La présidente de la République revient sur la place de la femme dans la société, et sur la famille, sur la violence, ou encore sur la peine de mort. Ameenah Gurib-Fakim était, mardi, l’invitée de Judgish Joypaul dans le « Grand journal » sur Radio Plus.
[blockquote]« Il y a une érosion de nos valeurs. Il faut de la discipline. Cela s’apprend d’abord au sein de la famille. »[/blockquote]
L’on dit souvent que malgré l’émancipation de la femme, celle-ci vit dans un monde régi par un code très masculin. Qu’en pensez-vous ?
Nous devons concéder que la condition féminine à Maurice a beaucoup évolué. Cela s’est surtout accentué avec l’éducation gratuite.
Quel est le symbolisme derrière la Journée internationale des droits de la femme ?
Cela peut-être quelque peu controversable, mais nous aurions peut-être besoin d’un 8 mars tous les jours. Que les Nations unies aient décrété une Journée internationale de la femme, veut dire que les femmes doivent faire face à de nombreux défis. Elles n’avaient pas le droit de vote et ont dû militer pour l’obtenir. C’est un symbole très fort.
Vous sentez-vous emprisonnée dans un monde d’hommes ?
Dans ma vie de femme, non. Mais en tant que scientifique de carrière, c’est vrai qu’il m’est arrivé de me sentir un peu coincée. Pour émerger professionnellement, les femmes doivent surmonter divers obstacles…
Quelles sont aujourd’hui les forces et les faiblesses de la Mauricienne ?
Les faiblesses sont beaucoup liées à notre insularité qui nous pousse à nous replier sur nous-mêmes. C’est également vrai pour les hommes. Question force, la femme représente le socle de la famille. La femme éduquée représente un espoir pour la société. Elle est aussi une source de main-d’œuvre et a grandement contribué au premier miracle économique, dans le textile par exemple.
Beaucoup de femmes doivent commencer une deuxième journée de travail après les heures de bureau. Est-ce une forme d’exploitation ?
Je répondrai par un cliché. Si un homme rentre à la maison à 21 heures, l’on dira, voilà quelqu’un qui se dévoue pour sa famille. Si une femme le fait, on dira qu’elle est égoïste. Il faut encourager les pères à partager les tâches ménagères. Parmi les jeunes, il y a une prise de conscience, mais c’est au cas par cas.
Vous considérez-vous comme un modèle pour les femmes ?
Je ne me considère pas comme tel. Ma présence à la State House, est davantage un symbole. Toutes les Mauriciennes pourront se dire : oui, c’est possible… de devenir Présidente sans avoir fait carrière dans la politique ou même en étant une entrepreneure. J’aurais surtout voulu que l’on retienne mon parcours, plus que ma personne. Chaque année, pour montrer que la présidence n’est pas une fonction ‘vase à fleurs’, je ferai un bilan de mes réalisations.
Quel est votre constat de la société, en tant que mère de la famille et Mauricienne, après les événements tragiques de Camp-de-Masque-Pavé ?
Ce qui m’a choquée, c’est la violence qui caractérise ces meurtres. Au sein même de notre société, il y a beaucoup de violence, verbale, physique ou encore psychologique. Il y a une érosion des valeurs. Il faut de la discipline. Cela s’apprend d’abord au sein de la famille.
Qu’est-ce qui explique cette perte de valeurs ? Internet ?
Après l’Indépendance, nous étions un pays à faible revenu. Nous avons évolué en une société de consommation. Beaucoup de familles vivent aujourd’hui au-dessus de leurs moyens. Nous avons perdu nos repères. Chaque famille doit se réinventer.
Vous avez proposé un débat national sur la peine de mort. Pourquoi et comment s’y prendre ?
Nous devons faire une analyse. La peine de mort ne veut pas forcément dire que la violence va diminuer. Nous en avons la preuve dans certains pays où le châtiment capital existe. Imposer la peine de mort rend justice à qui au final ? À la société ? Au pays ? Ou seulement à la victime ? Nous devons nous pencher sur les raisons derrière un éventuel retour à la peine capitale. On ne peut emprunter cette voie, sans avoir consulté la population. Je suis d’avis que nous devons plutôt renforcer les lois et empower les gens.
Vous pensez à un référendum sur la question ?
Certaines institutions doivent entamer le débat. Je pense que la société mauricienne est assez mûre pour cela.
Concernant la violence domestique, êtes -vous d’accord avec les nouvelles mesures ?
Faire de la violence domestique une arrestable offence est un signal fort. Nous devons appréhender la violence dans le sens large du terme. Comme le harcèlement verbal ou psychologique…
Selon la Banque mondiale, il y a un appauvrissement au sein de la population mauricienne…
Pour tirer les gens hors de la pauvreté, il faut une économie qui marche. Pour cela, nous devons développer une vraie culture du travail.
En parlant de monde du travail, nous voyons que les entreprises délocalisent leurs activités vers l’étranger.
Il faut s’assurer que nous accordions le soutien et l’encadrement nécessaires à ces opérateurs. Il y a peut-être des procédures à accélérer.
Comment résoudre le problème des diplômés chômeurs ?
J’ai toujours dit que notre richesse, c’est l’humain. Nous devons former selon les besoins de l’économie. Nous devons trouver comment aider ces diplômés chômeurs.
Quel héritage voudriez-vous laisser ?
J’aurais souhaité contribuer à rendre plus fortes nos institutions. Nous œuvrons pour que nos enfants aient un meilleur avenir.
Quel est votre conception du bonheur ?
Le bonheur, c’est un travail bien fait.
Allez-vous toujours au marché ?
(Rires) Je fréquente davantage le supermarché.
Vous restez donc modeste…
Oui. Il le faut.
Est-ce que vous aspirez à une carrière politique ?
J’évolue déjà dans ce milieu. Pourquoi vouloir devenir politicien ? Est-ce pour le pouvoir ? Le vrai pouvoir, c’est la capacité d’influencer.
Une femme Premier ministre, est-ce possible ?
Tôt ou tard, il faut faire abstraction de la notion du genre dans cette équation. Mais allons plus vers la compétence.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !