Quand quelqu’un devient accro à la drogue, l’impact sur les autres membres de la famille est indéniable. Cela laisse parfois des cicatrices indélébiles sur les relations interpersonnelles. Témoignages de proches ébranlés par ce fléau.
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Il n’y a pas que le corps qui souffre des effets de la dépendance à l’alcool, aux drogues ou aux médicaments. Il y a aussi les proches de la personne dépendante. En effet, qu’il s’agisse de notre conjoint, de notre famille, nos amis ou collègues, la dépendance aux drogues ou aux autres substances chimiques peut avoir des effets néfastes sur nos relations professionnelles et personnelles
Culpabilité
Dans certains cas, les personnes qui entourent un proche toxicomane ont le sentiment qu’elles ont une part de responsabilité dans le développement de l’addiction et ressentent de la culpabilité. C’est le cas de Marie-Christine, 27 ans, dont le conjoint est dépendant depuis quelques années. « Au début de notre rencontre, je savais que mon conjoint se droguait car il ne me l’avait pas caché. Je lui ai dit tout ce que j’en pensais même s’il ne le faisait pas devant moi ni quand il venait me retrouver. Quand nous sommes allés vivre ensemble, je n’appréciais pas qu’il le fasse même en dehors. Malgré cela, je l’aimais beaucoup. C’est quelqu’un de bien », raconte-t-elle. Après quelque temps, elle commence à se remettre sérieusement en question dans la manière dont elle s’est comportée envers son conjoint. Elle constate qu’elle souffre autant que lui de cette dépendance. « Je me rends compte que le fait de lui en parler n’a rien changé. Je sais que j’aurais dû agir, faire plus. Je n’ai pas su comment lui venir en aide. C’est très lourd à gérer. »
Cette douleur, Kaliani R. la ressent aussi. Son fils, qu’elle appelle affectueusement Moune, se shoote à la drogue dure depuis trois ans. Elle estime que c’est de sa faute.
« Après la mort de mon époux, il était très affecté d’autant que nous nous sommes retrouvés seuls. Il sortait beaucoup et parfois, il ne rentrait pas. Je ne soupçonnais pas qu’il puisse se droguer, je voyais qu’il fréquentait des gens bizarres mais je ne l’en ai pas empêché, dit-elle tristement. En voulant être une bonne mère, j’ai tout fait de travers. Je ne voulais pas que mon fils me repousse si j’essayais de mettre de l’ordre dans sa vie. Je savais qu’il ne lui restait personne à part moi. J’ai manqué d’autorité et je le regrette. »
Épuisement
Tout comme Marie-Christine et Kaliani, Jenny porte ce fardeau émotionnel depuis quelques années. Essayer d’aider une personne qui souffre de dépendance n’est pas une mince affaire. La culpabilité l’a aussi rongée pendant un moment avant que l’épuisement ne la rattrape. « Je m’occupe du fils de ma sœur depuis qu’il est tout petit et comme s’il était mon enfant. Sa mère est décédée d’un cancer et son père est parti refaire sa vie. La nouvelle qu’il fumait du gandia a eu l’effet d’une bombe sur la famille. Je me suis dit que quelque part, j’avais failli à ma responsabilité de veiller sur lui », regrette-t-elle. Peu à peu Jenny a sombré dans la dépression. « J’ai essayé par tous les moyens de l’aider à s’en sortir. Je me suis oubliée, j’ai mis mes projets de côté mais avec le temps, je me suis épuisée physiquement et psychologiquement », confie la tante.
Éclatement de la cellule familiale
Le comportement et l’attitude de la personne qui est sous l’emprise de médicaments, de la drogue ou de l’alcool, peuvent nuire considérablement à la qualité de ses rapports avec autrui. Rajen ne reconnaissait pas son fils quand il était sous l’emprise des drogues car il était désagréable. Au début, il a tout fait pour venir en aide à son fils. Puis, il a fini par laisser tomber. Il raconte. « J’ai d’abord essayé de lui parler avant de l’emmener dans un centre. Après quelque temps, je devais presque l’y traîner de force. On se disputait de plus en plus. Notre famille ne voulait pas le rejeter, mais ce n’était pas si facile », souligne Rajen.
