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Allocation des contrats : le mécanisme et les sept astuces de corruption

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La corruption autour de l’allocation des contrats par les départements gouvernementaux défraie la chronique à travers les écarts relevés durant l’enquête judiciaire sur les circonstances du meurtre de Soopramanien Kistnen. Le Défi Plus a mené sa petite enquête auprès des soumissionnaires – heureux et malheureux – pour tracer les contours du mécanisme de corruption qui est huilé par des astuces. Le Central Procurement Board joue cartes sur table en expliquant tous les recours possibles de contestation avant même l’allocation du contrat.

Contrats taillés sur mesure : The devil is in the details

Les contrats taillés sur mesure sont une pratique très lointaine, selon des soumissionnaires contactés par Le Défi-Plus. Avec cette pratique, tout le monde n’y voit que du feu. « Ce n’est pas facile à déceler au premier regard. Il faut examiner minutieusement les détails techniques pour s’en rendre compte », dira Bashir Jahangeer, ancien député et consultant.

  • Étape 1. Identifier un projet et trouver des arguments pour justifier son implémentation (par exemple : l’acquisition de nouvelles turbines pour produire de l’électricité pour palier à une hausse dans la demande).
     
  • Étape 2. Chercher des spécifications techniques ou opérationnelles propres à un ou deux fournisseurs. Ce qui augmentera les chances de ces derniers de décrocher le contrat. Ce qui va éliminer de facto plusieurs autres fournisseurs. 
     
  • Étape 3. Inclure ces spécifications dans le document d’appel d’offres. L'Open Bidding ou International Bidding n’est alors qu’un eye-wash car il n’y a qu’un ou deux fournisseurs qui seront responsive. 
     
  • Étape 4. S’assurer que le prix du fournisseur reste en dessous du montant earmarked.  Il faut au préalable informer le fournisseur du montant qu’il ne doit pas excéder. Il va alors chiffrer son prix en dessous du coût estimé. Au cas contraire, le ministère des Finances peut ne pas accepter de débourser l’argent, estimant la proposition out of budget.

Malgré cela, le prix du fournisseur ciblé sera parmi les plus chers, car le client, au vu des spécifications taillées sur mesures, sera condamné à s’approvisionner auprès de lui. Et c’est sans surprise que, lors de l’exercice d’évaluation, ce soit le fournisseur en question qui sera responsive et soit recommandé pour l’octroi du contrat. 

Aux dires d'un consultant en affaires, c’est comme un costume fait sur mesure. « Les données sont faussées dès le départ car la société va décrocher le contrat a déjà été identifiée, tout comme les spécifications devant figurer dans les documents d’appel d’offres. Cela afin que la société en question puisse être parmi les favoris. Il y a ensuite les ges placés sur différents comités pour faciliter l’octroi du contrat en question », explique -t-il.

Les commissions : autour de 4% du montant 

Selon des soumissionnaires, dans beaucoup de cas, le montant du fournisseur ayant décroché le contrat tient aussi en compte les « commissions à payer à tous ceux qui ont aidé à faciliter l’octroi du contrat. » La « norme » en termes de commissions à travers le monde, pratiquée par les grosses multinationales, serait de 2 % du montant du contrat. « Cela peut aller jusqu’à 4 %, dépendant de la compagnie et du montant du contrat », révèlent-ils.

Toutefois, elle est révolue l’époque, où pour payer les commissions, des transferts vers des comptes en Suisse, au Singapour ou dans les îles Canaries pouvaient être faits. Selon Bashir Jahangeer, ce n’est plus possible, car les lois internationales obligent les banques à fournir plus d’informations pour combattre, par exemple le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale ou encore le financement du terrorisme. « Du moins, pas sans prendre le risque d’éveiller des soupçons sur soi », souligne-t-il. 

Désormais, c’est l’acquisition de propriétés ou de biens immobiliers qui est privilégiée, selon des soumissionnaires. Cependant, soulignent-ils, le fournisseur ayant décroché le contrat ne peut se permettre de prélever d’un coup les 2 % de commissions de ses comptes au risque de s’attirer des ennuis. Ils utiliseraient alors 10 % à 20 % du montant que représentent ces 2 % pour acheter un  appartement, de préférence dans un pays où le fournisseur compte une antenne. « Aux yeux des autorités, il n’y a rien d’anormal à ce qu’une grande multinationale, qui a des activités dans un pays, fasse l’acquisition d’une propriété. Il suffira, après quelque temps, de faire un transfert au nom de la personne qu’il faut « récompenser » ou au nom d'un de ses proches », explique Bashir Jahangeer. 

