La situation dans laquelle se trouve Air Mauritius depuis le 22 avril ne surprend en aucun cas ; non seulement les spécialistes du secteur de l’aviation commerciale, mais également tout individu doté de bon sens.
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La mission première d’une activité commerciale d’un transporteur aérien consiste normalement à :
A. Convoyer des passagers et du fret d’un point à un autre en toute sécurité
B. Générer des bénéfices opérationnels au meilleur cout, payer son personnel, remplir ses obligations financières, gratifier ses actionnaires et bien entendu, dégager des réserves pour :
i. Assurer ses investissements et développements futurs
ii. Continuer à améliorer les compétences de son personnel
iii. Diversifier son offre et ses prestations
iv. Développer qualitativement ses activités et services
v. Promouvoir son image de marque
Ces considérations demeurent pré requises à une fluidité opérationnelle optimale, constante, régulière et fiable, provision faite bien sûr des imprévus, source de turbulences passagères pour raisons techniques, climatiques ou autres
Depuis plusieurs mois, COVID-19 oblige, nous constatons une baisse généralisée de volume et de la fréquence du trafic aérien à l’échelle planétaire. Les conséquences sont pour ainsi dire le moins dramatique, mais le pire reste malheureusement à venir. Déjà de nombreuses compagnies, et non des moindres, sont clouées au sol et ont dû se résoudre à enclencher des mesures drastiques. Les medias et réseaux sociaux nous en procurent les images et explications. Il ne se passe pas un jour sans que les médias traditionnels et les réseaux sociaux n’en fassent pas état.
Dire que nous avions tendance par routine habitude et aussi une certaine banalisation de tout prendre pour acquis sans. Qui aurait imaginé, ne serait-ce qu’un instant, une telle remise en question comme attestée à travers ces dernières semaines ? Telle est la nouvelle donne qui impacte ce secteur d’activités. Ne nous faisons pas d’illusions, notre transporteur national ne fait pas exception à la règle.
Il n’est un secret pour personne qu’Air Mauritius porte des symptômes d’affections endogènes distinctives et chroniques. La pathologie s’en trouve aggravée complexe et délicate. Cela nécessitera l’application de douloureuses et espérons les salutaires sérothérapies. C’est à cette condition que peuvent être envisagés une convalescence et a fortiori un rétablissement progressif vers une sortie de crise.
Nous avons eu droit ces derniers jours au défilé incessant de Sganarelle et autres Tartuffes au chevet du Paille en
Queue. Ils nous ont doctement gratifiés de leurs diagnostics fumeux et prescrit des élixirs frelatés.
S’il n’en tenait qu’à eux, ils se bousculeraient déjà pour établir l’acte de décès du petit chat d’Agnès, chacun y allant de son couplet pour déclamer à Arnolphe leur docte opinion quant aux causes du trépas : Eux les croques morts déguisés en apothicaires, administrateurs de leurs pharmacopées récurrentes et toxiques. Prenons le parti de ne pas imputer des motifs nous permettant de pointer du doigt qui que ce soit, ils sont trop nombreux. Les causes sont connues et ce depuis des décennies. Cela des couches de sédimentation toxiques s’accumulant au gré des princes qui se sont succédé aux commandes des ficelles, nul besoin de compétences divinatoires pour les identifier, ils ne se gênent pas pour se mettre à découvert avec insistance ces derniers jours.
Dans les circonstances prévalant actuellement, aucune administration n’aurait été à l’abri d’une telle conjoncture. Il existe néanmoins des diagnostics et prescriptions qui méritent toute l’attention. Megh Pillay, qui intervenait dans la presse, sait de quoi il parle quand il identifie la mauvaise gouvernance accumulée. Il en a fait les frais entre les fourches caudines des promoteurs autoproclamés du serpent de mer pompeusement qualifié d’Air Corridor.
Autre intervention sur les médias à approfondir, celle de Gérard Sanspeur, qui a mis en garde qu’en faisant appel à un maître équarisseur au palmarès éloquent en la matière que ce dernier vienne nous déclarer que « l’intervention a réussi mais malheureusement le patient n’y a pas survécu », en présentant ses honoraires.
Sans doute à contrecourant, il apparaît pourtant qu’existent de vraies opportunités pour une relance d’Air Mauritius sur des bases nouvelles, saines et efficaces, au-delà du magma accumulé, ayant plombé ses ailes ces dernières décennies.
