Tandis que les aînés assistent pour la troisième fois à un 60-0 dans l’histoire du pays, les jeunes, quant à eux, expriment leurs réflexions avec un regard neuf, entre espoirs de changement et préoccupations pour la préservation de l’équilibre démocratique.
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Dusheena Tatayah, 25 ans : «Un pouvoir sans contrepoids peut facilement dévier»
À 25 ans, Dusheena Tatayah a assisté, pour la première fois, à une victoire 60-0 le 11 novembre dernier. « C’est un signal clair : les Mauriciens croient fermement en la capacité de ces leaders à transformer leurs espoirs en réalité. Cette victoire représente une opportunité unique de concrétiser des idées audacieuses et de bâtir un avenir meilleur pour tous », affirme l’étudiante en médecine, qui confie que ce n’est que récemment qu’elle a commencé à s’intéresser à la politique.
Ce type de succès s’accompagne d’attentes élevées. Les prochaines années seront déterminantes pour évaluer si cette confiance était justifiée, poursuit-elle. Et malgré son optimisme, elle n’ignore pas les défis posés par l’absence d’une opposition forte. « Un pouvoir sans contrepoids peut facilement dévier. Tout gouvernement, aussi compétent soit-il, a besoin d’un système de ‘checks and balances’ pour maintenir le cap », explique-t-elle.
Pour la jeune femme, l’avenir de Maurice repose sur une harmonie entre la préservation de ses richesses naturelles et son développement économique durable. « Nous vivons dans un paradis. Notre priorité doit être de protéger notre faune et notre flore. En préservant notre île, elle continuera de nous offrir ses merveilles », fait-elle ressortir.
Les jeunes, avec leurs idées novatrices et leur énergie, ont un rôle clé à jouer dans cette transformation, selon elle. Cependant, elle insiste sur l’importance de combiner cette dynamique avec l’expérience des générations précédentes. « L’alliance entre la sagesse des aînés et la créativité des jeunes est la clé pour construire une île Maurice prospère et stable », précise-t-elle.
Dipshika Somaroo, 22 ans : «Je suis surprise par l’ampleur de ce résultat»
Elle a voté pour la première fois aux élections générales de novembre 2024. Dipshika Somaroo, étudiante en Business Management à l’Université de Maurice, se dit « surprise par l’ampleur de ce résultat ».
À seulement 22 ans, elle représente la voix d’une jeune génération attentive aux enjeux socio-politiques, combinant optimisme et préoccupations concernant l’avenir de Maurice : « Il y a une volonté collective de changement, les citoyens ayant placé leurs espoirs dans une nouvelle équipe politique capable de transformer le pays. »
Cependant, elle reste prudente. « Le véritable verdict sera donné à la fin du mandat, lorsque les promesses électorales devront se concrétiser en actions tangibles », précise-t-elle. Et malgré cette victoire écrasante, Dipshika exprime des craintes quant à l’équilibre démocratique au sein du Parlement. « Avec un 60-0, l’opposition se retrouve affaiblie, ce qui pourrait compromettre la diversité des opinions et la robustesse du débat démocratique. »
Portée par une vision ambitieuse pour Maurice, la jeune femme aspire à un pays où la liberté d’expression, le droit à l’information, la transparence et la méritocratie seraient des piliers fondamentaux. Elle estime qu’un environnement favorable à l’investissement étranger est crucial pour renforcer l’économie nationale et réduire l’exode des talents.
Elle insiste également sur l’importance d’encourager les jeunes à s’impliquer dans la politique, mais de manière réfléchie. « Il est essentiel de comprendre les enjeux et d’acquérir de l’expérience avant de s’engager dans ce domaine, afin d’agir en véritables patriotes et non pas pour des gains personnels », affirme-t-elle.
Pour Dipshika, la politique n’est pas qu’une question de pouvoir. Elle y voit une vocation nécessitant discipline personnelle et sacrifices. Si cette victoire écrasante ouvre une nouvelle ère pour le pays, elle rappelle que le véritable défi réside dans la capacité des dirigeants à transformer ces espoirs en réalité.