Petty cash

Effectuer des paiements au compte-gouttes serait une deuxième méthode pour payer des commissions, selon certains de nos intervenants.  À leur avis, la personne qui doit percevoir ces commissions se rend régulièrement à l’étranger pour récuperer des petites sommes d’argent dans un pays où le fournisseur dispose d’une branche. « Il s’agit généralement d’un pays du tiers monde où les autorités locales sont plutôt laxistes. Ce paiement sera ainsi placé sous l'item ‘Petty Cash’. Le montant ne doit toutefois pas excéder la somme autorisée par passager. À Maurice, la personne peut contracter un emprunt auprès d'une banque pour l’acquistion de biens qu’elle remboursera avec cet argent au lieu de le placer sur un compte bancaire et devoir justifier la source of income », expliquent-ils. 

Une fois le contrat valant des millions, voire dans certains cas, des milliards de roupies décroché, la société va devoir partager une partie de cet argent avec ceux qui ont facilité l’octroi du contrat, mais aussi les grands manitous. « Ces récompenses vont être déposées sur des comptes offshore à l’étranger. Il suffit aussi de voir comment certains parviennent à faire construire des maisons ou bungalows valant des dizaines de millions de roupies. Certes, ils perçoivent, pour certains, un salaire important, mais ça reste néanmoins insuffisant pour garantir un prêt de plusieurs dizaines de millions, sauf s’ils ont une autre source de revenu », déclare un homme d’affaires.

Les sept astuces

Les spécifications techniques ne sont pas les seuls moyens pour favoriser un fournisseur. Car dans certains cas, les spécifications techniques peuvent ne pas être suffisantes pour favoriser le fournisseur. Ceux qui se livrent à ces pratiques ont donc trouvé d’autres moyens. 

  1. Capacité financière

    Dans certains cas, le document d’appel d’offres stipule que le fournisseur doit avoir accompli des projets dépassant un certain montant. Bashir Jahangeer cite, en exemple, un exercice d’appel d’offres récemment lancé pour la construction d’un pont. Le Potential Bidder doit, selon les critères, avoir fait, au cours de ces 10 dernières années, un projet similaire au coût de Rs 200 millions minimum. « Komye konpagni inn konstrir fly-over valer minimum Rs 200 M ? Il n’y a que deux sociétés qui seront éligibles », allègue-t-il. Et de demander : « Pourquoi avoir mis un chiffre exact et pas une fourchette ? Par exemple, le montant aurait pu être entre Rs 150 M et Rs 200 M. Le mécanisme est donc évident en mettant des chiffres exacts », est-il persuadé.

  2. Rétention d'informations

    Malgré des Open Tenders, des organismes parapublics, parfois, ne révèlent pas toutes les informations fournies par les fournisseurs au moment de l’ouverture de l’offre, évoquant, dans certains cas, le « secrét industriel » brandi par le fournisseur. Or, ces informations seraient souvent décisives et peuvent faire pencher la balance en faveur d’un fournisseur ou d'un autre. C’est ainsi que parfois, même un lowest bidder ne parvient pas à décrocher un contrat. 

  3. Informations Erronées

    Dans certains cas, des fournisseurs donnent volontairement des informations erronées pour être responsive d’une part et pour augmenter leur chance d’être sélecté, d’autre part. Il arrive parfois que ce n’est qu’après l’allocation du contrat que le pot aux roses est découvert. Le public body décide alors d’appliquer une « pénalité ». « Mais la sanction reste dérisoire comparé au montant du contrat. Fourniser la inn fini gagn kontra la ek so gro profit li », déplorent certains soumissionnaires. 

  4. Collusion

    Dans le cas où deux ou trois fournisseurs puissent être « responsive » - même avec un contrat taillé sur mesure -, un accord est passé entre les différents protagonistes, notamment les sociétés avec les meilleures offres et le politicien. La société qui décroche le contrat doit ainsi sous-traiter une partie des travaux avec les autres soumissionnaires, dont l’offre n’a pas été retenue. « Il est plus facile de négocier et de trouver un accord avec une ou deux sociétés qu'avec six ou sept pour des commissions.  À la fin de la journée, tout le monde doit y trouver son compte », dira Bashir Jahangeer. 

