Actualités

Affaire MedPoint: duel Ahmine/Montgomery la PoCA divise

Les débats devant la Cour suprême sur l’appel de Pravind Jugnauth de sa condamnation de 12 mois de prison pour conflit d’intérêts dans l’affaire MedPoint ont duré deux jours. L’avenir politique du leader du Mouvement socialiste militant est désormais suspendu à la décision du chef juge Kheshoe Parsad Matadeen et du juge Asraf Caunhye. Zoom sur les principaux points examinés.
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"8061","attributes":{"class":"media-image wp-image-14196","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"350","height":"526","alt":"Me Rashid Ahmine"}}]] Me Rashid Ahmine, Senior Assistant DPP.

<
Publicité
/div> Pravind Jugnauth avait approuvé, alors qu’il était ministre des Finances, le virement de Rs 144,7 millions, le 29 décembre 2010, pour le rachat par l’État de la clinique MedPoint dans laquelle sa sœur Shalini Malhotra est une des actionnaires. Il avait écopé d’une peine de 12 mois d’emprisonnement infligée par la Cour intermédiaire après qu’il eut refusé la proposition de travaux communautaires. Le leader du parti soleil avait été poursuivi par l’Independent Commission Against Corruption (Icac). L’appel de Pravind Jugnauth a été entendu devant le chef juge Kheshoe Parsad Matadeen et le juge Asraf Caunhye de la Cour suprême.

Intérêt de Pravind Jugnauth

Il a surtout été question de l’intérêt de Pravind Jugnauth lors des débats. Me Clare Montgomery, Queen’s Counsel et avocate du leader du Mouvement socialiste militant (MSM), a invité la Cour suprême à interpréter de façon restrictive le terme « interest » sous la Prevention of Corruption Act (PoCA). Elle a ajouté que Pravind Jugnauth n’avait aucun intérêt personnel dans la transaction de la clinique MedPoint. Quant à la sœur du leader du MSM, Me Clare Montgomery est d’avis qu’il ne suffit pas d’être actionnaire d’une compagnie pour obtenir un intérêt quelconque. L’avocate a précisé que l’Icac n’avait pu démontrer la nature de l’intérêt obtenu par Shalini Malhotra dans l’affaire MedPoint. Pour l’avocate britannique, l’affaire MedPoint ne tourne pas uniquement autour du virement des Rs 144,7 millions. « The decision is not merely about the reallocation of Rs 144,7 millions. There is absence of evidence relating to the financial benefits obtained by Pravind Jugnauth’s sister in relation to the acquisition of MedPoint clinic by the state. Icac had to prove that this transaction did bring gains ». Un argument que réfute Me Rashid Ahmine, Senior Assistant Director of Public Prosecutions (DPP). Il a plaidé pour une définition élargie du mot « interest » sous la PoCA. « Otherwise it would defeat the very purpose of the law », a-t-il fait ressortir.

L’Intention criminelle

L’intention criminelle de Pravind Jugnauth a occupé une place prépondérante tout au long des débats. C’est d’ailleurs avec cet argument que Me Clare Montgomery a démarré son « argumentation », le mardi 12 janvier. L’avocate britannique a avancé que l’intention criminelle de son client était un élément constitutif du délit de conflit d’intérêts sous la PoCA. Pour Me Clare Montgomery, la cour de première instance aurait dû considérer l’intention criminelle de Pravind Jugnauth car le contraire risque de provoquer un déni de justice avec la condamnation d’une personne « totalement » innocente.
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"8062","attributes":{"class":"media-image wp-image-14195","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"601","alt":"Raouf Gulbul et Clare Montgomery"}}]] Deux des avocats de Pravind Jugnauth, Me Raouf Gulbul et Clare Montgomery.

L’avocate britannique a soutenu ses arguments avec des jugements émanant d’autres juridictions du Commonwealth, dont le Canada et l’Australie. « All truly criminal cases require mens rea to be proved », a précisé l’avocate. Une position qui contraste avec le jugement de la cour intermédiaire qui avait condamné Pravind Jugnauth à 12 mois de prison. Les magistrats Azam Neerooa et Niroshini Ramsoondar avaient statué que l’intention criminelle de Pravind Jugnauth dans cette affaire était immatérielle car il s’agissait d’un délit de « strict liability ». Un argument qu’a repris Me Rashid Ahmine. Celui-ci a soutenu que le droit pénal mauricien trouvait ses sources, dans la plupart des cas, dans la doctrine française et que le délit de conflit d’intérêts est consommé même si aucun acte illicite n’est commis. Quant à l’intention criminelle associée au délit de conflit d’intérêts sous la PoCA, Me Rashid Ahmine a précisé qu’il n’y avait aucune obligation à la poursuite de prouver quoi que ce soit. « The offence is committed merely by taking part in any proceedings ».

