Paul Bérenger était l’invité dans l’émission Au Cœur de la Campagne, animée par Nawaz Noorbux, hier. Le leader du MMM et aussi l’un des leaders de l’Alliance du Changement a abordé plusieurs dossiers.
Comment évaluez-vous la situation actuelle avec la décision des autorités de suspendre l’accès aux réseaux sociaux ?
Il est clair que c’est le gouvernement qui a pris la décision et donné les directives à l’ICTA. Au beau milieu de la nuit, l’ordre a été donné en catimini aux opérateurs d’arrêter les réseaux sociaux. Dans son communiqué, l’ICTA a précisé qu’elle avait reçu des directives. C’est le gouvernement qui a donné l’ordre. C’est plus un ordre qu’une simple instruction.
La cellule de communication du bureau du Premier ministre a émis un communiqué ridicule et hypocrite. Elle évoque un ‘prompt retour à la normale’, alors qu’elle a imposé cette interdiction. C’est d’une hypocrisie terrible. Elle dit que le comité de crise s’est réuni pour circonscrire les risques, mais il n’a pas pensé à tout cela. C’est un complot du gouvernement pour fermer les réseaux sociaux. C’est une atteinte à la liberté d’expression, qui est aussi un outil de travail pour de nombreuses personnes.
N’est-ce pas contradictoire ? Le gouvernement parle d’un retour à la normale alors qu’il n’y a aucune panne technique, tandis que l’ICTA dit jusqu’au 11 novembre ?
Il est clair qu’ils paniquent. Ils ont pris cette mesure et réagissent maintenant à la colère. Nous insistons sur le fait qu’il faut garder son calme, ne pas céder à la provocation et ne pas tomber dans les pièges. Il est évident qu’ils agissent avec un degré d’amateurisme et d’incompétence extraordinaires, comme tout ce que fait ce gouvernement.
Lors d’une conférence de presse, le Premier ministre évoque des risques à la sécurité nationale et parle de cyberattaques terroristes. Que pensez-vous de cette déclaration ?
C’est ridicule. Il est clair que cela vient de la cuisine. La personne sait quel type de bouilloire et de four se trouve dans la cuisine. Il est ridicule de mettre cela sur le compte d'une cyberattaque.
Si vous êtes au pouvoir, quelle disposition allez-vous prendre pour que cela ne continue pas ?
Navin Ramgoolam l’a dit lors de plusieurs rassemblements. Il a mentionné qu’à la fin de son mandat, il avait fait préparer un texte de loi pour mieux protéger la liberté d’expression. La loi protège, mais le gouvernement la viole. Il a élaboré un texte de loi moderne pour mieux garantir la liberté d’expression et lutter contre les crimes. C’est dans notre programme. Nous ferons voter cette loi.
Que pensez-vous de l’arrestation de Sherry Singh par la SST ?
La police est en plein scandale. Je ne dis pas que tous les policiers sont concernés, car certains souhaitent faire et font leur travail. Cependant, la police est devenue aujourd’hui un danger public au lieu de protéger le public. Ce que nous avons entendu concernant le Commissaire de Police est effrayant, et il est toujours en poste. Ce n’est pas seulement au sujet du CP, mais tout ce que nous avons entendu est effrayant. Les cas d’ingérence dans des enquêtes en cours et la manipulation des enquêtes sont vraiment effrayants.
Vous évoquiez une action légale...
Une top team a travaillé dessus. Mais c’est difficile d’avoir une injonction devant les juges. Il ne reste que neuf jours pour aller voter. Ça va passer très vite. Je demande aux personnes de ‘keep cool’ et de régler leur compte le 10 novembre prochain.
Avez-vous des appréhensions avec les élections qui approchent ?