  5. Mécanisme

    Prenant l'exemple des contrats alloués pour la construction des routes, des soumissionnaires expliquent que des informations éronnées peuvent volontairement être glissées dans les documents d’appel d’offres. « Le document va indiquer que la route devra être longue de X kilomètre. Mais dans la pratique, ce sera moins par un ou deux kilomètres. Le montant qui sera économisé dans l’implémentation du projet, soit le ‘cost saving’, représente le montant des commissions qui devra être payé », disent-ils. 

  6. Variations

    C’est un autre moyen pour empocher de l’argent après l’allocation du contrat. La société ayant décroché le contrat brandira des arguments, lors de la phase d’implémentation, pour justifier une demande d’avoir plus d’argent. « Certains peuvent avancer que les fouilles, par exemple, doivent être plus profondes ou que ces travaux nécessiteront plus de ressources car il n’était pas prévu que le sol soit rocailleux, entre autres arguments », disent les intervenants. 

  7. Clauses de confidentialité

    Un moyen pour empêcher que des informations dans un contrat ne soient étalées sur la place publique, des clauses de confidentialité sont insérées, selon des soumissionnaires. Déjà qu’il est difficile d’obtenir des informations sur certains organismes parapublics ou sociétés étatiques, pour maintenir l’opacité dans l’octroi des contrats, des clauses de confidentialité sont inclues.  

Central Procurement Board : un manque de professionnels

Certains soumissionnaires considèrent que le Central Procurement Board (CPB) ne dispose pas de professionnels propres à un domaine. Les organismes parapublics le savent et font inclure, de manière volontaire, des spécifications que le CPB ne pourra évaluer. Les cinq membres du CPB peuvent les avoir vues, lu, mais ont ‘oversee’ ces spécifications car il ne s’agit pas de leur spécialité. 

Hourly basis. Dans certains cas, le CPB retient les services de professionnels sur une hourly basis. C’est là encore un moyen de se faire de l’argent pour des professionnels. Ils passent un maximum de temps sur ces travaux pour empocher plus d’argent. Sans compter que cela ne fait que retarder les procédures. 

Le CPB aurait dû, selon eux, s’entourer de professionnels spécialisés dans chaque secteur : énergie, environnement, eau... C’est ainsi que ceux dans des organismes parapublics ne pourront plus les tourner en bourique », disent-ils.


Allocation des contrats : Qui sont les bénéficiaires ?

Roshi Bhadain, ancien directeur d’investigation à l’Icac, parle d’un système mafieux à quatre niveaux. Primo, il y a les politiciens et ceux qui sont au pouvoir. On parle alors d’un système de protectionnisme. Secundo, vous trouverez ceux qui gravitent autour du centre du pouvoir pour obtenir des contrats. Il s’agit généralement d’hommes d’affaires qui viennent pour se faire de l’argent mais aussi pour les politiciens.
Tertio, il y a les agents qui ont œuvré sur le terrain qui cherchent leur « boutt » pour service rendu. Ce sont ceux qui estiment qu’ils ont fait de leur mieux pour que X ou Y soit élu. Du coup, ils considèrent qu’ils doivent eu aussi obtenir leur part du gâteau. Et quarto, lorsque ces hommes de terrain commencent à rouspéter et menacent de faire des dénonciations ou de dévoiler des informations qui peuvent être nuisibles à ceux qui sont en haut, il y a une quatrième équipe qui entre en jeu, il s’agit de Contract Killers qui sont là pour régler le problème. 

Emergency procurement

Citant le cas de Bo-Digital Ltd qui a obtenu des contrats valant plus de Rs 300 millions sous l’Emergency Procurement durant la période de confinement, Roshi Bhadain avance que le mécanisme utilisé a été révélé devant le tribunal de Moka lors des auditions dans le cadre de l’enquête judiciaire sur la mort de Soopramanien Kistnen. « Il a été révélé que cette société a obtenu de l’argent du public body pour faire les acquisitions nécessaires pour le gouvernement. Donn li cass, pou li aste pou li van ek ou mem », dit-il. 

De par l’audition de différents protagonistes, Roshi Bhadain explique que, c’est le National Committee sur la Covid-19 qui a recommandé Bo-Digital Ltd à la State Trading Corporation qui n’a fait qu’agir comme un « paying agent ». 