Cabinet Memo 250

Le mystère du Cabinet Memo 250 de 2010 a refait surface au cours des débats devant la Cour suprême. Me Homanaaden Ponen, avocat de l’Icac, a affirmé que Pravind Jugnauth avait obtenu un procès équitable même si la commission anticorruption n’était pas en possession de ce document. Le Cabinet Memo 250 de 2010 avait été présenté au conseil des ministres, en mars 2010, par Rajesh Jeetah, alors ministre de la Santé du gouvernement de Navin Ramgoolam, et qui constitue la genèse de l’affaire MedPoint. C’est à travers ce document que la proposition pour la mise sur pied d’un hôpital gériatrique avait été faite au conseil des ministres. À cette époque, Pravind Jugnauth n’était pas membre du gouvernement, mais siégeait à l’Assemblée nationale comme député de l’opposition. L’absence du Cabinet Memo 250 a été incluse comme un des points d’appel du leader du MSM.
Or, Me Clare Montgomery estime que c’est un document important car il démontre que c’est le conseil des ministres qui avait déjà pris la décision d’acquérir la clinique MedPoint. D’où l’importance de « disclose » ce document à la défense. « I insist that the decision to buy MedPoint was already taken. Neither DPP nor Icac were able to dismiss what I have said. The memo is not a question about whether to pay or not to pay. It’s asking the Minister of Finance from where to source the fund. My learned friend has a big misunderstanding on disclosure ». Par ailleurs, Me Rashid Ahmine a soutenu que Pravind Jugnauth avait la possibilité de déléguer ses pouvoirs au secrétaire financier, mais qu’il ne l’avait pas fait. Il a d’autre part maintenu que la décision du leader du MSM d’approuver le virement des Rs 144,7 millions était plus qu’une simple procédure administrative, mais une étape importante qui a abouti au paiement de Rs 144,7 millions à MedPoint. « Appellant had many reasons to refuse what was asked of him », a ajouté Me Rashid Ahmine.

Les avocats de la défense, de la poursuite et de l’Icac

Pravind Jugnauth était représenté par un panel d’avocats composé de Mes Clare Montgomery (Queen’s Counsel), Désiré Basset (Senior Counsel), Ravin Chetty (Senior Counsel) et Raouf Gulbul. Le bureau du DPP était représenté par Mes Rashid Ahmine (Senior Assistant DPP), Denis Mootoo (Acting Assistant DPP), Vinod Ramaya (Senior State Counsel) et Medhaven Armoogum (Senior State Counsel). L’Icac était représentée par Mes Atish Roopchand, Homanaaden Ponen et Anissah Soobratty.

Cette abstention s’applique à tous les niveaux, selon le représentant du DPP. « La loi ne fait aucune distinction entre les étapes d’une transaction. Elle dispose qu’un officier public ne peut participer à une décision qui pourrait favoriser une certaine catégorie de gens. » Pour Me Rashid Ahmine, il s’agit d’une « prohibition absolue ». Me Clare Montgomery a expliqué que la décision d’acquérir la clinique MedPoint avait déjà été prise par le conseil des ministres et que le virement des Rs 144,7 millions n’était qu’une procédure administrative. « The signature of the applicant was only about the source of the funds. From which pocket the money would be paid from », a declaré l’avocate.

Décision administrative

L’avocate britannique a réaffirmé que le gouvernement avait une obligation contractuelle de payer les Rs 144,7 millions et que la signature de Pravind Jugnauth n’avait eu aucune incidence sur la décision de l’État d’acquérir la clinique MedPoint.  
   