Les proches étaient las de sa façon d’agir. Il ne voulait pas se prendre en main. « Il ne voulait pas guérir de sa dépendance. Il lançait des paroles blessantes, il était agressif. Il volait, il mentait, il se comportait mal envers sa mère et ses sœurs. Un jour, je l’ai chassé de la maison. Je le regrette mais j’avais deux autres enfants qui étudiaient et qui avaient besoin d’une famille stable », explique ce père de famille.
Bien qu’elles comprennent les raisons de leur père, Anu et Diya ne l’acceptent pas. En colère contre leur père, elles finissent par quitter le toit familial après quelques mois. Actuellement, elles sont en bons termes seulement avec leur mère et tentent de retrouver leur frère.
Rapprochement
Chez les Dookit, c’est tout le contraire qui s’est produit. Dans cette famille de quatre enfants, le malheur les a rendus plus solidaires. L’aîné raconte : « Notre petit frère s’est laissé tenter par ce fléau, il y a tout juste un an. Bien que nous étions tous en colère et déçus par lui, nous avons décidé de le sortir de cette impasse. Je dois dire que cela nous a vraiment rapprochés. Non seulement avec lui, mais aussi le reste de la famille. Notre petit frère avait beaucoup de volonté car sans cela, il serait peut-être encore dans la dépendance », précise-t-il. Pour ce grand frère, Il faut toujours garder espoir. « Il y a des familles qui essayent d’encadrer et d’aider un proche toxicomane. Le sevrage est long et difficile, mais il y a toujours un espoir. Il ne faut surtout pas abandonner mais continuer à entourer la personne malade. »
Témoignage
Adrien, 32 ans : «Ils souffrent par ma faute»
Adrien est conscient que sa dépendance aux drogues nuit à sa famille. Toutefois, c’est plus fort que lui. Il s’explique. « Je n’aurais pas de cœur si je disais que je ne sais pas que mon attitude blesse profondément mes parents. Je n’ai rien contre eux. Je ne le fais pas pour les ennuyer ou même leur faire du mal. J’ai essayé plusieurs fois de m’en sortir. Cela fait trois fois que je replonge dans mon addiction. »
Pour éviter à sa famille de souffrir Adrien a quitté le toit familial. « Je suis parti de chez mes parents, il y a deux ans. Je vais les voir aussi souvent que possible, mais j’essaye de faire comme si j’allais bien. Je sais qu’ils souffrent par ma faute et je ne veux pas les faire souffrir davantage. Ils sont vieux. Je regrette tout cela. »
Imran Dhannoo, responsable du Centre Idrice Goomany : «Le système familial est perturbé»
Vivre avec un toxicomane: quelles sont les répercussions sur la famille ?
Un toxicomane est quelqu’un qui dépend physiquement et psychologiquement d’une substance. Le premier impact sur la famille quand elle découvre la dépendance d’un des membres de la famille, c’est le choc. Dans certains cas, les proches passent parfois dans une phase de déni, ils refusent d’accepter cette réalité. Il y a souvent aussi les étapes de la colère, de l’incompréhension et de l’angoisse. Certaines familles rejettent parfois la personne dépendante. Bien sûr, il y a aussi l’énorme souffrance émotionnelle des proches. Certains ressentent même de la honte vis-à- vis de la société. Ils se sentent stigmatisés et se recroquevillent sur eux-mêmes.
Ces proches ont eux aussi besoin de l’aide d’un professionnel ?
Oui, définitivement car le système de la famille est très perturbé voire déstabilisé. Les relations sont modifiées de façon négative et parfois, les proches ne savent pas comment réagir. Certains n’ont jamais vécu cette expérience.
Comment soutenir ces proches ?
Il faut les guider et les accompagner mais aussi les informer. Il ne faut pas oublier que la famille joue un rôle important dans le processus de sortie de la dépendance. Elle devra à son tour accompagner et soutenir le dépendant. Il y a plusieurs séances de rencontres et de face-à-face pour aborder ce sujet.
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