Le policier Moonsamy Govind Bassana-Reddi a réceptionné des colis contenant de la drogue à au moins cinq reprises, sans se faire coincer. Cet élément d’information a été obtenu par les Casernes centrales, en cette fin de semaine.
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À chaque fois, le même modus-operandi a été suivi pour faire sortir la drogue de l’aéroport. Or, dans la soirée du lundi 12 juin, la 6e transaction n’a pas porté chance au constable Moonsamy Govind Bassana-Reddi.
Après avoir récupéré le colis d’un kilo d’héroïne dans les toilettes, le constable s’est fait épingler par ses collègues de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (Adsu), à l’aéroport. Les limiers ont pu convaincre l’habitant de Rose-Belle, affecté au Passport & Immigration Office (PIO), de collaborer avec eux en effectuant la livraison de l’héroïne, valant Rs 15 M.
La drogue aurait été dissimulée dans les toilettes par un Malgache de 42 ans. À l’issue de la découverte du pot-aux-roses, une opération de « controlled delivery » a été mise sur pied et le constable a alors fait part de son intention de collaborer « Du jamais vu ». C’est ainsi que les limiers de l’Adsu de l’aéroport qualifient cette opération. « On aurait pu y laisser la vie », confie une source ayant participé à l’opération, visant à mettre la main sur les contacts locaux de Bassana-Reddi.
À sa sortie, les contacts locaux présumés patientaient sur une motocyclette sur l’aire de stationnement de l’aéroport de Plaisance. Repérés par les limiers de l’Adsu qui avaient déjà encerclé le périmètre, les suspects ont cependant pu prendre la fuite.
Course-poursuite
S’en est suivie une course-poursuite. Une voiture banalisée, à bord de laquelle circulaient des policiers sous couverture, a pris en chasse la motocyclette, dès qu’elle a quitté l’aire de stationnement de l’aéroport. La route glissante et la visibilité réduite n’ont pas facilité la tâche des officiers de l’Adsu.
« On n’est pas sûrs qu’il s’agissait d’un bolide de couleur grenat », nous a dit un des officiers. À un certain moment, une voiture, de la marque Ford, a effectué plusieurs queues-de-poisson, lors de cette « hot pursuit ».
Les véhicules de l’Adsu ont parcouru l’autoroute M1, en direction de Plaine-Magnien, maintenant dans leur champ de vision la motocyclette.
« Motosyklet la ti pe roul laho 150 km/h », explique une de nos sources. La chasse s’est poursuivie et l’Adsu a eu fort à faire quand une voiture et un tout-terrain ont fait office de bouclier pour faciliter la fuite du motard. C’est aux feux de signalisation à Plaine-Magnien que les suspects ont constaté la présence des limiers de l’Adsu.
Le tout-terrain, une Rover, a gêné la course d’une voiture de l’Adsu qui a été contrainte de se diriger vers la rambarde, sur l’autoroute, alors que le passage a brusquement été bloqué.
Les limiers de l’Adsu ont alors compris le stratège des suspects. Ils ont poursuivi la motocyclette et le tout-terrain pendant une dizaine de minutes. « À ce moment-là, on roulait à une grande vitesse. Le compteur indiquait à un moment les 240 km/h », dit-il.
Tonneaux
Nos interlocuteurs au sein de la brigade anti-drogue soulignent qu’ils ont eu la chance d’avoir en leur possession un tel véhicule : « Si ti enn lott masin, ti pu ena tono ». Les limiers de l’Adsu ne digèrent pas cet échec. « Nous avons tenté de percuter la motocyclette, mais nous avons jugé qu’il y aurait eu trop de dégâts », expliquent nos sources.
Durant la semaine écoulée, les limiers de l’Adsu ont visionné les enregistrements de certaines caméras CCTV du parcours entrepris. Les enregistrements des images des caméras à l’aéroport sont également passés au crible, tout comme celles installées sur des stations d’essence sur le trajet de la course-poursuite. Ce qui ressort jusqu’ici, c’est que le pilote et le passager à moto portaient des casques intégraux.
Le père du constable : «La vérité triomphera»
C’est un homme bouleversé et pressé de partir que nous avons rencontré à Madame Lolo, Rose-Belle. Le père du policier Moonsamy Govind Bassana-Reddi s’est confié au Défi-Plus. Gassen Bassana-Reddi clame l’innocence de son fils.
S’il ne pipe mot sur ce récent événement, il lâchera, par contre, cela avant de partir : « Je vous parlerais plus tard, la famille est choquée par cette affaire. La vérité triomphera. »
La demeure de la famille Bassana-Reddi impressionne dans ce quartier. Une immense cour bien entretenue et clôturée en pierres taillées et c’est là que le frère du policier s’adonne à son business - la location de voitures. À l’intérieur, des 4x4 Mitsubishi et Hyundai ainsi que des voitures de la marque Chevrolet peuvent être aperçues.
