Le sentiment de solitude, d’isolement, d’abandon est difficile à supporter pour les personnes âgées, qui se sentent souvent inutiles, improductives. Comment changer ce triste quotidien de nos aînés ? Un peu d’attention suffit souvent à faire revenir le sourire.
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Le phénomène ne cesse de grandir. En raison du vieillissement de la population et de l’évolution des moeurs. De plus en plus de vieilles personnes vivent dans des conditions précaires, isolées du monde. Ce sentiment de solitude les pousse à s’enfermer davantage. Divers facteurs expliquent cette situation.
La solitude est principalement causée par le décès d’un conjoint, des enfants qui abandonnent leurs parents et l’éloignement des proches. Les cas de maltraitance envers les personnes âgées ne cessent aussi de croître. Plus facile, hélas, de s’en prendre à eux et de dépouiller des vieux, faibles, diminués, incapables de se défendre. Comment briser ce cercle vicieux?
Marie E., 79 ans : « Il n’y a personne à nos côtés »
Marie et sa sœur - qui est muette - louent une maison à Terre-Rouge. Elles font face à de nombreux problèmes avec leur propriétaire. « Nous sommes seules face à notre propriétaire.
Il nous mine l’existence, nous fait plein de méchancetés. Il nous enferme dans la maison et nous maltraite pour un rien. Nous ne pouvons rien faire », déplore Marie, âgée de 79 ans.
Elle raconte que leur loyer a grimpé en flèche sans aucune raison. « Notre propriétaire est venu un jour nous dire que le loyer allait augmenter. Il est passé de Rs 3 000 à Rs 8 000.
Nous n’avons pas cet argent. Nous recevons certes une pension, mais nous devons subvenir à nos besoins. Quand nous avons refusé de payer, il nous a servi une mise en demeure pour nous demander de partir », dit-elle tristement. Marie regrette que les autorités ne leur viennent jamais en aide. « Nous sommes allées plusieurs fois au poste de police pour porter plainte contre cet individu. Rien n’a été fait. Les agents ne sont jamais venus nous aider », explique la vieille dame.
C’est ainsi que Marie et sa petite sœur de 72 ans se sentent de plus en plus dépressives. « Nous ne sortons plus. D’ailleurs, quand nous le faisons, les gens nous ignorent. Nous avons toujours l’impression de déranger les autres. Nous sommes seules contre tous. Nous tentons tant bien que mal de nous en sortir », dit-elle très amère.
Raffick. A., 72 ans : « Il m’arrive d’avoir envie de rejoindre mon épouse »
Raffick vit seul dans sa demeure à Terre rouge. « Mon épouse est morte l’an dernier. Cette fête des mères, c’est encore une journée que je passe seul. Je ne vois que rarement mes enfants. J’aimerais avoir de leurs nouvelles plus souvent, du moins par téléphone. La plupart de mes amis sont partis », souligne le vieil homme.
Ce père de deux enfants avoue qu’il passe ses journées seul à la maison. « Mon voisin me rend visite de temps à autre. C’est la seule visite que je reçois. Quand il part, je me retrouve de nouveau seul », confie-t-il.
Raffick explique qu’il n’a plus goût à rien. « Mon voisin me fait souvent à manger. À quoi bon ! Je n’ai personne avec qui partager mes repas, mais le médecin m’a dit qu’il fallait que je m’alimente un peu plus. Parfois, je me laisse aller. Je souhaite rejoindre mon épouse », dit-il tristement. Ses seuls compagnons : la télévision ou la radio. Pour faire passer le temps, il regarde les informations et par la suite s’offre une sieste. « Dormir, c’est le meilleur moyen de faire passer le temps.
Quand je dors, je ne m’ennuie pas, je ne pense pas, je n’ai pas mal et j’ai l’esprit tranquille. Parfois, je souhaite que ce soit la dernière fois que je m’endors », soupire Raffick. « Mes enfants ne sont pas assez reconnaissants.
Cela me brise le cœur de vivre seul. Mon épouse et moi avions tout le temps été présents pour eux. Il leur est difficile de nous rendre ce que nous leur avons donné. Ils sont beaucoup trop occupés, les pauvres.» La nuit, c’est le moment le plus dur à vivre pour une personne isolée. « J’ai envie de rester couché pour oublier que je vis seul. En même temps, j’appréhende de ne pas dormir, de me réveiller en pleine nuit, de penser à ma femme, de toutes ces choses qui me rendent triste. Je pleure souvent la nuit, puis je m’endors, épuisé.
Pour moi, demain ne sera pas un autre jour. Il sera le même qu’aujourd’hui », conclut-il amèrement.
