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[Blog] Inexplicable inertie

Le vraquier Wakashio s'est échoué sur les récifs de Pointe-d'Esny dans le sud-est de l'île Maurice le 25 juillet 2020
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C’est le 7 août dernier, soit 24 heures après le commencement d’une marée noire, que nos autorités auront vraiment commencé à réagir face au drame et à la menace du Wakashio. Jusque-là pour des raisons qui échappent totalement au grand public, aucune mesure d’évacuation des 3 500 tonnes de fuel se trouvant à bord, n’avait été entreprise. Et ce, depuis l’échouage du navire le 25 juillet, soit 13 jours auparavant !

Les explications du Director of Shipping comme celles du Director of Environment laissent pour le moins perplexe. Tout comme les explications données sur les actions entreprises par les cadres de la NCG pour empêcher la survenance de l’échouage du vraquier sur les récifs de Pointe-D’Esny, soit à peu de distance de notre aéroport national.

Il est effectivement difficile d’avaler que la météo ait été systématiquement défavorable à des opérations de transbordement du carburant entre le 25 juillet et le 7 août, pour que soudain se réveillent nos autorités, celles-ci allant jusqu’à «gazetter», ce même vendredi 7 aout, sous l’égide du National Disaster Risk Reduction and Management Act (NDRMA) de 2016 un règlement (GN 1164/2020) proclamant zone interdite, toute la région du lagon entre Bois-des-Amourettes et Le Chaland, et sur terre toute celle s’étendant de Pointe-d’Esny, Pointe-Jérôme, la zone marine de Blue-Bay, Pointe-Brocus, le front de mer de Mahébourg, Falaise-Rouge et Rivière-des-Créoles.

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Le lagon de Rivière-des-Créoles n'a pas été épargné par le fioul qui s'est échappé du bateau échoué, le MV Wakashio

Si au départ, devant la mobilisation populaire et le déploiement des forces vives, le gouvernement n’avait pas fermé la zone, il semble que désormais seuls les riverains y aient accès et que les volontaires soient renvoyés chez eux.

Les établissements scolaires du Sud-est sont également fermés jusqu’à nouvel ordre. Une véritable zone de quarantaine gouverne cette région. C’est également le même 7 août que l’Etat d’urgence environnementale aura été déclaré par le gouvernement, ce en vertu de l'article 34 de l’Environment Protection Act (EPA) de 2002, lequel dispose : 34 Environmental emergency (1) Where a major threat to the environment is posed as a result of a spill or otherwise, the Prime Minister may in consultation with the Minister, declare an environmental emergency. (2) Notwithstanding any other enactment, where an emergency is declared under subsection (1), the Prime Minister may give such direction as he thinks fit to any public department for the purpose of the protection of the environment. (3) The public department which has been given a direction under subsection (2) shall prepare such contingency plan as is appropriate in the event of an emergency situation contemplated under this section.

La consternation est totale devant la destruction de notre écosystème dans toute la baie de Mahébourg et notamment le parc marin de Blue-Bay, les îles de la baie, certains tirant la sonnette d’alarme pour indiquer que le lagon serait pollué jusqu’à l’Ile-aux- Cerfs et au-delà.
Jamais aucune administration n’avait fait face à de tels problèmes, en tous cas pas d’une telle ampleur, ce qui fait penser au vide juridique. Loin d’être le cas, notre législation est constellée de moyens d’action et n’en déplaise à certains, nos autorités n’étaient nullement astreintes à attendre que l’armateur japonais ne se mobilise avant d’agir, ni n’étions-nous tenus par quelque règlement international, voire un protocole de billevesées empêchant de prendre les mesures adéquates pour prévenir la catastrophe écologique.

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La plage de Blue-Bay est désormais une zone interdite aux personnes non-autorisées

Cet article vise à exposer les pouvoirs existants des deux départements concernés, soit le Shipping et l’Environnement, afin d’éclairer le lecteur et aussi, en établissant le rôle de la NCG, tenter de jeter des bases de réflexion sur notre conduite ultérieure.

