Invitée à Dubaï par Sultan Al Jaber, le président de la COP28, Anusha Seechurn a vécu une expérience enrichissante et stimulante. Ce dimanche, l’activiste mauricienne nous raconte les temps forts de son séjour avec des personnalités de renom.
« Une expérience exceptionnelle et une belle réussite. » C’est ainsi qu’Anusha Seechurn décrit sa participation à la COP28, qui s’est déroulée à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre. La jeune femme de 32 ans est l’unique Mauricienne à avoir été invitée par le président de la COP28, Sultan Al Jaber, à l’International Youth Climate Development Programme. Bénévole et leader jeunesse depuis plus de 12 ans, elle a fait partie des 100 délégués de divers pays retenus parmi 11 000 demandes.
« Le président de la COP28, Sultan Al Jaber, et Shamma Al-Mazrui, la jeune ministre de l’Environnement des Émirats arabes unis, ont lancé le Programme international des délégués jeunesse pour le climat, qui a permis à 100 jeunes des petits États insulaires en développement (PEID) et des pays les moins avancés, pour la première fois dans l’histoire d’une COP, de participer pleinement à la 18e Conférence des jeunes (COY18) et à la 28e Conférences des parties (COP), qui se sont tenues à Expo City, Dubaï », explique cette professionnelle du domaine du climat et du développement durable.
Les délégués, raconte-t-elle, ont reçu une formation intensive sur chaque thème de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), et ont également bénéficié d’une visite guidée du navire et du laboratoire d’OceanX à Dubaï. « Ce fut une expérience merveilleuse qui m’a donné envie d’en apprendre plus sur l’histoire, les spécificités et les empreintes ADN des océans. »
Les délégués ont bénéficié d’une formation aux négociations dispensée par l’université d’Oxford, sanctionnée par un certificat. Elle se réjouit également d’avoir obtenu son diplôme de déléguée jeunesse international pour le climat. « Nous avons rencontré Son Excellence Shamma Al Mazrui lors de notre remise de diplôme et j’ai été inspirée par son leadership à l’âge de 29 ans ! »
Anusha Seechurn est intervenue lors de quatre panels à la COY18 et à la COP28. « J’ai partagé mon point de vue de jeune issue des PEID qui sont souvent sous-représentés sur les enjeux climatiques. C’était une opportunité unique de faire entendre nos voix sur cette plateforme mondiale. » D’ailleurs, affirme la jeune femme : « Les personnes qui nous ont écoutés se souviendront de nous et sauront situer Maurice sur la carte et comprendre nos réalités climatiques. »
Le panel du Centre mondial pour l’adaptation à la COY18, sur le thème « La participation des jeunes à l’éducation à l’adaptation et la nécessité de doubler le financement de l’adaptation », a été l’occasion pour elle de parler de l’adaptation et de l’importance de l’inclusion des jeunes, en s’appuyant sur le Manifeste climatique des jeunes de Maurice 2023 condensé. « Le panel réunissait des leaders mondiaux de la jeunesse sur le climat renommés de six régions du monde. Nous avons eu des discussions fructueuses, en plaidant pour doubler le financement de l’adaptation et créer des emplois et des voies d’entrepreneuriat dans l’adaptation. »
Les personnes qui nous ont écoutés se souviendront de nous et sauront situer Maurice sur la carte et comprendre nos réalités climatiques.»
Sa participation au panel de la COP28 a été « un moment mémorable ». « J’ai été invitée à parler en tant que représentant des jeunes de Maurice au pavillon des Seychelles lors d’un événement organisé par la Commission de l’océan Indien. Le thème de ce panel était ‘Soutenir l’autonomisation et l’engagement des jeunes sur le changement climatique’. J’ai présenté le Manifeste climatique des jeunes de Maurice 2023, nos demandes et nos contributions au document de position de Maurice sur le changement climatique. »
En sus de mettre en avant son expérience dans le plaidoyer climatique, « j’ai insisté sur l’urgence que les PEID de notre région soient reconnus à l’ONU et à la CCNUCC. J’ai également expliqué comment le gouvernement des Seychelles consulte sa population jeune et l’inclut dans les décisions sur le changement climatique, et comment Maurice et les autres PEID de la région doivent s’en inspirer, pour l’équité intergénérationnelle autour du changement climatique. »
D’autre part, dans le cadre de YOUNGO, poursuit Anusha Seechurn, « nous avons présenté la Déclaration mondiale de la jeunesse ». Le rôle de Champion du climat pour la jeunesse a été formalisé et le Bilan de la jeunesse a été lancé, précise-t-elle. Ce sont, dit-elle, des étapes fermes pour l’inclusion de la jeunesse comme acteur clé dans la prise de décision sur le climat et la garantie de l’équité intergénérationnelle.