Emergency Procurement : Cinq individus arrêtés par la commission anti-corruption

A visionner cette enquête  en version multimédia Vous pouvez retrouver cette enquête en version vidéo sur notre site web www.defimedia.info et la page Facebook du Défi Media Group.
A visionner cette enquête en version multimédia
Vous pouvez retrouver cette enquête en version vidéo sur notre site web www.defimedia.info et la page Facebook du Défi Media Group.

L’Independent Commission Against Corruption avait prévenu contre les risques de corruption lié à l'Emergency Procurement durant la période de confinement. C’est ce que fait ressortir la commission dans un courriel adressé au Défi Media Group.

Dans cette correspondance, l’Icac soutient que, de par sa prévoyance et sa réactivité, elle avait tiré la sonnette d’alarme, le 8 mai 2020 dans un communiqué, pour mettre en garde contre les risques de corruption liés à l'Emergency Procurement. « Il est inévitable que cette crise a créé des opportunités qui pourraient donner lieu à des fraudes et des corruptions dans les marchés publics (…) » avait souligné l’Icac dans le communiqué.

Deux raisons avaient été avancées : (i) une hausse conséquente dans les montants et la vitesse à laquelle cet argent allait être déboursé ; (ii) une interférence avec des mécanismes de contrôle. Ce qui pourrait permettre à certains de s’enrichir grâce à la crise. 

L’Icac soutient que peu de temps après la fin de la période de confinement, les plaintes ont commencé à pleuvoir. Des plaintes d’abus allégués entourant l'Emergency Procurement effectué durant le confinement.  

« Aujourd’hui, alors que les enquêtes de l’Icac se poursuivent, nous nous rendons compte que notre mise en garde était justifiée. Dans le cadre de ces enquêtes complexes, l’Icac a déjà arrêté cinq personnes », indique la commission, précisant qu'elle enquête, en ce moment même, sur pas moins de 13 cas suivant des allégations de malpractices dans les procédures de Procurement.

 


Soupçons d’appels d’offres taillés sur mesure : le CPB évoque trois possibilités de contestation avant l’allocation du contrat

Le Central Procurement Board a un mandat précis.
Le Central Procurement Board a un mandat précis.

Les soumissionnaires à un appel d’offres qui soupçonnent qu’un contrat aurait été taillé sur mesure pour favoriser une société peuvent contester par au moins trois occasions avant même que le contrat ne soit alloué.

La Public Procurement Act a été rédigée de sorte à protéger les intérêts de la communauté des soumissionnaires à chaque étape d’un exercice d’appel d’offres. Tel est l’avis de Kirsley Errol Bagwan, membre du Central Procurement Board (CPB). Selon ses explications, en pas moins de trois occasions durant un exercice, un soumissionnaire peut contester le processus de public procurement. 

D’abord, durant les cinq premiers jours après que l’exercice d’appel d’offres a été lancé. Un soumissionnaire potentiel peut contester le contenu du document s’il estime que celui-ci favorise un fournisseur en particulier. « S’il n’est pas satisfait de la réponse fournie par le Public Body suite à la contestation, le soumissionnaire potentiel peut alors faire une demande de révision à l’Independent Review Panel (IRP), lequel peut suspendre tout le processus pour enquêter et palier aux lacunes, s’il y en a », explique Kirsley Errol Bagwan.

La deuxième occasion est à l’ouverture des offres. Là encore, le soumissionnaire dispose de 5 jours pour faire une contestation. « Car il se peut, par exemple, qu’il y a eu des ‘addendums’ qui sont sortis et qu’il n’a pas eu l’occasion de challenge. Il dispose ainsi d’une deuxième chance pour contester le document », souligne le membre du CPB. 

Et enfin, une troisième opportunité se présente après l’ Approval of Award, soit une fois que le CPB a notifié son choix à tous les soumissionnaires. « Cela se passe donc avant même l’octroi du contrat. Une fois encore, le soumissionnaire peut contester. Si là encore il n’est pas satisfait de la réponse qui lui a été fournie, il peut alors solliciter l’IRP pour une révision », déclare-t-il.  