Outre le NDRMA, l’EPA et le Merchant Shipping Act (MSA) de 2007 sont des législations d’intérêt en la matière. La Section 132 du MSA fait du Director of Shipping le Receiver en matière d’épaves et de sauvetage. Il va de soi que sa compétence ne saurait dépasser nos eaux territoriales. Certains de ses pouvoirs non exhaustifs sont énumérés aux paragraphes 7 à 10 de la section susmentionnée. (7) Subject to subsection (8), where the Receiver is informed that any of the circumstances specified in subsection (2) exists, he shall – (a) forthwith proceed to the place where the vessel is; (b) take command of all persons present; and (c) assign such duties and give such directions to each person as he thinks fit for the preservation of the vessel and of the lives of the shipwrecked persons and of the cargo and apparel of the ship. (8) The Receiver shall not interfere between the master and crew of the vessel in relation to the management of the vessel unless he is requested to do so by the master. (9) The Receiver may, for the purpose of the preservation of shipwrecked persons or of the vessel, cargo and apparel, require - (a) such persons as he thinks necessary to assist him; (b) the master, or other person having the charge of any vessel near at hand, to give such assistance with his men or vessel, as may be in his power; and (c) the use of any vehicle that is near at hand. (10) (a) In circumstances where this subsection applies, any person may, subject to paragraphs (c) and (d), for the purpose of – (i) rendering assistance to a vessel; (ii) saving the lives of shipwrecked persons; or (iii) saving the cargo or equipment of a vessel, pass and re-pass over any adjoining land without being subject to interruption by the owner or occupier, and deposit on the land any cargo or other article recovered from a vessel. (b) The right of passage is a right of passage with or without vehicles. (c) No right of passage is conferred where there is some public road equally convenient. (d) The right of passage shall be so exercised as to do as little damage as possible. (e) Any damage sustained by an owner or occupier of land, in consequence of the exercise of the rights conferred by this subsection, shall be a charge on the vessel, cargo or articles in respect of, or by which, the damage is caused.

Comme on le voit les pouvoirs du Director of Shipping/Receiver of Wrecks sont loin d’être négligeables. A ceux qui auraient des doutes sur ses pouvoirs d’intervention quant aux sinistres non encore avérés, notamment sur des marées noires, notons la Section 150 du MSA : 150 Powers of Director (1) The Director may - (a) give directions in relation to any salvage operation; and (b) take measures in accordance with generally recognised principles of international law to protect the environment from pollution following a maritime casualty, or acts relating to such casualty which may reasonably be expected to result in harmful consequences. (2) The Director shall, in exercising his powers under subsection (1), take into account the need for cooperation between salvors, other interested parties and the public authorities in order to ensure the efficient and successful performance of salvage operations and to prevent damage to the environment. (3) Any public officer or other person acting under directions pursuant to subsection (1) shall be under a duty to exercise due care in preventing or minimizing damage to the environment.

On constate que la considération écologique a été primordiale dans l’esprit de nos législateurs et les pouvoirs qui sont dévolus au Directeur sont importants puisqu’ils lui permettent aussi de réclamer les sommes dépensées à l’armateur du navire et à tous ceux qui auraient quelque intérêt dans la cargaison du navire.

Qu’on soit convaincu d’une chose : pavillon de complaisance ou pas, réglementation internationale ou pas, dès que ce vraquier avait pénétré nos eaux territoriales il était astreint à nos lois et il était devenu une épave à compter de son échouement ce fameux samedi 25 juillet.

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Les fissures décélées sur le navire Wakashio

Nos autorités avaient toute compétence pour, sinon s’en saisir, en tous cas coordonner voire précipiter les efforts de sauvetage tant de l’équipage, ce dont nos autorités se sont accomplis, que de la cargaison, de son fuel et du navire lui-même. Autre personnage important dans cet imbroglio administratif : le Director of Environment !

En vertu des articles 30 et 35 de l’EPA, ce haut fonctionnaire dispose également de pouvoirs étendus : 30. Interventions of the Director (1) Where the owner of a pollutant which is spilled - (a) is reasonably suspected of contravening section 29(2)( c); (b) cannot promptly be identified; (c) requests the assistance of the Director in relation to a spill, the Director may initiate any action and take any measures necessary in the public interest to prevent, eliminate or reduce the adverse effects on, and to restore to its previous state as far as is practicable, the environment. (2) In the event of a spill, the Director may direct the owner of the pollutant which is spilled, or any other person, to take such action within such period of time as he may specify in order to- (a) prevent, eliminate, or reduce the adverse environmental effects of the spill; (b) restore as far as is practicable the environment to its previous state; (c) dispose of, or in any way deal with, the pollutant or any object reasonably suspected to be affected by the pollutant. (3) The Director may direct any person conducting an activity which may, in the Director's opinion, cause a spill- (a) to prepare a contingency plan to the satisfaction of the Director; or (b) to make such modification as he thinks appropriate to an existing contingency plan. 35. Powers in case of emergency or spill Any person engaged in an action or measure taken by the Director in the case of a spill, or in furtherance of a direction by the Prime Minister in the case of an emergency, may - (a) without warrant enter any premises, except a dwelling house, and have access through or over any building, structure, vehicle or by land, water or air; (b) construct or set up any structure, machinery, materials and equipment on any premises; (c) remove the pollutant or any object, plant, animal, to any part of the environment which is reasonably suspected to be affected by the pollutant, and (d) stop, inspect, search and detain any vehicle.

