Parmi les nombreux accidents de la route mortels survenus en 2023, une bonne partie était due à l’alcool au volant. Comment remédier à cette situation alarmante ? Deux avocats se penchent sur la question
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Alcool au volant :comment éviter la déroute ? 136 morts sur nos routes en 2023, dont plus d’une trentaine de jeunes de moins de 25 ans. La plupart des accidents mortels ont eu lieu entre 23 heures et six heures du matin, et l’alcool au volant en est l’une des principales causes. « Toute personne qui perd la vie dans un accident est un décès de trop, quel que soit son âge », affirme d’emblée Me Reena Ramdin. Elle évoque ces conducteurs qui prennent le volant sous l’effet de l’alcool, en infraction à la loi (voir encadré), et souligne que cela « refléterait sans doute la perception populaire qu’il y a moins de présence policière et de contrôles sur nos routes très tard dans la nuit ou aux petites heures ».
Selon elle, une autre perception est que certaines routes sont plus surveillées que d’autres, notamment les autoroutes. Par conséquent, certains conducteurs alcoolisés emprunteraient des chemins moins fréquentés pour éviter les contrôles. Ainsi, poursuit Me Reena Ramdin, le conducteur qui dépasse la limite d’alcool autorisée se dit d’abord qu’il échappera aux contrôles de police, et ensuite, à tort, qu’il maîtrise toujours ses facultés cognitives et visuelles ainsi que ses actions. Or, rappelle-t-elle, il est prouvé que l’alcool au volant réduit considérablement les réflexes et le temps de réaction du conducteur. De plus, cela entraîne des troubles de vision chez le conducteur qui devient plus sensible à la lumière qui l’éblouit, et qui évalue mal les distances, avec un impact direct sur la distance et le temps de freinage.
Il faut responsabiliser les conducteurs car on ne peut pas mettre en danger sa vie et celle des autres »
L’alcool au volant provoque également de la fatigue chez le conducteur qui ne peut plus faire preuve d’un jugement raisonnable, prudent et responsable, comme l’exige la loi. Face à ce constat, Me Ashley Ramdass estime que « des contrôles policiers plus fréquents, surtout la nuit, et des formations obligatoires pour sensibiliser les conducteurs sont nécessaires. La consommation de drogue par les jeunes conducteurs est également un problème, qui requiert des campagnes de prévention ». Les peines actuelles pour conduite en état d’ivresse sontelles suffisamment dissuasives ? Me Ashley Ramdass ne le pense pas. « La sévérité des peines actuelles n’a pas réussi à changer le comportement des conducteurs », dit-il. Me Reena Ramdin constate, elle aussi, que la loi, qui est « déjà sévère », « ne semble pas avoir d’effet dissuasif, au vu du nombre de contrevenants croissant ».
Le problème vient, selon elle, de la mentalité de ces conducteurs ivres qui font preuve d’une irresponsabilité flagrante et d’un mépris total des autres usagers de la route. Elle estime ainsi que le seul moyen de dissuader davantage les contrevenants, serait de renforcer les peines et d’accroître la présence policière et les contrôles sur nos routes, surtout aux petites heures, y compris sur les routes réputées être les moins fréquentées. « Cela devrait se faire de manière continue et non sporadique, comme nous le constatons. Pendant les fêtes, le contrôle est renforcé. Mais si pendant toute l’année, le contrôle est régulier, peut-être que cela aurait un effet dissuasif sur le long terme.
C’est certes un coût pour l’État mais c’est un coût nécessaire car il a un devoir de protection envers les usagers de la route », explique-t-elle. « Réintroduire le système de permis à points, préconisé par l’ancien gouvernement de Navin Ramgoolam, pourrait être judicieux », propose, lui, Me Ashley Ramdass. « Il faut responsabiliser les conducteurs car on ne peut pas mettre en danger sa vie et celle des autres. » Il préconise également l’installation de davantage de caméras sur les routes, comme c’est le cas notamment en Angleterre. Là-bas, dit-il, il y a des caméras partout.
À Maurice, une telle mesure permettrait de mieux contrôler les infractions routières et de lutter contre la corruption policière, fait-il valoir. « Le recours aux caméras devrait englober diverses infractions, pas seulement les excès de vitesse. Cela éviterait également que des conducteurs fautifs s’en sortent en soudoyant des policiers véreux. » En somme, pour lutter contre l’alcool au volant, l’avocate Reena Ramdin préconise un changement à plusieurs niveaux.
Il faudrait d’abord renforcer les peines si les statistiques montrent que celles existantes ne sont pas dissuasives. Il faudrait aussi, ajoute-t-elle, veiller au respect de la loi par des contrôles systématiques et continus tout au long de l’année. Ensuite, suggère-t-elle, les cours de justice devraient envoyer un signal fort, en usant de leur discrétion et en sanctionnant sévèrement les contrevenants. Enfin, elle propose de recourir aux médias pour créer des rubriques spécifiques qui mentionneraient non seulement les accidents, mais aussi les condamnations des contrevenants pour conduite en état d’ivresse et les peines infligées par le magistrat. Me Ashley Ramdass, quant à lui, estime que les autorités ne devraient pas se limiter à augmenter les peines.
« Il faut adopter une approche inclusive. Toutes les parties prenantes devraient participer à des discussions et à des actions concrètes pour améliorer la sécurité routière. Il faut qu’il y ait des consultations régulières. Il faut aussi installer des caméras de sécurité plus performantes, rétablir le permis à points et prévoir des dispositions légales contre la corruption sur nos routes. »
Ce que dit la loi
Depuis le 1er juin 2022, la limite légale d’alcoolémie prescrite est la suivante :
- 20 milligrammes (mg) d’alcool par 100 millilitres (ml) de sang ;
- 27 mg d’alcool par 100 ml d’urine ;
- 9 microgrammes d’alcool par 100 ml d’haleine.
Toute personne qui commet une infraction à cette disposition de la loi encourt, sur déclaration de culpabilité pour une première offense, une amende de Rs 20 000 à Rs 50 000 et une peine d’emprisonnement de 5 ans au plus. La loi prévoit aussi une suspension partielle du permis de conduire pour une période minimale de 12 mois. En cas de deuxième condamnation ou de toute autre condamnation ultérieure, le contrevenant encourt une amende de Rs 50 000 à Rs 75 000 et une peine d’emprisonnement de 12 mois au moins et de 8 ans au plus. La loi prévoit aussi une annulation et une suspension du permis de conduire pour une durée minimale de 24 mois.
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