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Son fils autiste exclu, Jessica Auguste bâtit une école d’espoir 

Cette photo prise à la Butterfly Pre-Primary School illustre l’environnement inclusif prôné par Jessica Auguste.
  • « Mon fils m’a appris à être une meilleure personne »

Rejeté par le système scolaire traditionnel en raison de son autisme, Lucas, 12 ans, a inspiré sa mère, Jessica Auguste, à créer un lieu où chaque enfant, quel que soit son parcours, trouve sa place. À travers la Butterfly Pre-Primary School, elle transforme les refus en espoir, offrant une éducation inclusive à ceux que l’on oublie trop souvent. 

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Chaque 2 avril, le monde entier se pare de bleu pour célébrer la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Une occasion de rendre hommage aux enfants et adultes autistes, mais aussi de mettre en lumière les défis auxquels ils sont confrontés dans un monde qui, bien trop souvent, les rejette quand il ne les ignore pas. 

À Maurice, cette date prend une résonance particulière, alors que le nombre d’enfants diagnostiqués continue d’augmenter. Pourtant, trop de questions restent sans réponse et les obstacles à leur inclusion, notamment dans le système scolaire, sont encore trop nombreux. Parmi ceux qui se battent pour changer la donne, il y a Jessica Auguste. 

Son histoire est à la fois poignante et inspirante. Elle n’est pas simplement une mère : c’est une visionnaire. Mère dévouée de Lucas, 12 ans, diagnostiqué autiste, et d’une fillette neurotypique (terme utilisé dans le milieu autistique pour désigner une personne qui n’est pas autiste et qui n’a pas de troubles neurodéveloppementaux ; NdlR) âgée de six ans, elle a transformé sa douleur et ses épreuves en un projet de vie : l’école Butterfly Pre-Primary où l’amour, l’acceptation et l’inclusion sont au cœur du programme. Elle a fondé cet établissement en 2021 avec pour mission d’offrir à tous les enfants neurotypiques comme neurodivergents un environnement dans lequel ils peuvent apprendre, grandir sans jugement, ni étiquette, mais aussi et surtout recevoir toute l’attention qu’ils méritent. 

Un parcours semé d’embûches 

Le chemin de Jessica Auguste vers la compréhension de l’autisme a commencé bien avant la naissance de Lucas. Son expérience, acquise lors de ses études en Australie où elle s’est spécialisée dans l’éducation des enfants en situation de handicap, l’avait préparée à beaucoup de choses. Mais rien ne pouvait la préparer à l’impact émotionnel du diagnostic de son propre enfant. 

« Lorsque Lucas a été diagnostiqué à l’âge de 18 mois, j’ai eu le cœur brisé. Cela a été un choc, même avec tout le savoir dont je disposais déjà. C’est une chose d’étudier l’autisme. Ç’en est une autre d’avoir à accepter que son enfant soit affecté », confie-t-elle. La douleur de l’acceptation a été longue. Mais grâce au soutien indéfectible de sa famille, elle a peu à peu appris à faire face. 

La plus grande épreuve pour Jessica Auguste a été d’essayer d’intégrer Lucas à l’école. 

« Dès nos premières démarches d’inscription en maternelle, on m’a clairement fait comprendre qu’il n’avait pas sa place, juste parce qu’il portait encore des couches », raconte-t-elle, visiblement marquée par cette première déception. 

Les portes se fermaient systématiquement. Chaque école lui fournissait la même réponse : Lucas, non verbal et nécessitant une attention particulière, était persona non grata dans le système éducatif traditionnel. « Chaque rejet ou chaque porte fermée a renforcé ma détermination à faire en sorte que les enfants comme Lucas aient une place dans notre société », confie-t-elle.  

Transformer la douleur en espoir

En effet, chaque refus n’a fait qu’enflammer la détermination de cette mère courage. Ce rejet n’a pas seulement alimenté son désir de défendre son fils, mais il a aussi nourri sa vision d’un monde meilleur pour tous les enfants qui, comme Lucas, sont laissés de côté par le système traditionnel. 

La pandémie de COVID-19 a marqué un tournant décisif. Jessica Auguste, qui avait mis fin à sa carrière pour ne pas prendre le risque d’exposer son fils au virus, vu qu’il est particulièrement vulnérable et ne consomme aucun fruit et légume, a pris une décision importante. « Après tout ce que nous avons traversé, je voulais faire quelque chose de concret. Je ne voulais plus juste me battre seule ; je voulais partager cette bataille. C’est ainsi qu’est née la Butterfly Pre-Primary School. » 

Le projet a débuté modestement en 2021 avec seulement 11 enfants. Mais l’école a rapidement grandi. Aujourd’hui, plus de 30 enfants avec une communauté d’autistes grandissante y sont accueillis. Toutefois, ce n’est pas seulement une école. La Butterfly Pre-Primary School est devenue une communauté où l’inclusion est bien plus une réalité quotidienne qu’un simple concept théorique. 