Mandat précis

Notre intervenant explique que le Central Procurement Board dispose d’un mandat spécifique. Parmi, la vérification des documents d’appel d’offres pour les Major Contracts (voir hors texte), la réception et l’ouverture des offres publiquement, le choix parmi une liste des évaluateurs pour faire partie du Bid Evaluation Committee, l'évalution des offres et l'aval pour l’octroi des contrats. « Nous pouvons aussi accepter ou rejeter des variations dans des contrats. Par contre, nous n’avons pas le droit de sanctionner ou de mener des enquêtes », fait ressortir le membre du CPB. 

Vérifications. L’exercice consiste à s’assurer que le document d’appel d’offres, préparé par le Public Body, est en ligne avec la Public Procurement Act qui recommande l’équité, la transparence et le Principles of accountability. Le CPB vérifie s’il y a des critères qui puissent favoriser ou discriminer un soumissionnaire ou si l’exercice risque d’être restreint avec seulement 3 ou 4 soumissionnaires éligibles, etc. Le CPB dispose de la prérogative de mettre sur pied des comités composés d’ingénieurs et des professionnels avec d’autres compétences requises pour l’aider dans cette tâche. Une fois satisfait du document, le CPB donne son feu vert pour que l’appel d’offres soit lancé. 

Nous n’avons pas le droit de sanctionner ou de mener des enquêtes"

Ouverture des offres. C’est un exercice qui se fait dans la transparence et auquel tous les soumissionnaires sont invités à assister. La Tender Box est ouverte le matin à 9 heures pour fermer à 13 h 30. A partir de 14 heures, l’ouverture des offres se fait devant les soumissionnaires ou leurs représentants. Les informations sont ensuite affichées à la fois dans la salle et sur le site du CPB. 

Évaluation. Cet exercice crucial consiste à déterminer le « lowest evaluated substantially responsive bid ». Cela signifie qu’il ne faut pas être à tout prix le lowest bidder pour décrocher le contrat, mais il faut avant tout répondre à tous les critères du document d’appel d’offres. C’est le lowest parmi ceux responsive qui sera tenu en compte. Un Bid Evaluation Committee (BEC) est mis sur pied et le CPB peut choisir d’une liste d’évaluateurs qui soient « knowlegable of the subject matter » pour faire l’évaluation dans un délai de 15 jours. 

Comité technique. Le rapport du Bid Evaluation Committee sera sujet à un exercice de due diligence par le comité technique mis sur pied initialement. L’objectif étant de s’assurer que la décision du BEC de rejeter ou retenir l’offre d’un soumissionnaire soit justifiée et que tout le monde a été évalué de manière équitable. 

Décision du Board. Une fois le Chief Executive du CPB en présence du rapport du comité technique et du Bid Evaluation Committee, celui-ci prépare un Board Paper qui est soumis aux membres du Board pour leur approbation.  

Contrats majeurs

Le CPB s’occupe de l’exercice d’appel d’offres pour des Major Contracts seulement. Le seuil est de plus de Rs 25 millions pour les Collectivités locales (municipalités, Conseils de district), plus Rs 50 millions pour les ministères et quelques organismes parapublics, comme la Beach Authority, la Mauritius Tourism Promotion Authority et le National Computer Board, entre autres. Ce seuil peut grimper jusqu’à Rs 100 millions pour des organismes plus importants comme la Cargo Handling Corporation Ltd, la Road Development Authority et le Central Electricity Board, entre autres.

Raj Prayag : « Le CPB n’est impliqué dans aucun scandale »

Le Central Procurement Board n’est impliqué dans aucun scandale, que ce soit celui de l’affaire St-Louis ou ceux des Emergency Procurement pour l’achat des équipements médicaux durant le confinement. C’est ce qu’a tenu à faire ressortir Raj Prayag, le pésident du CPB. 

Celui-ci, qui a bienveillamment accepté d’ouvrir les portes du CPB au Défi Plus, donne la garantie qu’avec tout le système en place, tout ce qui se fait au CPB « stands up to scrutiny ». « N’importe qui peut venir voir comment nous fonctionnons. Nous faisons tout dans les paramètres de la loi. Malgré tous les scandales que nous témoignons, le CPB n’a pas été mis en cause, car tout ce que nous faisons est ‘on record’ et tout peut être vérifié. D’ailleurs, le CPB n’est impliqué dans aucun scandale, que ce soit dans l’affaire St-Louis ou des Emergency Procurement et autres », dit-il, soulignant que tout ce fait dans la transparence. 
Cela n’empêche pas Raj Prayag de penser que des améliorations peuvent encore être apportées au processus de Public Procurement, même si ces améliorations ne révéleraient pas du mandat du CPB. « On pense à un système qui déterminera si le projet proposé est valide, ‘fit for purpose’ ou encore si le projet est ‘value for money’. Un système qui se penchera aussi sur le coût du projet dans la durée. En somme, il s’agit de déterminer si c’est le meilleur projet pour le pays », propose-t-il. 