Devika Pabaroo : « Elles sont comme nos enfants »
« Quand ces personnes âgées arrivent dans les maisons de retraite, elles sont souvent tristes. Nous faisons tout pour les aider à surmonter cette tristesse », explique Devika Pabaroo, responsable de la Nightingale Home Nursing de Curepipe. Elle dit constater que ces personnes « ont souvent le moral à zéro ». Elles sont souvent tristes et n’ont plus le moral, arrivées à ce grand âge. « La plupart du temps, elles restent dans un coin et ne veulent pas communiquer avec les infirmières ou les autres membres de la maison », déplore-t-elle.
Devika Pabaroo reste toutefois persuadée que, dans certaines circonstances, c’est la meilleure des choses que de placer un proche âgé en maison de retraite. « Quand elles sont retirées de leur famille, ces personnes deviennent parfois tristes ou même agressives. Elles perdent, par moment, un peu la tête. Je trouve qu’il vaut mieux placer une vieille personne dans un home que de la maltraiter à la maison. »
Selon son constat, quand ces personnes arrivent en maison de retraite, c’est souvent parce que les membres de la famille n’arrivent plus ou ne veulent plus leur accorder toute l’attention voulue, pris par leur travail ou d’autres occupations.
Devika Pabaroo souligne que sa maison de retraite peut accueillir une dizaine de personnes, âgées de 90 ans ou plus. Elles sont pour la plupart alitées et fortement affaiblies. « Nous donnons de notre amour et de notre affection, ce qui est primordial à cet âge. Nous tentons de leur accorder le plus d’attention possible, afin qu’elles retrouvent le sourire. Elles sont comme nos enfants.’»
Dr S. Heeramun, psychothérapeute : « Un manque d’encadrement pour les personnes âgées »
La solitude est un problème grave auquel les personnes âgées sont confrontées au quotidien. Le Dr Samcoomar Heeramun, psychothérapeute, en explique les causes. « Les personnes âgées sont trop souvent rejetées par la société ou des membres de leur famille. Cela est dû auvieillissement de la personne (non productive économiquement), mais aussi et surtout par un changement des mentalités, des habitudes au quotidien. »
Selon le psychothérapeute, la solitude est un problème très sérieux chez les seniors. « Le sentiment de solitude chez les personnes âgées ne doit pas être pris à la légère, car il est lourd de conséquences. Par exemple, une personne âgée qui se sent seule perd son autonomie et craint de devenir un fardeau pour les autres. Elle aura des difficultés à communiquer et développera un trouble du langage.
Bien qu’elle soient entourée au quotidien, ce sentiment d’isolement revient principalement les jours de festivité : Noël, Nouvel An, fête des Mères, etc. Cela accentue le sentiment d’isolement. C’est un fait : il y a un manque d’encadrement des personnes âgées à Maurice.» Les conséquences de cet état de choses : « L’isolement mène souvent à la dépression, aux troubles du sommeil et, dans certains cas, à des pensées suicidaires », déplore-t-il.
La solution serait que les membres de la famille soient davantage présents auprès de leurs aînés. Surtout, qu’ils portent attention aux signes montrant une détérioration du bien-être mental des seniors. « La meilleure chose à faire : rendre visite à la personne le plus souvent possible, prendre régulièrement contact et l’encourager au téléphone. La personne âgée doit être rassurée de pouvoir joindre quelqu’un facilement », conclut-il
Les chiffres : estimation de la population à Maurice selon le groupe d’âge et le sexe, au 1 er juillet 2016
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Vijay Naraidoo de DIS-MOI : « Une convention internationale sur les droits des personnes âgées »
Les membres de l’ONG Droits Humains Océan Indien (DIS-MOI) ont démarré une campagne de sensibilisation d’un an sur l’importance d’une convention des droits des personnes âgées. Vijay Naraidoo, secrétaire-général et président de la Commission des Droits des Personnes Agées de DIS-MOI, explique cette initiative.
« Nous voulons défendre les droits de nos aînés, pour leur offrir une bonne qualité de vie. L’objectif est de mettre l’accent sur des soins médicaux appropriés, la protection contre d’éventuels abus physiques, psychologiques, économiques, commis par d’autres personnes : enfants, proches, voisins, employeurs. En 2030, un quart de la population mauricienne aura plus de 60 ans. Ce taux ne cessera alors d’augmenter. La défense de leurs droits devient primordiale », dit-il.
La campagne de DIS-MOI a démarré le 27 août 2016. « Nous participerons à la mouvance mondiale avec Help Age International et l’Alliance mondiale en faveur d’une convention sur les droits des personnes âgées. »
« En parallèle, nous voulons sensibiliser les Mauriciens à la problématique du vieillissement de la population et vulgariser le concept des droits des seniors. Cela se fait au niveau des collèges, des Associations de personnes âgées, à travers les médias. Les personnes âgées font partie des catégories vulnérables de la société. C’est notre responsabilité de défendre leurs droits, et de militer pour une société inclusive et solidaire. Les personnes âgées ont des droits comme tout le monde, pas plus, pas moins. »
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