Une taxe financière est envisagée par les autorités québécoises pour les non-vaccinés dans les semaines à venir. Cette province canadienne est frappée de plein fouet par la vague Omicron. Ainsi, une nouvelle taxe, la « contribution santé » sera applicable à ceux qui n’ont pas été vaccinés contre la Covid-19, car selon le Premier ministre, François Legault, ces derniers représentent un « fardeau financier ». Inciter les personnes à se faire vacciner par la répression, n’est-ce pas radical ? Des médecins font le point.
Le Dr Ziyad Gunga, chef de clinique et chirurgien cardiaque, explique que c’est un fait que le système de santé dans de nombreux pays est ébranlé par la vague Omicron, qui est en passe d’infecter une proportion considérable de la population, sans oublier le variant Delta qui n’est pas passé aux oubliettes encore. « La majorité des pays affichent un taux de vaccination complète de plus de 70 %, avec un taux marginal des réfractaires à la vaccination. Ces derniers sont, depuis peu, dans le collimateur des autorités. Alors que certains pays européens ont opté pour l’obligation vaccinale : comme l’Autriche ou l’Italie pour les plus de 50 ans, que le président Macron à jurer « d’emmerder les non-vaccinés » en France, le Québec songe à instaurer une taxe pour les adultes qui refusent d’être vaccinés contre la Covid-19 sans justification médicale », souligne le médecin.
Dictature sanitaire
Selon lui, contraindre cette population réfractaire par son porte-monnaie n’est clairement pas la solution pour venir à bout de la pandémie. « Nous pouvons comprendre l’exaspération de beaucoup face à la paralysie du système de santé causée par des services de réanimation, qui sont majoritairement occupés par les patients non vaccinés. Ce n’est cependant pas une raison pour instaurer une dictature sanitaire en discriminant une partie de la population. C’est la porte ouverte à d’autres privations de la liberté des citoyens. Si aujourd’hui, la hargne est contre les non vaccinés, nous n’avons aucune garantie qu’elle ne ciblera pas une autre partie de la population, notamment les fumeurs ou les patients obèses qui risquent d’être réprimandés pour leur mode de vie », avance le Dr Ziyad Gunga.
Devoir des médecins
Le chef de clinique est d’avis que cette politique répressive ne peut être encouragée. « En tant que professionnel de santé, nous devons tout faire pour prodiguer les meilleurs soins à tout un chacun, en oblitérant les divergences de convictions », soutient-il. Il reste convaincu que la vulgarisation des bienfaits du vaccin contre le développement d’une forme grave de la maladie peut convaincre les indécis. « Les autorités doivent faire appel aussi à la responsabilité de l’ensemble de la population, afin de maintenir les gestes préventifs. La bataille est loin d’être gagnée : nous constatons en effet qu’Omicron surpasse l’immunité humorale, puisqu’il contamine les personnes vaccinées ou nouvellement infectées », poursuit-il.
Le Dr Ziyad Gunga affirme que d’autres variants vont surgir et il faudra se préparer en termes de logistique, matériels et de personnels qualifiés, au lieu d’entamer une guerre contre les non-vaccinés.
Faille
Le chirurgien cardiaque soutient que, depuis plus de deux ans, cette pandémie a bouleversé divers secteurs de l’économie. Il met l’accent sur les hôpitaux qui sont sous forte tension avec des interventions et des hospitalisations dites non urgentes annulées. Il ajoute que certains services hospitaliers en Europe peinent à fonctionner, faute de personnel soignant. C’est une sorte de faille dans notre société actuelle. « Alors que nous disposons de plusieurs vaccins à même de réduire la gravité de la maladie, certains décident en toute conscience de s’en passer. Dans tout État libre, nul ne peut être forcé à se faire vacciner. Cependant, l’histoire retiendra l’égoïsme et le paradoxe des antivaccins (antivax) qui, un jour, méprisent les avancées de la médecine et le lendemain se précipitent à l’hôpital afin d’échapper à la mort », conclut notre interlocuteur.
