Dans un contexte où l’accessibilité aux contenus en ligne s’intensifie, l’organisation NAFCO Mauritius révèle dans une enquête détaillée accompagnée d’un plan d’action, fin janvier, que la situation concernant les abus en ligne à Maurice est « accablante ».
Publicité
Ce document, intitulé « Action Plan on the Online Safety of the Youth », met en lumière les risques liés aux contenus pornographiques, au partage non consenti d’images explicites et à l’exploitation des mineurs sur les réseaux sociaux. Il propose une série de mesures destinées aux autorités mauriciennes afin de mieux encadrer et prévenir ces dérives.
Selon le rapport, la prolifération des contenus explicites en ligne, notamment sur des plateformes telles que Telegram, Discord et Reddit, constitue une menace croissante pour la jeunesse mauricienne. Une enquête menée par NAFCO auprès de jeunes âgés de 18 à 20 ans révèle des résultats préoccupants : plus de 60 % des femmes interrogées affirment avoir reçu des contenus explicites de manière non consentie avant leur majorité, tandis que 97 % d’entre elles considèrent que la consommation de pornographie mène à des formes d’exploitation plus extrêmes, notamment la pédocriminalité.
L’étude met également en avant l’impact des plateformes numériques dans la propagation de contenus intimes sans consentement. Le rapport évoque notamment l’« Affaire Telegram » de 2021, qui avait révélé l’existence de groupes où des centaines d’hommes mauriciens partageaient des photos et vidéos de femmes et d’adolescentes mauriciennes illégalement. Près de quatre ans plus tard, les enquêtes sur ces faits sont toujours en cours, et aucun cadre législatif renforcé n’a été adopté pour prévenir de tels abus, constate NAFCO.
Le rapport souligne les répercussions négatives de ces phénomènes sur les jeunes, tant sur les plans psychologique et social. L’exposition précoce aux contenus pornographiques pourrait encourager des comportements déviants et une hypersexualisation préjudiciable, en particulier chez les garçons. Une partie des répondants masculins admettent d’ailleurs être dépendants à la pornographie, illustrant ainsi un phénomène d’addiction numérique qui tend à normaliser la consommation de contenus explicites et à altérer la perception des relations interpersonnelles. « La consommation excessive de contenus pornographiques conduit inévitablement à des désirs pornographiques plus extrêmes et pervers. Cela inclut, mais ne se limite pas, aux abus sexuels en ligne sur les enfants, à l’inceste et au viol », indique le rapport, soulignant les risques d’escalade liés à la consommation de ces contenus.
Par ailleurs, les victimes de partage non consenti de contenus intimes subissent de lourdes conséquences psychologiques, pouvant aller jusqu’au suicide. Plusieurs témoignages recueillis dans l’étude reflètent un profond malaise et un sentiment d’impuissance face à l’absence de mesures concrètes pour endiguer ces pratiques.
Un cadre juridique jugé insuffisant
NAFCO Mauritius insiste sur l’urgence de renforcer le cadre législatif existant afin de mieux protéger les jeunes contre les abus en ligne. Parmi les recommandations formulées figurent des amendements à la Children’s Act 2020 pour alourdir les peines en cas de diffusion illégale de contenus impliquant des mineurs, ainsi qu’une reconnaissance explicite de la protection contre les abus en ligne dans la Constitution mauricienne.
Le rapport propose également la mise en place d’une Commission d’enquête présidentielle afin d’évaluer la capacité de la police à traiter les affaires de cybercriminalité et d’abus sexuels en ligne. Plusieurs témoignages recueillis par NAFCO pointent une culture du victim-blaming et un manque de formation des forces de l’ordre sur ces problématiques. Une réforme en profondeur des procédures d’enquête est ainsi jugée nécessaire pour garantir un suivi plus rigoureux des cas signalés.
Outre le volet répressif, NAFCO insiste sur la nécessité d’une approche éducative pour prévenir les risques liés à l’exposition aux contenus en ligne. L’organisation propose d’intégrer dans les programmes scolaires des cours dédiés à la sensibilisation aux dangers du numérique et à l’éducation sexuelle adaptée aux réalités contemporaines.
Par ailleurs, le rapport met en avant l’importance d’un encadrement technologique plus strict. Il suggère notamment la création d’un Online Safety Commissioner, inspiré du modèle australien, chargé de surveiller les contenus en ligne et d’intervenir en cas de dérives. L’introduction d’outils de filtrage basés sur l’intelligence artificielle, à l’image du Project Arachnid développé au Canada, pourrait également être une solution pour détecter et supprimer les contenus illicites de manière plus efficace.
Une mobilisation nécessaire de l’ensemble des acteurs
NAFCO Mauritius appelle à une mobilisation collective des autorités, des acteurs du numérique et de la société civile pour faire face à ces enjeux. L’organisation recommande notamment une coopération renforcée entre les ministères de l’Éducation, de la Jeunesse, des Technologies de l’Information et de l’Égalité des genres afin d’adopter une stratégie nationale cohérente pour la protection des jeunes en ligne.
Le rapport insiste enfin sur l’importance de briser le tabou entourant ces problématiques et de favoriser une prise de conscience à l’échelle nationale. Pour NAFCO, l’objectif est clair : faire de la sécurité numérique une priorité afin de garantir un environnement en ligne plus sûr pour les jeunes générations.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !