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Angélique Descroizilles : l’argent en éclats de couleur

Créatrice de bijoux en argent, Angélique Descroizilles travaille depuis peu l’émail dans son art pour donner plus de couleurs et de vie. Récit d’une histoire émaillée d’argent…

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Dans l’atelier baigné de lumière du Quartier-Général à Saint-Pierre, Angélique Descroizilles dépose avec minutie de fines cloisons d’argent sur une pièce en devenir. Son geste est précis, presque chorégraphique. Chaque coup d’outil raconte une histoire. Ici, l’artisanat est un langage, un dialogue intime entre la matière et l’imaginaire.

Les créations prennent forme lentement, au gré d’un savoir-faire où chaque détail a son importance. L’atelier est un véritable sanctuaire, un lieu de recherche et d’expérimentation où les pièces uniques naissent sous les doigts experts de cette créatrice de bijoux en argent.

Tout commence en 2018, lorsque Angélique, alors enseignante dans une école primaire, façonne ses premières pièces dans un petit atelier attaché à sa maison à Rivière-Noire. KÁLÁ – du mot hawaïen signifiant « argent » – voit le jour, fruit d’une passion qui s’affine au fil des ans. « Lorsque j’ai commencé à enseigner en 2017, j’avais le temps d’explorer parallèlement la création de bijoux. J’ai fait mon premier bijou Kala en 2018 et, en 2023, j’ai décidé de m’y consacrer entièrement. »

Les premiers modèles, exclusivement en argent, parfois avec des pierres semi-précieuses intégrées, sont empreints d’une délicatesse toute particulière. Le métal est laminé, martelé, poli avec soin, pour donner naissance à des pièces qui mêlent simplicité et élégance intemporelle. Mais l’envie de couleur, de contraste, de matières, se fait sentir. Un besoin presque vital d’explorer de nouvelles dimensions, de ne pas se limiter à l’argent brut.

Ici, l’artisanat est un langage, un dialogue intime entre la matière et l’imaginaire»

C’est ainsi qu’elle part en Afrique du Sud, où elle avait déjà appris, quelques années plus tôt, les bases de la bijouterie, à la recherche de techniques complémentaires. Elle y découvre l’art de l’émail. « J’ai appris plusieurs techniques, dont le plique-à-jour que je n’ai pas encore exploré pleinement, et le cloisonné, qui me fascine. » 

Une technique exigeante où de fines cloisons d’argent structurent des enclaves de couleur, déposées en couches successives, patiemment cuites au four. « Chaque teinte est cuite séparément, et l’ensemble demande une demi-journée de travail avant même d’aborder la confection du bijou. C’est un double labeur, mais le résultat en vaut la peine. »

L’émail est une révolution pour elle, un terrain d’exploration sans limites. « Contrairement aux pierres, qui offrent une seule couleur, une seule forme, l’émail démultiplie les possibles. Il permet de jouer avec les transparences, d’alterner les nuances, de structurer des compositions uniques. » Une manière aussi de détourner les sentiers battus de la bijouterie locale. « J’aimerais que l’émail soit mieux connu à Maurice. Plutôt que de faire ce que tout le monde fait, je crois proposer quelque chose d’unique. »

Le processus de fabrication est long, mais c’est aussi ce qui confère aux bijoux leur caractère précieux et rare. Tout commence par la préparation de la base en argent, qui doit être soigneusement découpée et dépolie. Puis viennent les cloisons, ces fines structures en argent qui dessinent les contours du motif. Ensuite, la magie opère : chaque espace est rempli d’émail, couche après couche, avant d’être cuit à haute température. La cuisson est une étape délicate, où chaque nuance doit être préservée, chaque transparence révélée. Enfin, il faut assembler, souder, peaufiner. Chaque bijou est ainsi le fruit de plusieurs heures de travail.

J’aimerais que les gens prennent conscience du travail derrière chaque bijou. L’émail est un art fascinant, et il mérite d’être exploré davantage à Maurice»

Sa production s’affirme au gré du bouche-à-oreille et des réseaux sociaux. « Les gens ne savent pas forcément ce que c’est. Peut-être que cela les intrigue, mais sans voir, ils ne peuvent pas se rendre compte de la richesse du travail. » C’est un défi permanent : faire comprendre la valeur d’un bijou entièrement conçu à la main, d’un processus qui demande patience et minutie. Car chaque pièce est une singularité, un fragment d’identité forgé à la main.