Avant que le gouvernement ‘inn fane’ concernant les réseaux sociaux, tout se passait dans une atmosphère formidable. On se dirigeait vers un raz-de-marée. Maintenant, le raz-de-marée va s’accentuer. Beaucoup de personnes sont révoltées par ce qui se passe, et ce, de plus en plus. Je suis convaincu que nous allons vers un raz-de-marée, une grande victoire.
Un 60-0 ?
Je n’aime pas utiliser cela. Mais ce sera un raz-de-marée, un tsunami. Je n’aime pas faire de comparaison entre Anerood Jugnauth et son fils. Anerood Jugnauth était un ‘bitor’, mais gardait toujours sa parole. Il était bloqué sur deux dossiers : la réforme électorale et la drogue. L’ironie, il a ramassé un 60-0 en 1995.
Le 60-0, est-ce une bonne chose ?
Cette possibilité existe. C’est la décision du peuple dans un système électoral avec des faiblesses.
Les bandes sonores démontrent un pourrissement dans la police et il y a aussi le fait que le CP soit toujours en poste. Comment allez-vous faire pour redorer le blason de la force policière ?
C’est dramatique. Tout est à redresser avec tout ce qui s’est passé sous le gouvernement MSM de Pravind Jugnauth. Le président aurait dû intervenir pour faire respecter la Constitution. La procédure pour faire partir le CP est compliquée. Il faut que le DFSC recommande au président de la République de mettre sur pied un comité pour prendre action contre le CP. C’est le comité disciplinaire qui décide s’il faut remercier le CP. La Constitution dit que le CP ne doit pas prendre de directives avec personne et qu’il doit être apolitique. C’est tout le contraire. Cette clause de la Constitution est violée. Nous allons mettre des personnes indépendantes.
Vous n’étiez pas d’accord que Navin Ramgoolam soit Premier ministre. Que s’est-il passé entre-temps ?
J’avais dit cela des années de cela. Dans l’intervalle, le MSM a littéralement fini le pays et représente un danger pour Maurice. Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il faut sauver le pays et empêcher le MSM d’être réélu. Nous avons donné des garanties Navin et moi.
Le leader du MMM : « Mo pa partaz lide ki bizin a tou pri dan gouvernman »
Drogue
La question de la drogue a longtemps divisé le MSM et le MMM. Nous n’avons jamais été d’accord avec l’attitude du MSM, y compris celle de Sir Anerood Jugnauth (SAJ), qui mettait dans le même panier les consommateurs de drogues, les malades, les victimes, et les trafiquants de drogue. Cela a causé beaucoup de tort à notre pays. Plus récemment, Paul Lam Shang Leen et son équipe dans la commission d’enquête ont recommandé la dissolution de l’ADSU. Cependant, au lieu de cela, le contrôle sur l’ADSU a été réduit, menant à un échec total de la politique de la drogue.
Aujourd’hui, la situation est dramatique : la drogue est très accessible, elle détruit les jeunes et la santé de la population est gravement affectée. Le phénomène des drogues de synthèse est alarmant car elles sont moins chères que les drogues dures. Nous voulons faire preuve d'humilité et écouter attentivement. Pour ma part, j'ai rencontré de nombreux travailleurs sociaux qui connaissent bien ce milieu. Il est essentiel d'entendre leurs recommandations et de prendre le temps de les comprendre. En pleine campagne électorale, il n'existe pas de solution miracle, et cela risque de se retourner contre nous.
Les trafiquants de drogue
« Tou dimounn kone. Mo koz pou MMM. Kan MMM la, trafikan la drog lot kote sime. Pena konparezon ek MSM. Kot zot, trafikan la drog dan lakwizinn. Nous ne ferons pas de miracles du jour au lendemain. Nous allons écouter, prendre des décisions et les mettre en application.
ADSU et SST
Interrogé sur l’avenir de l’Anti Drug Smuggling Unit (ADSU) et de la Special Striking Team (SST) en cas de victoire de l’Alliance du Changement aux prochaines élections générales, le leader des Mauves a clairement annoncé que ces deux unités seraient démantelées. « Nous allons instaurer un système de répression contre le trafic de drogue et apporter un soutien aux personnes toxicomanes avec une structure plus moderne », a-t-il affirmé.