Al-Kabir Yearoo, 27 ans : « Cette victoire témoigne de l’unité profonde de notre peuple »
C’est la première fois que Al-Kabir Yearoo, 27 ans, appelé affectueusement Kabir, est témoin d’un 60-0. L’étudiant en droit voit dans cette victoire un écho puissant aux luttes du passé. « Nos ancêtres ont fait d’énormes sacrifices, traversant famine et esclavage pour construire ce pays. Cette victoire, à mes yeux, honore leur mémoire et témoigne de l’unité profonde de notre peuple. »
Pour lui, ce triomphe symbolise un renouveau et un espoir partagé au sein de la population. Cependant, malgré l’enthousiasme général, Kabir reste conscient des risques inhérents à l’absence d’une opposition forte. Citant Lord Acton : « Le pouvoir tend à corrompre, et le pouvoir absolu corrompt absolument », il souligne l’importance de la séparation des pouvoirs pour garantir une gouvernance équilibrée.
Il se remémore son père regardant avec ferveur les débats parlementaires retransmis. « J’étais fasciné par l’intensité des échanges et l’énergie qui régnaient au Parlement, souvent décrit comme le temple de la démocratie. »
Ainsi, pour lui, « un gouvernement sans opposition est comme une épée entre les mains de son porteur. Ce n’est pas l’arme qui est dangereuse, mais la manière dont elle est utilisée ». Kabir insiste sur le rôle crucial de l’opposition pour servir de garde-fou et préserver l’équilibre démocratique.
Ce dernier croit fermement que l’avenir de Maurice repose entre les mains de la jeunesse. « La jeunesse peut redéfinir la manière de gouverner, mais cela exige courage et intégrité. Si nous nous contentons de suivre aveuglément les pratiques existantes, nous risquons de perpétuer un système défaillant, simplement avec de nouveaux visages », dit-il.
Pour Kabir, « ce dont nous avons besoin, c’est d’une génération audacieuse, prête à remettre en question l’ordre établi et à construire un avenir sur des bases solides et justes ».
Sorjen Rungiah, 22 ans : « Une assemblée sans opposition risque de manquer de débats essentiels »
Le 60-0 obtenu aux dernières législatives suscite chez Sorjen Rungiah, 22 ans, des sentiments contrastés. Il s’inquiète notamment d’un manque de diversité dans la représentation au sein du Parlement. « Une assemblée sans opposition risque de manquer de débats essentiels et de perspectives variées, éléments pourtant cruciaux pour le bon fonctionnement d’une démocratie saine », explique l’étudiant en informatique à l’Université de Maurice.
Il craint que cette situation inédite n’affecte la vitalité des débats parlementaires, compromettant ainsi la diversité d’opinions nécessaire à la transparence et au contrôle du pouvoir. « Un 60-0 laisse planer une incertitude sur la capacité de l’opposition à jouer son rôle de contrepoids. Les prochaines semaines révéleront si cette absence d’équilibre sera gérable ou non », estime-t-il.
L’habitant de Rivière-des-Anguilles appréhende surtout que l’absence d’une opposition forte ne favorise des décisions unilatérales. Ce qui pourrait favoriser un sentiment de déconnexion chez les jeunes. « Si les jeunes se sentent exclus des processus décisionnels, ils risquent de se détourner de la politique, ce qui affaiblirait davantage notre démocratie », avertit-il.
Or, fait comprendre Sorjen, la politique n’est pas seulement une affaire de dirigeants, mais une responsabilité collective dans laquelle chaque citoyen, et particulièrement les jeunes, doit jouer un rôle. Il insiste : les jeunes doivent se faire entendre pour impulser des changements positifs et agir sur les défis sociaux et environnementaux.
Sorjen rêve d’une île Maurice où chaque citoyen, quel que soit son âge ou sa condition sociale, se sent écouté et représenté. Il imagine une société où les jeunes, avec leur créativité et leur énergie, jouent un rôle actif dans la prise de décisions et l’élaboration de politiques. Pour cela, il propose des initiatives telles que la création de conseils consultatifs pour la jeunesse et des plateformes de dialogue citoyen qui permettraient à cette génération de contribuer à la vie politique.
Manishaa Toolooa, 22 ans : « Une expérience inédite et frappante »
Ses parents lui avaient parlé des précédents 60-0 de l’histoire politique de l’île Maurice. Mais le vivre pour la première fois, raconte Manishaa Toolooa, 22 ans, a été une expérience des plus marquantes. « C’est une expérience inédite et frappante. C’est comme si on m’avait toujours décrit une vague et que, cette fois, je la voyais enfin en personne, ressentant sa force et son impact », partage l’étudiante de l’Université de Maurice.
Si elle n’est pas une passionnée de la chose politique, elle dit avoir une compréhension globale des enjeux politiques. « Je sais que les décisions d’aujourd’hui façonneront mon avenir et celui de ma génération », dit-elle.