« Nous avons des enfants qui viennent ici, parfois non verbaux, qui ne savent pas manger seuls ni interagir avec les autres. Mais ici, ils trouvent plus qu’une éducation. Ils trouvent de l’amour, de la patience, et avant tout, de l’acceptation », explique Jessica. 

Une école pas comme les autres

Ce qui distingue la Butterfly Pre-Primary School des autres écoles, c’est la philosophie qui guide son fonctionnement. Ici, il n’y a pas de jugement, pas de distinction entre les enfants neurotypiques et neurodivergents. « Quand ces enfants passent la porte de l’école, ils choisissent d’être ici. Ils se sentent accueillis, aimés et en sécurité. C’est ce qui fait la différence. » 

Les progrès réalisés par certains de ces enfants sont des miracles quotidiens. « Il y a un garçon de quatre ans, non verbal, qui est arrivé ici. Au bout de quelques mois, il a commencé à chanter, à nommer les objets et à participer activement aux activités. Pour nous, chaque progrès, aussi minime soit-il, est une victoire », raconte Jessica Auguste avec émotion. 

Cependant, ces victoires ne sont pas faciles à gagner. L’école fonctionne grâce à l’abnégation d’enseignants passionnés qui acceptent des salaires modestes par conviction. Grâce au Scheme mis en place par le gouvernement, Jessica Auguste a pu instaurer la gratuité totale pour tous les élèves, démocratisant ainsi l’accès à une éducation inclusive de qualité. 

« Il n’y a pas de frais d’inscription et aucune contribution financière pour le matériel scolaire. Les parents doivent uniquement se soucier de fournir un repas à leur enfant. Nous faisons de notre mieux pour offrir ce qu’il y a de mieux, même si parfois les ressources manquent », souligne-t-elle. 

L’inclusion : un droit, pas une faveur 

La vision de Jessica Auguste dépasse largement les frontières de son établissement. Elle milite infatigablement pour que l’inclusion des enfants autistes dans la société ne soit pas perçue comme une faveur, mais comme un droit fondamental. « Ces enfants ne sont pas inférieurs à d’autres. Ils ont des talents, des capacités et un avenir. Ils doivent pouvoir grandir dans un environnement qui les accepte tels qu’ils sont », lance-t-elle. 

Son crédo résonne comme un manifeste : « L’inclusion ne doit pas être une option. Elle doit être un impératif. C’est à la société de s’adapter, pas aux enfants. » Chaque journée à la Butterfly Pre-Primary School incarne cette conviction profonde, prouvant que ce combat peut être remporté. 

Lucas lui-même témoigne de la puissance transformatrice d’un environnement bienveillant. « Mon fils m’a enseigné bien plus que toutes mes formations académiques », confesse Jessica avec tendresse. « À ses côtés, j’ai découvert la patience, la résilience face à l’adversité et l’amour inconditionnel. Il m’a appris à être une meilleure maman, une meilleure prof et une meilleure personne », explique-t-elle. 

Un avenir d’espoir

Quid de l’avenir ? Jessica Auguste rêve de voir la Butterfly Pre-Primary School se développer encore davantage, d’accueillir plus d’enfants et d’inspirer d’autres initiatives à travers l’île. Elle espère aussi que les parents d’enfants autistes n’auront plus à se battre pour faire accepter leurs enfants dans des écoles traditionnelles. 

« Nous devons cesser de traiter les enfants autistes comme une exception. Ils font partie de notre société. Ils ont droit à un avenir aussi brillant que celui de n’importe quel autre enfant », plaide Jessica Auguste. En cette Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, son message est plus percutant que jamais : « L’inclusion n’est pas une faveur, mais un droit. » Dans son école, chaque journée voit s’ériger un nouveau pilier de ce droit. Pierre après pierre, Jessica Auguste bâtit un monde meilleur, avec l’amour et l’espoir pour seul fondement. 

Son rêve de construire un avenir inclusif

Jessica Auguste fait ressortir que pratiquement partout dans le monde, les personnes autistes bénéficient d’une prise en charge précoce, leur offrant ainsi la possibilité de réussir leur intégration sociale. Elle cite l’exemple de Temple Grandin, professeure aux États-Unis, qui était autiste non verbale durant son enfance. Aujourd’hui, cette dernière enseigne aussi bien aux neurotypiques qu’aux neurodivergents. Elle les guide vers l’obtention de diplômes universitaires. 

« Combien de personnalités mondialement connues sont autistes ? Bill Gates, Greta Thunberg, Lionel Messi, Elon Musk et bien d’autres encore… Pourquoi ne pas investir dans nos enfants neurodivergents à Maurice pour construire un avenir meilleur ? Qui sait, peut-être que notre île abrite le prochain Albert Einstein », indique Jessica Auguste. 