Pour Angélique, chaque bijou est une histoire, un instant capturé dans la matière. « L’émail me permet d’ajouter une dimension presque picturale à mes créations. C’est comme peindre avec du verre fondu, jouer avec la lumière et la profondeur. » Cette approche donne naissance à des pièces vibrantes, où les couleurs semblent s’animer sous les reflets de l’argent poli.

Dans un monde où la bijouterie de masse domine, elle revendique un travail d’orfèvre, ancré dans le temps et dans la matière. Ses créations ne sont pas seulement des accessoires, mais des pièces uniques, conçues pour être portées et admirées.

Aujourd’hui, Angélique Descroizilles trace sa route, entre tradition et modernité, entre artisanat et innovation. Son ambition ? Faire connaître l’émail au-delà des cercles initiés, sensibiliser à cet art délicat et méconnu. « J’aimerais que les gens prennent conscience du travail derrière chaque bijou. L’émail est un art fascinant, et il mérite d’être exploré davantage à Maurice. »

Dans son atelier de Saint-Pierre, elle poursuit son œuvre, pièce après pièce, éclat après éclat, à la recherche de cette alchimie parfaite entre l’argent et la couleur. Car au-delà du bijou, c’est une passion qu’elle façonne, avec patience et dévotion.

L’émail : un art ancien aux possibilités modernes

L’émail est une technique artistique et artisanale qui consiste à appliquer une couche de verre coloré sur un support métallique, généralement en cuivre, en or ou en argent. Cette technique, utilisée depuis des millénaires, confère aux objets décorés un éclat unique et une grande résistance aux altérations du temps. On retrouve des traces de son usage dès l’Antiquité, notamment chez les Égyptiens, les Grecs et les Byzantins, qui en ornaient leurs bijoux et objets d’art.

Dans la bijouterie et l’art contemporain

L’émail est particulièrement prisé en bijouterie pour sa capacité à apporter de la couleur et des effets de texture uniques. Contrairement aux pierres précieuses, il permet une grande liberté de création et d’expérimentation des nuances. Les artisans et créateurs modernes redécouvrent cet art et l’intègrent dans des pièces uniques, alliant tradition et innovation.

Grâce à ses qualités esthétiques et sa durabilité, l’émail est utilisé bien au-delà de la bijouterie : il orne des objets décoratifs, des horloges, des œuvres d’art et même certaines pièces d’architecture.

Un art à redécouvrir

Si l’émail a traversé les âges, il demeure encore méconnu du grand public. Son artisanat demande un savoir-faire spécifique et une maîtrise des matériaux et du feu. En redonnant vie à cette technique ancestrale, des créateurs comme Angélique Descroizilles participent à la perpétuation et au renouveau de cet art fascinant, conjuguant héritage et modernité.

Les techniques d’émaillage

Il existe plusieurs techniques d’émaillage, chacune apportant un rendu spécifique :

  • Le cloisonné : Des cloisons en fil de métal sont soudées sur le support pour créer des compartiments où l’émail est déposé, ce qui permet de structurer les couleurs.
  • Le champlevé : Des cavités sont creusées dans le métal pour y insérer l’émail, donnant du relief aux motifs.
  • Le plique-à-jour : Une technique proche du vitrail où l’émail est déposé dans des cellules ajourées sans fond métallique, laissant passer la lumière.
  • Le grisaille : Utilisation de couches successives d’émail blanc sur un fond sombre pour créer des effets de clair-obscur.

Le processus de l’émaillage

L’émaillage se fait en plusieurs étapes, nécessitant précision et patience :

  • Préparation du support : Le métal est soigneusement nettoyé et parfois gravé ou martelé pour faciliter l’adhésion de l’émail.
  • Application de l’émail : Une poudre de verre, mélangée à des oxydes métalliques pour obtenir différentes couleurs, est déposée sur le métal. Elle peut être appliquée à sec ou sous forme de pâte.
  • Cuisson : L’objet est ensuite chauffé à des températures variant entre 750 et 900°C. Sous l’effet de la chaleur, la poudre de verre fond et fusionne avec le support métallique. Ce processus est souvent répété plusieurs fois, chaque couche de couleur étant cuite séparément.
  • Finitions : Une fois l’émail refroidi, il peut être poli pour révéler toute sa brillance. Des détails supplémentaires peuvent être ajoutés par gravure ou peinture.
 

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