Son actuelle situation procure une marge de manœuvre salutaire pour remettre les choses à plat et revoir les fondations.
D’abord, procéder sans complaisance à un état des lieux pour y faire le ménage de fond en comble :
a. Une nécessité vitale souvent évoquée mais jamais entamée par manque de conviction et le poids de lobbies en tout genre
b. Revoir les ‘partenariats’ qui, a l’instar de celui avec Emirates, équivalent à dérouler un tapis rouge pour faire entrer les loups VVIP dans la bergerie.
c. Réviser et abroger, si besoin est, les dessertes en pleine saison accordées à d’autres transporteurs prédateurs, ces derniers se gavant de la crème de la crème résultant des efforts incessants de la compagnie d’aviation en termes de marketing sur des marchés porteurs mais saisonniers.
d. Recentrer le modèle opérationnel et revoir les caractéristiques de la flotte actuelle pour servir plus efficacement un nouveau ‘business model’.
e. Ramener la voilure opérationnelle e un minimum de liaisons directes vers les marchés porteurs en accroitre la fréquence et la flexibilité
f. Rediriger en propre et/ou des accords code-share vers des hubs spécifiques grâce à des partenariats stratégiques win-win
g. Assurer une exploitation optimale productive profitable des ressources
C’est depuis quelques années le modèle adopte par Air Seychelles qui a conservé une liaison directe Paris CDG et Londres, développant un réseau de dessertes régionales, et se servant le hub d’Abou Dhabi à travers son partenariat stratégique avec Ethihad.
Autre exemple : Ugandan Airlines, dirigée par Cornwell Muleya, un temps Directeur financier d’Air Mauritius aux côtés de Megh Pillay justement. Démarrant et qui a su redonner des ailes à un transporteur un temps moribond. Nous ne pouvons passer sous silence les invectives dont ce grand professionnel de l’aviation avait été la cible, en provenance de certaines coteries s’exprimant lors des assemblées générales de la compagnie nationale.
Revoir et renégocier le pool et les principes directeurs de partenariats stratégique et codes shares pour l’Afrique, l’Europe, l’Asie et les hubs du golfe, et non concentrer tous ses œufs dans un même panier. Notons au passage que deux compagnies, vis-à-vis desquelles notre pays avait fait la fine bouche assortie d’une fin de non-recevoir, sont paradoxalement celles parmi les rares à continuer leurs opérations en ces temps troubles – Ethiopian et Qatar. CQFD…
Il importe également dans la foulée de la révision du modèle opérationnel et des destinations desservies de lester Air Mauritius des frais financiers démesurés. Des engagements mal ficelés qui ont mis la compagnie à genoux. A un point où dès 2016, il paraissait évident que la compagnie éprouverait des difficultés pour honorer de tels engagements. A cela, il convient de rajouter les manquements, ingérences et autres inepties chroniques qui ont fait le reste, mis en exergue par les conditions découlant de la pandémie liée au Covid19.
Dans le cadre de cette dernière, démonstration a été faite de la nécessité vitale pour le pays de voir opérer une compagnie aérienne nationale. Les récents vols permettant de récupérer et convoyer les équipements sanitaires de Chine en sont la démonstration indiscutable.
Par ailleurs, au-delà des éléments matériels et le savoir-faire technique qui constituent les actifs de la compagnie, il est important de prendre en compte ses actifs intangibles (intangible assets) précieux que constituent les droits de trafic dont dispose Air Mauritius et accumulés pendant plus d’un demi-siècle. Ce sont là des actifs qui ont une valeur plus importante que les éléments matériels. S’il ne restait qu’une raison pour illustrer l’atout stratégique que constitue une compagnie nationale d’aviation, il serait inconcevable, irresponsable et inconscient de nous en passer et encore moins d’en disposer.
Il apparaît donc, et plus que vital, qu’Air Mauritius se remette en condition pour assurer ses opérations, débarrassée des brouillages parasitaires qui nous valent de vivre les questionnements anxiogènes actuels. Le souhait de tous les patriotes est que le Paille en Queue tel le Phénix renaisse au plus vite et reprenne son envol en toute sérénité au service du pays.
Nous sommes Air Mauritius
*Jean Marie F Richard
24 avril 2020
*L’auteur exerce depuis plus de 25 ans comme consultant en communication dans l’aéronautique, l’aviation commerciale, les secteurs hôteliers et aéroportuaires dans la région océan Indien
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