Le risque du verdict

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"8063","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-14193","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1920","height":"1080","alt":"Cour supr\u00eame"}}]] Le jugement de la Cour suprême peut prendre deux mois ou plus dans le cas de Pravind Jugnauth, leader du Mouvement militant socialiste (MSM). Il doit encore patienter. Cette instance judiciaire a siégé pendant deux jours pour entendre son appel, où il conteste sa peine de 12 mois de prison que lui avait infligé la cour intermédiaire, le 16 juillet 2015. Il avait été reconnu coupable, le 30 juin 2015, pour conflit d’intérêts dans le sillage du rachat de la clinique MedPoint pour Rs 144,7 millions par l’État. Me Dhananjay Ramful explique les possibilités de jugements dans le cas de Pravind Jugnauth. L’homme de loi souligne que le leader du MSM peut voir sa peine maintenue ou il est acquitté ou la Cour suprême conclut à un « miscarriage of justice » dans son procès et ordonne un nouveau devant la cour intermédiaire comme c’est le cas du procès des 12 présumés pirates somaliens. Vu que Pravind Jugnauth a aussi contesté sa sentence, fait ressortir l’avocat, la cour peut également revoir la sentence, si elle considère que la peine infligée est excessive dans les circonstances. Tout en soulignant que selon l’article 13 de la Prevention of Corruption Act (PoCA), il est mentionné que si une personne est reconnue coupable, elle risque une peine n’excédant pas dix ans.  
   

S’il y a recours au Conseil privé

Si Pravind Jugnauth est condamné à une peine d’emprisonnement et qu’il décide de contester sa condamnation, il existe une procédure à respecter pour recourir au Comité judiciaire du Conseil privé de Londres. L’avoué Kaviraj Bokhoree s’explique. « Si la Cour suprême maintient la condamnation d’une personne en appel, celle-ci a 21 jours pour la contester. Cependant, si la personne écope d’une peine d’emprisonnement, au lendemain de son verdict, elle doit demander un gel de sa sentence et faire une demande pour retrouver la liberté conditionnelle. Car aussitôt que la sentence est prononcée, un « warrant of committment » est rédigé pour que cette personne purge sa peine dans les plus brefs délais ». Me Kaviraj Bokhoree évoque qu’entre-temps la personne doit faire une demande d’autorisation à la Cour suprême pour recourir au Comité judiciaire du Conseil privé de Londres pour contester sa condamnation. Dans le cas de Pravind Jugnauth, sa demande doit être servie au Directeur des poursuites publiques (DPP) et à l’Independent Commission Against Corruption (Icac). En outre, la demande est faite par voie d’affidavit. Il faut que les parties concernées répliquent aussi. Cela prend trois mois avant que la Cour suprême ne se prononce dans le cas de cette procédure, affirme l’avoué. Si cette personne obtient l’autorisation de la Cour suprême pour recourir au Comité judiciaire du Conseil privé de Londres, elle doit remplir, par la suite, des conditions émises par la cour. Primo, faire un dossier de son procès et secundo fournir une caution de Rs 150 000 au « Registry » de la Cour suprême. Puis il y a 90 jours pour que cette personne fasse une autre demande à la Cour suprême, qui est le « final leave ». Cette demande est une preuve qu’elle a respecté les conditions émises par la Cour suprême pour recourir au Comité judiciaire du Conseil privé de Londres.

Les frais

Pour recourir au Comité judiciaire du Conseil privé de Londres, le coût minimum est de Rs 1,5 million, dépendant du « Solicitor » qui est en charge du dossier en Angleterre, selon l’avoué. Me Kaviraj Bokhoree affirme que si c’est le cas de Pravind Jugnauth, s’il a recours à un avocat comme Me Clare Montgomery, Queen’s Counsel, le coût peut être Rs 25 millions ou plus. Si la Cour suprême accorde à cette personne le « final leave », le dossier doit être ensuite enregistré au Comité judiciaire du Conseil privé. Puis on lui fera savoir à quelle date son procès sera entendu. Me Kaviraj Bokhoree évoque que dans le cas d’un de ses clients, il a dû attendre un an avant que le procès en appel de son client ne soit entendu devant le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres. Dans le cas de Pravind Jugnauth, dit l’avoué, il faudra que ses avocats évoquent l’urgence du procès. Mais là aussi, soutient-il, ce ne sera pas avant six mois que le procès va être entendu. Il existe un deuxième cas de figure : si la personne ne veut pas demander une autorisation à la Cour suprême pour recourir au Conseil privé, elle peut avoir une assistance « directement » au Conseil privé en réclamant un « special leave » devant le Committee de cette instance judiciaire. Pour cela, elle peut obtenir un délai de 56 jours, y compris les 21 jours. Si Pravind Jugnauth bénéficie d’un verdict d’acquittement et que si le DPP décide de donner avis d’appel, la procédure est la même pour contester le jugement au Conseil.
Related Article
 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !