issue d’une série de rencontres en décembre 2015, est d’avis que l’expansion économique n’atteindra la barre des 4 % qu’à partir de 2019, soit vers la fin du mandat du régime Lepep.
En 2015, l’estimation de croissance se chiffre à 3,4 % (voir infographie en page 29). Le pays n’a pas atteint les 4 % de croissance depuis 2010. « L’économie mauricienne a continué de croître à une vitesse modérée de 3,4 % en 2015. La demande de nos marchés est faible. Le secteur de la construction est en contraction. Et il y a la chute d’un conglomérat financier majeur. Ces facteurs ont contrebalancé l’impact positif des conditions commerciales favorables », affirme le FMI dans son document rendu public sur son site dans la soirée du jeudi 17 mars.
En effet, on est loin du « deuxième miracle économique » promis. Les principaux indicateurs pointent en direction d’une nouvelle performance en deçà des attentes, confirmant dans une certaine mesure les projections du FMI. Le chômage flirte toujours avec la barre des 8 %. L’investissement privé, essentiel à toute relance économique, est en régression, estimée à 17,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2015.
La divergence entre les projections de l’État se situe également dans les revenus par tête d’habitant. En 2018, le gouvernement a estimé que ce serait de Rs 37 400 par mois. Selon le fonds monétaire, le montant serait proche des Rs 30 000. Pour prouver aux experts du fonds monétaire que Maurice peut mieux faire que ces projections, le budget que dévoilera sir Anerood Jugnauth contiendra à coup sûr une batterie de mesures incitatives à l’investissement.
Cet investissement ne peut que venir du secteur privé (voir en hors-texte l’analyse du Chief Executive Officer du groupe ENL), car la dette de l’État – domestique et externe – exige un contrôle strict des dépenses publiques. Le secrétaire financier, Dev Manraj en parle dans sa circulaire adressée aux ministères et départements étatiques.
Les rédacteurs du rapport du fonds monétaire reconnaissent néanmoins l’effort pour ramener la dette à 50 % du PIB. Le FMI dit « saluer les efforts déployés par les autorités pour mettre fin à la détérioration des finances publiques au cours des dernières années et a souligné l’importance de mettre en place une stratégie à moyen terme crédible pour préserver la viabilité de la dette. » Dans ce contexte, ils soulignent qu’une augmentation du taux d’activité des femmes et le recours aux travailleurs qualifiés « contribueraient à atténuer l’impact sur la croissance de la baisse de la population active projetée. »
Ciblage social
En vue de créer un espace pour les investissements d’infrastructure favorisant la croissance, le FMI recommande aussi de « contenir les dépenses courantes » et « de cibler les dépenses sociales prioritaires, tout en élargissant l’assiette fiscale, et améliorer l’efficacité des entités publiques. » « Les analystes sont quasiment unanimes à dire que les deux meilleurs moyens de réduire les groupes vulnérables (ceux en dessous de la classe moyenne) sont la croissance économique et le ciblage social », commente l’économiste Eric Ng, directeur de Pluriconseil, dans son dernier baromètre économique. En fait, ajoute-t-il « la politique de favoriser la création de richesses doit être accompagnée par celle de transformer l’État providence sur une base sélective. Il est absurde que les riches profitent des hôpitaux publics et de l’éducation gratuite. » Certes, les projections – que ce soit du fonds monétaire ou d’autres institutions internationales – sont du pain béni pour les analystes, sans oublier les volubiles et bruyants détracteurs de la présente politique économique. En ce faisant, on tient à occulter le fait que dans le monde, l’idée de récession est de plus en plus pressante. L’usine du monde, la Chine, tourne au ralenti. Le prix des produits pétroliers et des commodités sont en chute libre.Les secteurs bancaire et offshore vulnérables
Pour Maurice, le FMI souligne des vulnérabilités venant « des risques macro financiers résultant d’un éventuel ralentissement des activités et des vulnérabilités du secteur offshore et bancaire. » Les directeurs du FMI disent avoir communiqué aux autorités mauriciennes les risques de contagion potentiels des interconnexions complexes entre les activités offshore, le système bancaire et l’économie nationale. Ils plaident pour la mise à niveau du cadre de la politique macro-prudentielle, et recommandent la création d’une autorité macro-prudentielle avec un rôle central pour le Banque de Maurice afin d’améliorer l’évaluation et l’atténuation des risques systémiques. Le FMI plaide également en faveur d’un réexamen des incitations fiscales « qui faussent la prise de risque des banques vers les activités offshore et transfrontalières. » Mais aussi de mieux gérer la liquidité en devises étrangères des banques domestiques, et renforcer la capacité de supervision de la Banque de Maurice.Hector Espitalier-Noël, Chief Executive Officer d'ENL: « Nous continuons à investir »
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« Le tourisme demeure une industrie à fort potentiel. Nous notons une nette reprise dans ce secteur et estimons qu’il faut nourrir celle-ci en allant encore plus loin dans notre volonté d’améliorer l’accès aérien. Les services financiers constituent un autre moteur de croissance dont le développement future nécessite de l’innovation et la création de services à valeur ajoutée. L’image et l’attrait de la destination Maurice demandent également à être soignés. Il serait tout aussi souhaitable que le gouvernement confirme et précise sa stratégie pour le secteur immobilier en venant de l’avant avec un cadre éclairci et concret. En agissant sur ces trois fronts déjà, l’Etat aura donné un signal fort aux entrepreneurs mauriciens, les encourageant à avancer avec sérénité. Ceci n’est pas pour dire que les entrepreneurs ont perdu confiance, contrairement à ce qu'on peut entendre. Nous croyons dans l’avenir du pays et nous continuons à investir. »
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