Airbnb, la plateforme de location d’hébergement de courte durée, prend de l’ampleur à Maurice. À ce jour, environ 5 000 hébergements font partie du réseau à Maurice et à Rodrigues. Si ce concept a permis aux propriétaires d’hébergement d’avoir plus de visibilité, les opérateurs dans l’industrie estiment, quant à eux, qu’il faut un meilleur contrôle, car les risques ne sont pas à écarter.
Depuis 2008, Brigitte Cellupica gère la maison d’hôte Les Villas Victoria à Trou-d’Eau-Douce. Elle met ainsi quatre chambres à la disposition des touristes qui viennent dans l’île. Il y a trois/quatre ans, elle décide de devenir hôte sur le réseau d’Airbnb.
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« C’est un client français qui m’en avait fait la suggestion. Il faisait lui-même partie du réseau. J’ai trouvé l’idée très intéressante », relate Brigitte Cellupica. Un choix qu’elle ne regrette nullement. Et pour cause, grâce à Airbnb, sa clientèle a doublé. « J’accueille les clients de plusieurs pays, notamment de l’Allemagne, de l’Italie, de la France, de la Hollande, de la Suisse, de la République Tchèque, entre autres. J’ai bien plus de visibilité et les commentaires laissés par les clients m’aident à améliorer mon offre continuellement », indique Brigitte Cellupica.
Brigitte Cellupica est loin d’être la seule Mauricienne à faire partie du réseau Airbnb. «Il y a 5 000 offres d’hébergement à Maurice et Rodrigues disponibles sur Airbnb », indique Jean-Michel Pitot, président de l’Association des Hôteliers et des Restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM). Des données qui ne surprennent nullement Sen Ramsamy, directeur de Tourism Business Intelligence. « C’est une nouvelle réalité dans l’industrie touristique, une évolution naturelle des choses. D’un côté, il y a l’hôtellerie formelle et, de l’autre, il y a ce type d’hébergement informel. C’est un phénomène qui fait partie du concept de l’économie du partage et qui prend de l’essor à travers le monde au même titre que d’autres concepts tels qu'Uber, Eatmore et Blablacarm », explique Sen Ramsamy.
Pour le consultant en tourisme, avec l’Airbnb, le secteur informel commence à « se structurer ». « Ce sont des bungalows et des chambres qui existaient dans le secteur informel de l’hébergement. Avec la venue de ce concept, ils sont entrés dans la structure, quoi que nous avons toujours d’autres types d’hébergement qui sont loués aux touristes, mais qui ne sont pas enregistrés », fait ressortir Sen Ramsamy.
Les risques
Ce n’est pas Jean-Michel Pitot qui dira le contraire. «Sur ces 5 000 hébergements disponibles sur Airbnb, ils ne sont que 1 100 opérateurs à être dument enregistrés auprès des autorités. La plateforme de location semble rendre les choses si faciles que l’on observe en outre un phénomène de « delicensing », 260 de ces 1 100 opérateurs n’ont pas jugé nécessaire de renouveler leur permis ces deux dernières années», explique Jean-Michel Pitot. D’où l’appel du président de l’AHRIM pour plus de vigilance. « Il convient d’être vigilant, car l’attrait et l’ampleur de l’informel peuvent se révéler dangereux. Il suffit d’un accident électrique, d’un incendie que l’on balance sur les réseaux sociaux et la réputation du pays part en fumée », souligne Jean-Michel Pitot.
Sen Ramsamy évoque également les risques de ce genre de concept. « Le problème c’est qu’il n’y pas de contrôle de l’État. En deuxième lieu, les clients qui résident dans des structures Airbnb et dans le secteur informel ne sont pas nécessairement protégés. La semaine dernière, à l’étranger, un client a été tué en voulant utiliser les facilités d’Airbnb. Donc, les risques sont là », soutient-il. Par ailleurs, ajoute-t-il, le manque de contrôle a un « impact direct sur la qualité des visiteurs ». « Au lieu d’avoir des touristes haut de gamme, des gens viennent à Maurice pour des peccadilles. Et pour cause, il y a des unités d’hébergement qui sont louées à Rs 2 000 la nuit. S’ils sont à quatre ou cinq personnes, cela fait environ Rs 400 par nuit par personne, soit environ 10 euros. Cela nuit, d’une part, à l’image de la destination et, de l’autre, il y a moins de devises étrangères qui rentrent dans le pays », avance Sen Ramsamy.
Du côté des gérants qui font partie du réseau Airbnb, on fait ressortir que « le marché touristique est assez grand pour tout le monde » et « qu’il faut s’adapter aux nouvelles tendances dans le secteur ». « Il y a des touristes qui préfèrent résider à l’hôtel et d’autres qui préfèrent être plus en contact avec les locaux. La plupart de mes clients sont satisfaits avec mes services et leur satisfaction est primordiale », avance Brigitte Cellupica.
S’il est conscient que l’Airbnb prendra encore plus d’ampleur à Maurice, Sen Ramsamy insiste, toutefois, pour qu’il y ait « plus de contrôle, de planification et de l’ordre dans le secteur ». «À travers le Budget, il faudrait venir de l’avant avec des mesures incitatives pour que ces gérants s’enregistrent et soient sensibilisés. Au lieu de gagner Rs 2 000 par nuit, ces gens peuvent toucher Rs 10 000 par nuit en montant en gamme, en offrant un service de qualité et en étant dûment enregistrés. À la fin du jour, c’est le pays qui sortira gagnant. Dans le cas contraire, on risque de se retrouver dans une situation où on accueille beaucoup de touristes, mais qui dépensent très peu.
6 millions d’hébergement dans 191 pays
Airbnb, une plateforme communautaire fondée en 2008 par les Américains Brian Chesky et Joe Gebbia, permet aux touristes de se procurer de l’hébergement directement auprès de particuliers dans des milliers de villes dans le monde. Le réseau propose en effet plus de 6 millions d’hébergement dans
100 000 villes dans 191 pays.
Une nouvelle association voit le jour
Association des Agences de Location saisonnière de l’île Maurice (AALSIM). C’est le nom d’une nouvelle association qui réunit les principales agences de location saisonnière de l’île. Ce sont Guillaume de Bricourt, qui est à la tête d’Oazure Villa Maurice, et Mathieu Appassamy, General Manager de StayMauritius, qui sont les initiateurs de ce projet. « Ils seraient quelque 25 000 touristes à avoir choisi les services des douze agences membres de l’association l’année dernière », indique-t-on dans la troisième édition de Check-In, une publication de l’Association des Hôteliers et des Restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM) publiée ce mois-ci. « Aujourd’hui, n’importe qui peut se mettre sur une plateforme pour louer sa maison. Il faut comprendre que ce n’est pas AirBnB le problème, mais le manque d’encadrement adapté autour de cette activité. Si elle n’est pas correctement régulée, c’est dangereux. Notre initiative est née du besoin de professionnaliser l’activité. Nous souhaitons, dans notre rôle de professionnels, discuter avec les acteurs du tourisme, du privé et de l’État, pour apporter une règlementation de la location-vacances et donc la destination. Notre préoccupation première, c’est la sécurité de tous ces logements, la qualité de l’accueil et l’expérience vécue », explique Mathieu Appassamy, qui assume la présidence de l’AALSIM.
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