Le cardiologue Yanish Purmah revient sur la politique « No Vax, Pay Tax ». « Cette mesure a des pours et des contres. Le gouvernement québécois évoque une hausse du nombre d’hospitalisations. C’est la province avec le plus fort taux de mortalité, soit environ 12 000. Ils sont entre 10 et 12 % qui ne sont pas vaccinés, mais ils occupent 30 à 50 % des lits dans les hôpitaux. L’idée est que toute la population ne peut payer pour une poignée de personnes », indique-t-il.
Conséquences économiques
Il précise que cette mesure a pour but d’inciter à la vaccination. Sauf que l’imposition d’une taxe aura, selon lui, des effets économiques. « Il se peut que les non-vaccinés aient à payer entre 50 à 100 dollars. On ne sait pas encore comment la mesure sera mise en œuvre. Cela risque d’avoir des conséquences sur les ménages les plus pauvres. Par exemple, une blanket tax de 100 dollars peut représenter une semaine de provisions pour ceux qui ne sont pas aisés. Alors que pour ceux qui ont les moyens, cela ne va pas peser lourd », estime le Dr Yanish Purmah, qui pense que cela va accentuer les « inégalités » envers ceux au bas de l’échelle, où le taux de vaccination est déjà bas.
Confiance bafouée
Le cardiologue croit, par ailleurs, qu’une telle mesure ne fera qu’accroître la méfiance des personnes. « Il y a des personnes, notamment des indigènes qui ne font pas confiance aux autorités. Une telle mesure qui est radicale ne fera qu’entamer davantage leur confiance », prévoit notre interlocuteur.
Proximité
Se prononçant contre des mesures radicales comme la « contribution santé », le Dr Yanish Purmah fait le parallèle avec Maurice, où la booster dose est obligatoire pour qu’une personne ait le statut de fully vaccinated. Pour Maurice, comme ce qui existe à l’étranger, il recommande un service de proximité pour encourager les personnes à se faire vacciner au lieu d’user de la répression. « Si on va vers ces personnes, comme pour les porte-à-porte en période de campagne électorale, pour leur expliquer l’importance de la vaccination, cela pourrait faire changer d’avis de beaucoup de ceux qui sont contre le vaccin », estime-t-il.
Incitation
D’autre part, il préconise aussi que les centres communautaires, qui sont actuellement fermés, soient utilisés pour la vaccination. « Cela serait un soulagement pour les personnes qui n’auront pas à aller loin pour se faire vacciner. On peut aussi offrir des vouchers, des bons d’achat ou encore des pleins d’essence comme incitations », conseille le cardiologue, qui souligne que le negative reinforcement ne porte pas de fruits.
Communication
Le président de l’Association des cliniques privées et directeur de la Chisty Shifa, le Dr Dawood Oaris, n’est pas en faveur des lois répressives pour que des personnes se fassent vacciner. « Il faut un système où il y a une self-discipline. Pour cela, il faut que les autorités communiquent et donnent les bonnes informations au public. Je ne pense pas que la répression soit la solution. Il faut une campagne de communication pour que les personnes comprennent les enjeux », déclare-t-il.
Devoir civique
Le Dr Dawood Oaris met aussi l’accent sur le devoir civique qui doit primer. « Les personnes non vaccinées doivent avoir le sens de la responsabilité. Certes, c’est leur corps et leur décision, mais elles ne peuvent être égoïstes, car elles vivent en société. Elles doivent se protéger pour protéger les autres », avance-t-il.
Cependant, il dit que cela ne peut pas se faire par le biais de moyens répressifs. « Les personnes doivent avoir le choix et elles doivent se rendre compte que la vaccination est la solution », termine notre interlocuteur.
Autriche : amende de 7 200 euros pour les non-vaccinés
L’Autriche a l’intention d’infliger une amende de 7 200 euros (Rs 360 000) aux personnes non vaccinées. Cela à partir de février, date à laquelle la vaccination sera obligatoire dans le pays. C’est ce que révèle un projet de loi autrichien sur la vaccination contre la Covid-19.
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