Réagissant à une récente proposition de Roshi Bhadain de Linion Reform, qui suggérait de dépénaliser le gandia, Paul Bérenger a précisé : « Dans de nombreux pays, on évolue vers la dépénalisation du cannabis pour un usage médical et personnel, mais pas pour le trafic. C’est une option que nous allons certainement examiner avec les travailleurs sociaux concernés, car beaucoup disent qu’après avoir commencé avec le cannabis, certains progressent vers des drogues dures. Pour ma part, je ne crois pas qu’il y ait un passage automatique du cannabis aux drogues dures, mais il est important d’écouter. Je connais des travailleurs sociaux qui pensent qu’il faut prendre cela en compte, et nous en ferons une synthèse ».
Pour lutter contre le trafic de drogue, nous ferons une distinction essentielle : réprimer les trafiquants et accompagner les personnes toxicomanes. C’est notre philosophie fondamentale. Nous allons écouter, et il est crucial d’inverser la tendance, car aujourd’hui, la situation ne fait qu’empirer.
Nominations et institutions
La question des nominations et des institutions, qui, selon l’opposition, ont atteint un niveau d'incompétence sans précédent ces dernières années, figurera également à l'agenda de l’Alliance du Changement. Pour assainir cette situation, Paul Bérenger a affirmé vouloir s'inspirer du modèle seychellois en créant une Appointment Constitutional Authority. « Il y a de nombreuses nominations pour lesquelles le président de la République est censé être consulté, mais ce qui se passe actuellement n'est pas une véritable consultation. C'est pour cela que les personnes nommées rendent cette procédure ridicule, car on choisit des individus qui ne font pas respecter les dispositions de la Constitution. »
Il a également tenu à faire ressortir qu'il n'y aura pas de politique de vengeance ni de fanatisme de parti : « Nous ne ferons pas de politique de vengeance et nous ne ferons pas de fanatisme politique. Le MSM de Pravind Jugnauth est devenu pire. Anerood Jugnauth avait ses défauts, mais il avait une certaine hauteur », a-t-il déclaré.
Les amendements constitutionnels
En ce qui concerne les amendements constitutionnels que l’Alliance du Changement entend mettre en place, le leader des mauves a affirmé que cela se fera d'abord au niveau de la réforme électorale. Il a fait ressortir que cela nécessitera un amendement consenti par trois quarts des membres, ainsi que d'autres amendements, en soulignant qu'il est important d'expliquer au public et de gagner le soutien de la population.
« Nous ferons des amendements concernant les droits des femmes et la protection de l'environnement, car des amendements constitutionnels sont nécessaires », a-t-il déclaré.
Champ de mars
Concernant la situation au Champ de Mars, Paul Bérenger a avoué qu’il ne connaît rien aux courses, cependant, il a affirmé que c'est un dossier important. « Il y a des gens parfaitement capables de faire des propositions et d'amener une relance du Champ de Mars. Je me souviens que la piste est aussi connue pour faire du tort aux chevaux, car le virage là-bas est trop serré. À un moment donné, pendant la guerre, on a même pensé à planter du riz au Champ de Mars. Si celui-ci doit retrouver sa gloire, il n'y a aucune objection de ma part, même si cela doit se faire en collaboration. S’il faut aussi reloger le Champ de Mars, tout en respectant son histoire et en lui redonnant la place qu'il mérite, on le fera ».
Paul Bérenger a été interrogé par Nawaz Noorbux au sujet du controversé Jean Michel Lee Shim, souvent accusé d'avoir complètement détruit le Champ de Mars. Il a affirmé que ce personnage n'est nullement proche du MMM et qu'il ne pense pas qu'il ait non plus de lien avec le PTr.