Au pavillon de Madagascar, sur le thème « Genre et climat - les voix des îles africaines comptent ! », elle a pu présenter son travail récent en collaboration avec Care About Climate, organisation à but non lucratif basée aux Etats-Unis, sur l’analyse des Contributions déterminées au niveau national (CDN) de Maurice sous l’angle du genre. « J’ai expliqué la nécessité de traiter le genre comme un pilier plutôt que comme une question transversale, de formaliser le genre dans chaque secteur et d’assurer une représentation équilibrée entre les sexes dans les postes de direction au Parlement et sur les plateformes clés de prise de décision sur le climat. »
Le dernier panel auquel elle a participé a été organisé par le Global Youth Development Institute et Peace Boat, sur le thème « Dialogue mettant en valeur l’autonomisation et le leadership des jeunes pour des processus diversifiés et inclusifs sur le climat et l’océan ». « J’ai exposé l’importance de l’océan pour notre identité en tant que PEID et comment des programmes de renforcement des capacités tels que Seeing Blue et Shape Africa, menés par SYAH et Global Shapers, ont aidé Maurice à avancer dans l’action climatique océanique. »
Ainsi, souligne Anusha Seechurn, « la COP 28 a été riche en moments forts et en opportunités d’apprentissage pour moi. J’ai assisté à des événements de haut niveau, tels que le Sommet sur le financement de l’adaptation pour l’Afrique organisé par le Centre mondial pour l’adaptation, où le célèbre Bill Gates a plaidé pour doubler le financement de l’adaptation pour l’Afrique, aux côtés du PDG du Centre, des présidents du Kenya, de la Tanzanie et du Sénégal, du président de la Commission de l’Union africaine et du président de la Banque africaine de développement ».
Elle dit avoir également été « captivée » par le panel avec Hillary Clinton sur le genre dans les actions climatiques. « Et j’ai observé les négociations d’Emmanuel Macron. » Un autre temps fort a été, pour elle, d’interagir avec le top model Naomi Campbell. « Elle a parlé de la mode durable et de la nécessité de revenir aux savoirs indigènes et ancestraux dans la fabrication des matériaux, des tissus et la réutilisation des vêtements dans une nouvelle ère. »
Pour Anusha Seechurn, « assister aux sessions plénières et observer les négociations pendant les deux semaines de la COP28, en commençant par le Sommet mondial sur l’action climatique, qui a réuni 154 chefs d’État et de gouvernement, a été une expérience enrichissante, qui m’a permis d’avoir une vision globale du paysage climatique ». Et plus encore, « être dans un espace où les gens sont naturellement dévoués à apporter des solutions au changement climatique, dans un esprit de jeunesse et de collaboration, m’a inspirée à poursuivre le travail que je fais ».
Son message pour Noël
« La période de Noël et de fin d’année est souvent synonyme de surconsommation, d’achats inutiles et de cadeaux superflus. Je propose aux Mauriciens de faire une pause et de se demander ce dont nous avons réellement besoin, si nous ne pouvons pas nous contenter de ce que nous avons et si nous ne pouvons pas partager ou donner ce qui nous reste. Nous pouvons choisir une fin d’année plus écologique en favorisant l’artisanat et les matériaux recyclés plutôt que les produits industriels, en achetant et en consommant des produits locaux, qu’il s’agisse de nourriture, d’artisanat, de produits artisanaux et de matériaux décoratifs. Utilisez l’eau et l’énergie de manière efficace et prenez soin de votre santé pour éviter le stress pendant ces jours de fête. »
Les principaux points à retenir
Dès le premier jour de la COP 28, Sultan Al Jaber a annoncé la création d’un fonds pour les pertes et dommages. « Cela a suscité une ovation dans la salle. »
Néanmoins, indique Anusha Seechurn, ce fonds ne dispose pour l’instant que de 700 millions de dollars, ce qui est très faible par rapport au coût économique estimé des pertes et dommages d’ici 2030 : 400 milliards de dollars par an, et jusqu’à 1,8 billion en 2050. « Il faut donc des efforts beaucoup plus importants. » Selon elle, il faut « des mécanismes plus efficaces pour que les pays riches assument leur responsabilité dans le financement du désastre qu’ils ont causé et qu’ils continuent de causer aux pays pauvres ».
La COP28 s’est achevée dans les dernières heures, après de vives discussions sur les textes proposés. Les Parties ont fini par adopter une décision, appelée le « Consensus des Émirats arabes unis », qui reflète leur réponse aux premiers résultats du Bilan mondial (GST) dans le cadre de l’Accord de Paris, poursuit-elle. Cette décision orientera les stratégies des pays pour définir leurs prochaines CDN en 2025. Le cadre du GGA reflète un consensus mondial sur les cibles d’adaptation et le besoin de soutien financier, technologique et renforcement des capacités pour les atteindre, explique-t-elle.
Le financement a été au cœur des discussions, avec la conclusion qu’il y a un grand déficit ; les flux financiers alignés sur les objectifs climatiques doivent être renforcés et leur accès facilité, fait ressortir Anusha Seechurn. En ce qui concerne l’atténuation, avance-t-elle, l’accord de la COP28 marque le « début de la fin » de l’ère des combustibles fossiles.
D’autre part, témoigne Anusha Seechurn, l’avenir de l’agriculture et des systèmes alimentaires a été au cœur des débats pendant toute la conférence. Elle revient sur l’adoption de la Déclaration sur l’agriculture, les systèmes alimentaires et l’action climatique par plus de 150 pays, dont l’Australie. « Les signataires de cette Déclaration s’engagent à intensifier leurs efforts conjoints et individuels pour développer et diffuser des innovations basées sur la science et les données - y compris les savoirs locaux et autochtones qui améliorent la productivité et la production agricoles durables. Ils s’engagent également à intégrer l’agriculture et les systèmes alimentaires dans leurs Plans nationaux d’adaptation, leurs CDN et d’autres stratégies liées au climat avant la COP30 en 2025. »
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