Dans cette même veine, il est d’avis qu’il faut avoir un système d’audit qui sera en mesure de produire un Post Completion Report afin de déterminer si les travaux ont été faits d’après le cahier des charges. « Nous faisons tout ce travail [au CPB], mais nous ne savons pas ce qui se passe par la suite. Il faut qu’il y ait, dans le système national, des instances qui viennent contrôler [après l’octroi du contrat] », préconise-t-il. 

 


Lovania Pertab : « L’IRP est loin d’être suffisant »

Me Lovania Pertab.
Me Lovania Pertab.

Une institution pouvant prendre des initiatives pour enquêter dans les exercices d’allocation de contrat. C’est ce que suggère Me Lovania Pertab, la présidente de Transparency Mauritius, pour davantage de transparence. « À ce jour, il n’y a pas une institution régulatrice mais une instance, soit l’Independent Review Panel (IRP), qui agit comme un tribunal pour assurer qu’un contrat a été alloué selon le cadre légal. Cela dit, c’est loin d’être suffisant. Il faut un régulateur qui viendra de manière systématique s’assurer qu’aucune forme de corruption n’a eu lieu à toutes les étapes de l’octroi du contrat », recommande-t-elle. 
Au-delà du facteur humain, Lovania Pertab estime que le problème de corruption dans l’ allocation des contrats serait systémique. « En de nombreuses occasions, nous avons constaté que notre système est dépassé. Il faut donc scrap le system actuel et le remplacer », ajoute-t-elle. Cela passera, selon la présidente de Transparency Mauritius, par le recours à la compétence des jeunes. « Ils ont été éduqués de manière différente et ils sont plus à l’aise avec l’utilisation de la technologie. Ce qui leur permettra de mettre en place des systèmes transparents, justes et équitables », est-elle convaincue. 

Emergency Procurement

Abordant l’épineux sujet de l’Emergency Procurement effectuait durant la période de confinement, Lovania Pertab soutient que les autorités avaient deux obligations principales. « D’abord, s’assurer que les fournisseurs soient les seuls qui puissent offrir le service ou le produit. Ensuite, ils auraient dû faire un Market Intelligence, pour s’assurer que les fournisseurs offrent les meilleurs prix et que les spécifications ainsi que les termes de livraison soient adéquats. Dans le cas de Pack & Blister, est-ce que cela a été fait ? Difficile de savoir », souligne-t-elle. 

Une nouvelle loi

L’ancien directeur des enquêtes de la commission anticorruption (Icac), Roshi Bhadain, parle, pour sa part, d’un système dysfonctionnel qui ne prônerait plus la transparence à différentes étapes de l’allocation des contrats. Parmi ses recommandations, une nouvelle loi qui apportera plus de transparence. « Certains l’appellent Freedom of Information Act, d’autres Access to Information Act. D’autres encore demandent que les contrats publics soient déposés au Parlement », avance-t-il. 

Une révision des lois existantes est aussi suggérée par  l’ancien ministre de la Bonne gouvernance. « Nos lois n’ont pas évolué avec le temps. Par contre, les types de fraudes et les moyens pour contourner les lois ont, eux, bien évolué. Li koma dir voler in kone ki bizin fer, me seki may voler-la, li li pann evolie », déplore-t-il, tout en recommandant des délits beaucoup plus spécifiques sur le procurement fraud. 

L’apport de la technologie lors des différentes étapes permettra aussi, selon Roshi Bhadain, de résoudre bien de problèmes par rapport aux personnes qui sont impliquées dans l’élaboration des spécifications, l’exercice d’évaluation, etc. « La technologie serait donc une solution à la procurement fraud », estime-t-il. Et enfin, l’ancien directeur des enquêtes de l’Icac soutient que pour ce faire, il faut une bonne dose de bonne volonté de la part du gouvernement. 

 

 

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