Les pouvoirs du DPP
Au sujet du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), le leader des mauves a reconnu qu'il y a une ambiguïté concernant son fonctionnement qu'il faut, selon lui, éliminer. « Cela permet au Commissaire de Police d'agir comme il le souhaite vis-à-vis du DPP. En conséquence, le DPP se retrouve finalement entièrement dépendant de la police. Si la polis anvi devir enn lenket kan dossier la vinn cot DPP na plu ena case », a-t-il dit.
Financial Crimes Commision
Paul Bérenger a également affirmé que le modèle britannique du Serious Fraud Office représente une sérieuse option pour remplacer la Financial Crime Commission (FCC). Il dit espérer que la personne à la tête de cette nouvelle instance soit nommée conformément aux dispositions de la constitution.
La relève du MMM
Affirmant qu'il va célébrer son 80e anniversaire dans quelques mois, Paul Bérenger a d'abord déclaré qu’un des plus grands accomplissements dans la vie est de savoir vieillir. « Les gens ont peur de la vieillesse et de la mort, mais on vit et on meurt », a-t-il souligné, précisant qu'il ne faut pas avoir d'amertume. Convaincu qu'il faut toujours garder un bon sens d’humour dans la vie, le leader du MMM a également exprimé sa méfiance envers ceux qui n'en ont pas, tout en profitant de l'occasion pour critiquer le leader du Mouvement socialiste militant (MSM), Pravind Jugnauth : « Li pa konn riyer, li zis rikaner ».
Concernant la relève au sein du parti, il a fait ressortir qu'il y a eu beaucoup de pressions pour que son fils rejoigne la politique et le MMM, mais que sa famille et lui en ont décidé autrement. En ce qui concerne Joanna Bérenger, il a encore une fois précisé qu'il ne l'a ni encouragé ni découragé à faire de la politique. À propos du prochain leader du MMM, il a déclaré : « Cela pourrait être Joanna si le MMM la choisit, mais il y a aussi d'autres dirigeants de longue date comme Rajesh et Ajay, ainsi que d'autres personnes très compétentes qui ont le potentiel de bien faire ».
Il ajoute que Joanna Bérenger a pris en main son destin et elle fait un travail formidable. « J’ai tendance à être plus sévère avec elle et, souvent, malheureusement, je la critique plus que les autres. Mais dans le jeu des dynasties politiques, ce n'est pas mon rôle », confie Paul Bérenger. Quant à la nouvelle venue, Jyoti Jeetun, il a aussi affirmé qu'elle a du potentiel pour réussir.
L’épisode du gâteau avec SAJ
Appelé à commenter le fameux geste où il a mis du gâteau dans la bouche de SAJ, qui a été perçu comme un acte de trahison en raison de l'alliance conclue avec le Parti Travailliste (PTr) en 2014, Paul Bérenger a souligné que le Mouvement militant mauricien (MMM) et le Mouvement socialiste militant (MSM) se dirigeaient déjà vers la rupture. « Me ine invit mwa enn laniverser, mo ti ale me pa ti le gran amour ek kan ou al kiken so laniverser, la tradition fer ki ou fer la bouche dou », a-t-il déclaré. De plus, il a fait ressortir que la manière dont tout cela a été détourné relève du fascisme du MSM qui fait de la propagande. « Mo pa konsed oken traizon. Errer fo pa oui, me traizon pa mwa », a-t-il ajouté.
Dernière bataille électorale
Affirmant qu'il aura 85 ans aux élections générales de 2029, il a répondu avec humour : « Nous allons voir ». Concernant son avenir politique, tout en soulignant que la priorité actuelle est de redresser le pays, il a ajouté : « Il faut certes avoir un renouveau politique, mais rien ne remplace l'expérience » Il a également dit que les prochaines élections seront toutes plus importantes que celles de 1948 et de 1967.
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