Si un panneau d’inscription du business est érigé à l’entrée, une caméra de surveillance avec vue sur la ruelle ne passe pas inaperçue. La maison du policier est toujours en construction avec l’ajout d’un étage. Ceux qui ont côtoyé le policier Bassana-Reddi au Passport & Immigration Office (PIO) à Port-Louis le décrivent comme un agent appliqué. « Il aimait son travail. Il connaissait le département de l’Immigration au bout de ses doigts avec ses dix ans de service », relate un de ses collègues.
Le policier aimait effectuer des heures supplémentaires à l’Immigration de l’aéroport. « Certains jours, il allait remplacer et il aimait travailler le week-end à Plaisance. Nous nous disions que le département de l’aéroport est plus proche de chez lui et sa femme travaille également dans l’enceinte de l’aéroport. »
D’autres évoquent même son train de vie : « Ces derniers temps, il venait au travail dans des berlines, notamment des Mercedes et des BMW. L’enquête est en cours, à lui de prouver son innocence. S’il est impliqué, il savait ce qu’il risquait. »
Dans son entourage à la rue Madame Lolo, on est catégorique : Govind Bassana-Reddi a été piégé. Selon ses voisins, il est très connu et apprécié dans le village. « Avez-vous déjà entendu qu’un habitant de Madame Lolo a été arrêté pour du gandia ou de l’héroïne ? Cette triste nouvelle nous a affectés. Il a été piégé. Pour nous, il est innocent », déclare l’un des voisins.
À dix mètres plus loin, trois retraités évoquent cette affaire qui les « secouent ». Selon eux, le fils de Gassen est très respecté. « Il n’est pas impliqué dans cette affaire. Reddi passe ses moments libres avec nous, à jouer aux dominos. »
Ils expliquent que plusieurs faussetés sont dites sur le policier. « Nos interrogations sont celles-ci : comment les deux motocyclistes ont pris la fuite dès que l’opération a débuté ? Qui les a avertis ? Y a-t-il une taupe à l’aéroport ? Nous sommes convaincus que Reddi a été piégé. »
Contrôle renforcé à l’aéroport
La sécurité au sein de l’aéroport Sir Seewoosagur Ramgoolam sera renforcée après la saisie de l,2 kg d’héroïne dans le hall d’arrivée. Cette mesure intervient du fait que certaines des sorties et accès au bâtiment principal de l’aéroport ne sont connus que de certains officiers. Ces espaces ne sont pas couverts par les CCTV. Et, s’ils le sont, ces officiers peuvent manipuler les images des caméras.
Un responsable au sein d’Airports of Mauritius Ltd (AML) indique que le contrôle sera renforcé. « Tous les officiers seront systématiquement et strictement contrôlés après que l’officier du PIO, Moonsamy Govind Bassana-Reddy, a été pris la main dans le sac de réceptionner 1,2 kg d’héroïne dans les toilettes », indique-t-il. Ce dernier affirme aussi qu’il y aura l’installation de caméras additionnelles et que d’autres mesures s’ensuivront.
Une des options envisagées après ce qui vient de se passer est la construction de toilettes afin que les passagers qui sont en transit puissent les utiliser. Ce sera un moyen d’éviter que ces passagers en transit n’entrent en contact avec des Mauriciens, affirme-t-il. « Mais il faut admettre que, même si on met en place toutes sortes de systèmes, les trafiquants trouveront toujours d’autres astuces pour contourner les autorités afin de faire la drogue entrer sur le sol mauricien », soupire-t-il.
En mai 2013, les limiers de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) avaient saisi 4 kg d’héroïne sur le vol MK 289 en provenance de Madagascar. C’est après que les 198 passagers et 12 membres de l’équipage soient descendus que les douaniers, en compagnie de policiers, ont entrepris une fouille. Les officiers avaient trouvé six sachets contenant de l’héroïne dans des poubelles des toilettes de l’avion de la compagnie nationale d’aviation. Cette drogue était estimée à Rs 60 millions. La même formule avait été utilisée dans la nuit du 30 janvier vers 21h45. Il n’y avait aucun passager dans la salle d’immigration et aucun comptoir n’était en opération.
Pourtant, 587,44 grammes d’héroïne, évalués à Rs 8 millions, avaient été découverts dans un sac en plastique, toujours dans les toilettes de l’appareil. C’est pourquoi ceux préposés au nettoyage des avions à l’aéroport seront soumis à des contrôles, car ils utiliseraient des aspirateurs pour faire sortir la drogue, indique cette source. « On ne peut savoir si ces personnes sont les complices des trafiquants. Rien ne sera laissé au hasard. On ne veut pas qu’il y ait d’autres cas similaires », souligne notre source.
Outre AML, il y a le National Airport Security Office (Naso) qui est responsable de la sécurité au sein de l’aéroport. Il est sous la tutelle du Bureau du Premier ministre (PMO) . Cette unité devra, elle aussi, revoir tout l’aspect de la sécurité du Naso.
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