Face à la situation inédite, pour elle, de ce 60-0, Manishaa s’interroge notamment sur l’absence d’une opposition forte au Parlement, mais demeure optimiste pour l’avenir. « Comme tout changement majeur, il faut lui laisser une chance, et observer comment le gouvernement assume cette responsabilité particulière », explique-t-elle.
Pour l’avenir de Maurice, Manishaa rêve d’une société où les jeunes ont véritablement leur place dans la prise de décisions. Elle aspire à ce que les jeunes contribuent activement aux initiatives de développement, qu’il s’agisse d’innovation écologique, d’économie bleue ou de digitalisation. « La politique ne devrait pas être réservée aux ‘gran dimounn’ ; nous avons notre mot à dire et notre vision d’une île Maurice moderne et durable à partager. »
Muzammil Latona, 35 ans : « Cette victoire s’accompagne d’une responsabilité immense »
Témoin d’un écrasant 60-0 pour la toute première fois, Muzammil Latona, un entrepreneur de 35 ans, parle d’une expérience marquante. Il voit dans ce résultat historique un mandat clair de la part de la population, y décelant une confiance immense accordée à une seule équipe politique.
« Ce résultat historique offre une chance unique de gouverner de manière inclusive et de répondre aux attentes de tous les citoyens, pas seulement de ceux qui ont voté pour cette équipe », souligne l’habitant de Glen-Park, très engagé dans la vie communautaire. Ce mandat doit être utilisé pour transformer cette confiance du peuple en actions concrètes et bénéfiques pour tous.
Si ce 60-0 marque un tournant dans l’histoire du pays, « cette victoire s’accompagne d’une responsabilité immense ». Muzammil Latona exprime des préoccupations sur plusieurs fronts. Au niveau international, il s’inquiète des tensions croissantes au Moyen-Orient, notamment entre l’Iran et Israël, et de leurs répercussions potentielles sur Maurice, un pays dépendant des importations et des relations diplomatiques stables.
Au niveau national, il pointe du doigt l’état de l’économie. « Il semble que certaines vérités aient été occultées par le précédent gouvernement, notamment en ce qui concerne la dette publique et le coût de la vie », observe-t-il. Il appelle à une transparence totale et à des solutions innovantes pour restaurer la confiance et stabiliser la situation économique.
Pour une île Maurice plus prospère, Muzammil Latona souhaite un accès équitable aux opportunités pour tous et que les décisions politiques soient guidées par la durabilité. Il plaide pour une meilleure intégration des jeunes dans la vie politique et sociale, estimant que leur énergie et leur créativité sont essentielles pour relever les défis modernes.
« Les jeunes ne sont pas seulement l’avenir, ils sont aussi le présent. Nous devons leur offrir des plateformes pour s’exprimer, s’engager et proposer des solutions novatrices », affirme-t-il. Muzammil plaide pour des initiatives permettant aux jeunes de participer activement, que ce soit dans la politique, l’entrepreneuriat ou des projets communautaires.
Béatrice Boodhoo, 35 ans : « C’est une revanche collective et un nouveau départ pour notre nation »
À 35 ans, Béatrice Boodhoo a été témoin, le 11 novembre, de son premier 60-0. « Ce score écrasant ne se limite pas à une victoire électorale, il représente une revanche collective et un nouveau départ pour notre nation », souligne-t-elle.
En effet, pour cette employée du Deramann Group à Bonne-Terre, ce résultat historique traduit l’aspiration profonde des Mauriciens à tourner la page sur des années de difficultés et à construire un avenir plus prospère.
Béatrice identifie plusieurs défis cruciaux auxquels le nouveau gouvernement doit s’atteler : la crise du coût de la vie, la relance de la confiance des investisseurs, la stabilisation de la roupie, la réduction du prix des carburants, et la réforme du système éducatif. « Ces mesures sont essentielles pour redonner espoir à la population et renforcer la résilience de notre économie », déclare-t-elle.
Pour Béatrice, la vision d’une île Maurice idéale repose sur des principes de justice, d’équité et de qualité de vie. Elle aspire à une nation où chaque citoyen peut vivre dans la dignité, où le mauricianisme est célébré, et où les opportunités sont offertes à tous de manière équitable. « Une île Maurice meilleure est un lieu où règnent l’unité et la solidarité, où chacun se sent représenté et où les dirigeants travaillent dans l’intérêt commun », affirme-t-elle.
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