La NCG, de son côté, n’est pas désarmée non plus, vu que la Section 10 du National Coast Guard Act de 1992 prévoit : 10. Authority to board a vessel. (1) Members of the National Coast Guard may, in the execution of their duties or in the exercise of their authority, board any vessel. (2) Every vessel that is under way shall, upon being hailed to by a vessel of the National Coast Guard, stop immediately and lie to or manoeuvre in such a way as to permit the members of the National Coast Guard to board the vessel. (3) The officer in charge of the National Coast Guard boarding party shall, upon boarding a vessel, identify himself to the master, owner, skipper or operator of the vessel and explain his mission. (4) Where a vessel does not bring to upon being ordered by any vessel or aircraft of the National Coast Guard to do so, the person in command of the vessel or aircraft of the National Coast Guard may, after a gun has been fired as a warning signal, fire at or into the vessel which does not bring to. (5) No action, civil or criminal, shall lie in respect of anything done in good faith in compliance with subsection (4).

Devant cet arsenal de pouvoirs, il est sidérant que notre administration publique ne se soit pas saisie des prérogatives qui sont les siennes et que ces trois départements aient failli à ce point dans l’exercice de leurs fonctions.

S’agissant de la NCG, l’opinion n’en finit pas de s’interroger comment ses officiers n’ont pas alerté les appareils situés à l’aéroport et fait décoller un hélicoptère pour alerter de façon plus active l’équipage du Wakashio qui se trouvait entre 10 et 12 milles nautiques trop au nord et en approche dangereuse de nos côtes. Sans exonérer la responsabilité du Wakashio, comme celle de son armateur japonais, qui a déjà présenté ses excuses au pays par la voix de ses dirigeants, il est clair qu’un manquement a eu lieu. Ou que des protocoles sont déficients. Et cela fait craindre le pire en cas d’intention malveillante d’un navire fou lancé contre les approches de notre capitale, par exemple un mardi de session parlementaire, avec dans la foulée des victimes, le gros de notre haute administration publique et le gratin du monde des affaires comme de nombreux professionnels !

En bref, notre pays serait alors décapité ! L’actualité nous rappelle, avec les évènements de Beyrouth, que cette hypothèse est loin d’être farfelue…

Mais, pour revenir aux administrations de l’environnement et du shipping, l’on se perd en interrogations sur l’aspect timoré, négligeant et inefficace des mesures prises entre le 25 juillet et le 6 aout, quand on ausculte à nouveau le MSA de 2007 et l’EPA de 2002 ! Des enquêtes sont en cours, mais il faut craindre que cela ne débouche pas sur grand-chose. Comme toujours ! Le PM, anxieux de ne pas fragiliser sa majorité, après l’affaire des turbines à gaz du CEB, ayant mené à la révocation de l’ex-DPM Collendavelloo, ne tient pas à mettre deux autres ministres sur la touche. Il a agi de même sur l’affaire des commandes des équipements médicaux en se portant promptement au secours des ministres Sawmynaden et Jagatpal.

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Le PM, Pravind Jugnauth, en conférence de presse, dans le sillage de la crise écologique provoquée pa le naufrage du Wakashio

Si l’on peut comprendre la posture politique du PM, on ne saurait le suivre sur ces évidents manquements de toute une trâlée de fonctionnaires, qui auront ainsi piégé son gouvernement et mis la Nation à mal. C’est peut-être l’occasion de se réveiller et de secouer ces mandarins trop endormis sur leurs lauriers et trop habitués à s’engraisser avec des emplois garantis par les impôts versés par le contribuable. L’immense majorité de la population, plongée en plein marasme économique avec la crise post-Covid ne saurait faire preuve d’autant de mansuétude à leur égard.

Me Richard Rault

 

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