Elle ajoute que le Dr Seuss, célèbre auteur de littérature jeunesse, a dit ceci : « Why fit in when you were born to stand out? » Le souhait de la jeune femme : « Ne demandons pas à notre communauté autiste de s’adapter à des normes rigides. Aidons-les plutôt à se révéler avec tout le potentiel extraordinaire qu’ils possèdent. Il faut tout un village pour élever un enfant… Les enfants neurodivergents sont différents, mais en aucun cas inférieurs. Voilà notre credo. »

Mahend Gungapersad : «On continue d’améliorer nos services car chaque enfant mérite une éducation de qualité» 

Si les autorités estiment que les dispositifs déployés représentent une avancée significative pour l’inclusion des enfants autistes dans le système éducatif, certaines questions demeurent en suspens. L’efficacité des protocoles de diagnostic et d’accompagnement continue de susciter des débats animés parmi les parties prenantes. De nombreux parents et professionnels plaident pour une refonte du système afin de mieux répondre aux besoins spécifiques des enfants et leur offrir des perspectives d’avenir plus prometteuses.

Réaffirmant l’engagement du gouvernement envers cette cause noble, le ministre de l’Éducation, Mahend Gungapersad, déclare ceci : « Nous devons continuer à améliorer nos services car chaque enfant mérite une éducation de qualité. » Il a révélé que 225 enfants atteints de troubles du spectre de l’autisme sont accueillis dans 64 écoles publiques à Maurice, précisant que ces jeunes sont âgés de cinq à 20 ans. 

Soutien logistique et financier structuré 

« Nous avons déployé un ensemble de mesures pour garantir que chaque enfant, quels que soient ses besoins spécifiques, puisse bénéficier d’une éducation adaptée », affirme-t-il. Afin de concrétiser cette vision inclusive, le gouvernement finance diverses organisations et institutions, notamment les organisations non gouvernementales et les écoles enregistrées auprès de la Special Education Needs Authority (SENA), qui reçoivent des subventions substantielles. 

Ces fonds assurent principalement le paiement des salaires des enseignants, assistants, aidants et conducteurs de transport scolaire. Ces subventions couvrent également les dépenses liées aux fournitures pédagogiques, aux services spécialisés et aux repas scolaires. « Nous devons nous assurer que les institutions qui prennent en charge ces enfants disposent des ressources nécessaires », souligne le ministre. 

En ce qui concerne la mobilité, le ministère met à disposition des véhicules pour faciliter les déplacements des enfants. Ceux qui fréquentent les Special Education Needs Resource and Development Centres (SENRDC) bénéficient d’un service de transport dédié. Quant aux élèves des Special Education Needs Integrated Units (SENIU), ils reçoivent un « pass » de bus gratuit ou un remboursement des frais de transport. « Nous savons que le transport est un enjeu crucial pour ces familles et nous voulons leur offrir un maximum de facilités », explique Mahend Gungapersad. 

Accompagnement spécialisé 

Afin de favoriser le développement cognitif et moteur des enfants autistes, l’État propose plusieurs thérapies spécialisées. Parmi celles-ci figurent l’ergothérapie, l’orthophonie et la physiothérapie dans certaines écoles publiques et centres spécialisés. « Nous avons mis en place des dispositifs permettant d’offrir un accompagnement thérapeutique adapté aux besoins de chaque enfant, en collaboration avec des professionnels de santé qualifiés », précise le ministre. 

De plus, l’accès aux nouvelles technologies est facilité grâce à des programmes, tels que les cours d’informatique et le « Sankoré Project », qui visent à encourager une approche interactive de l’apprentissage. « L’utilisation des nouvelles technologies en classe peut grandement améliorer l’expérience d’apprentissage des enfants autistes en leur offrant des outils plus adaptés à leurs besoins », estime Mahend Gungapersad.

En complément de ces mesures éducatives, le ministère de l’Intégration sociale offre des avantages fiscaux significatifs. Une exonération de 100 % des droits d’accise est accordée pour l’achat de véhicules destinés aux enfants souffrant d’autisme sévère ou de handicaps orthopédiques. « C’est une mesure essentielle pour soulager les familles concernées et leur permettre d’assurer les déplacements nécessaires sans contrainte financière excessive », dit-il.

Les enfants autistes intégrés dans le système scolaire classique bénéficient d’un encadrement adapté avec la présence d’assistants et d’aidants pour faciliter leur apprentissage et les aider dans les tâches du quotidien. Cependant, des voix s’élèvent pour demander une amélioration du dispositif d’évaluation et de diagnostic des troubles du spectre de l’autisme afin d’assurer une prise en charge plus rapide et efficace. 
« Nous travaillerons sur un cadre d’évaluation plus structuré en concertation avec le ministère de la Santé afin d’assurer un meilleur suivi », assure Mahend Gungapersad. 

Interpellé sur le sort des écoles privées accueillant des enfants autistes, le ministre affirme que les mêmes facilités et aides financières leur étaient accordées afin de garantir une équité entre les institutions scolaires. « Tous les enfants doivent avoir les mêmes chances, qu’ils soient dans le public ou dans le privé », insiste-t-il.

(Les photos des enfants sont publiées avec la permission des parents)

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