Le secrétaire de la Mauritius Bus Owners Cooperative Federation, Sunil Jeewoonarain, explique que la concurrence déloyale des taxis et vans ‘marrons’ met en péril la pérennité des opérateurs légaux.
Publicité
Comment interprétez-vous le souhait de la National Transport Authority (NTA) de durcir les sanctions contre les vans dits ‘marrons’, mais aussi leurs passagers ?
C’est une décision plutôt équivoque : d’abord les autorités veulent récupérer les passagers que leur chipent les vans marrons afin de les convoyer vers le futur Metro Express, puis, ils veulent mettre un semblant l’ordre dans ce secteur. Mais la National Transport Authority a, elle-même, une grande part de responsabilité dans la dégradation de cette situation où, aujourd’hui, ces vans embarquent des passagers aux arrêts d’autobus au vu de tout le monde et en totale impunité.
Est-ce raisonnable de pénaliser les passagers qui montent à leur bord ou dans des taxis ‘marrons’ ?
Je peux comprendre le rôle que certains de ces taxis jouent dans des localités où l’absence d’autobus pénalise véritablement les habitants. Là, c’est la responsabilité des compagnies, dont certaines ont souvent refusé de desservir des trajets en mettant de l’avant leur caractère non-viable, c’est là où les taxis marrons ont comblé une lacune. Mais ce sont des cas spécifiques. Quant aux personnes qui s’en servent, elles devraient savoir qu’elles s’exposent à des problèmes, car ces véhicules, étant dans l’illégalité, ne sont pas assurées en cas d’accident. Toutefois, ce sont les vans qui font vraiment un tort immense aux autobus dûment autorisés à opérer. Ici aussi, les personnes qui montent dans ces véhicules sont responsables si elles sont verbalisées par les autorités. Une chose doit être claire. Que ce soient les autobus individuels ou les compagnies de transport, tous opèrent dans la légalité après s’être acquittés d’un certain nombre de permis, sans oublier qu’ils ont des salariés et ont l’obligation de renouveler leurs véhicules au bout de 16 années.
Or, les taxis et marrons échappent à ces contraintes, en raison de leur caractère illégal. D’une part, ils ne créent aucun travail et d’autre part, ils ne sont pas si malhéré qu’ils prétendent être, car nombreux d’entre eux ont déjà un emploi fixe. En leur laissant la liberté d’opérer, le gouvernement met en péril les salariés et la pérennité des operateurs légaux. Si les autorités avaient rapidement appliqué la loi, et assaini la situation dans ce secteur, nous aurions même pu baisser le coût du ticket de bus, avec un flot de passagers stable.
Il faut se rendre compte que chaque année, ce sont 5 000 nouvelles voitures qui sont immatriculées à Maurice.
L’entrée en opération du Métro Express menace-t-elle les activités des entités qui font partie de votre fédération ?
À ce jour, nous n’avons pas de précisions sur les lignes qui seront dédiées aux fameux feeder buses. J’ai même la conviction que c’est un casse-tête pour les compagnies elles-mêmes, car il n’existe pas suffisamment de rues urbaines pour ces feeder buses. Il faut savoir que la grande majorité des rues à Maurice ont été construites pour l’usage des charriots à bœufs, ce qui explique leur étroitesse dans beaucoup de localités urbaines. La mise en opération des feeder buses reste tributaire du nombre de rues qui leurs seront dédiées par la NTA, en consultation avec les collectivités urbaines. Mais, il reste encore des zones d’ombres à ce sujet, c’est la raison pour laquelle nous ne savons pas encore comment seront déployés les autobus individuels qui desservent le trajet Mahebourg-Port-Louis et qui seront les bénéficiaires des permis de feeder buses.
Le Metro Express a pour vocation de moderniser notre transport en commun, dont le désengorgement du trafic urbain. Est-ce qu’il réussira ?
Je n’en sais pas trop, au vu des problématiques qu’il soulève tant au niveau de sa rentabilité réelle, la garantie des postes dans le secteur autobus et, en ce moment même, la relocation de certains habitants à La Butte. Pour faire dans la parabole, durant les premiers jours d’opération du Metro Express, tout sera beau, mais si rien n’est fait pour assurer la sécurité des passagers, la maintenance et le renouvellement des wagons au bout d’une certains période, on court le risque d’un gouffre financier sans précédent. La raison est simple : il n’existe pas de masse critique pour rentabiliser le Metro Express.
Lorsque vous prenez en compte le nombre de personnes qui continueront à utiliser leurs voitures pour déposer leurs enfants à l’école, avant d’aller au travail le matin, ceux qui prendront les bus, parce que la circulation deviendra plus fluide, il va rester peu de personnes pour prendre le Métro. Et je ne parle même pas des peak-hours off où nous-mêmes arrivons difficilement à trouver des passagers.
Dans un bus de 60 personnes, nous ne transportons qu’environ neuf personnes durant ces peak-hours off. Il nous faut nous fier aux heures de pointe afin d’entrer dans nos frais, et, heureusement et contrairement aux compagnies, nous effectuons nous-mêmes certains travaux techniques. Il faut se rendre compte que chaque année, ce sont 5 000 nouvelles voitures qui sont immatriculées à Maurice, cela signifie que la voiture fait désormais partie de la vie des Mauriciens. Elle n’est plus un produit de luxe, mais une nécessité qui leur sert pour une multitude de déplacements, pour le travail, les courses et surtout les loisirs durant les week-ends. Compte tenu de cela, je ne vois pas le Mauricien laisser sa voiture au garage pour monter dans un feeder bus qui le déposera à la gare où il prendra le Métro.
Il y a aussi le facteur de sécurité qui doit être pris en compte, alors la très sérieusement, lorsqu’on consent à un tel investissement. Est-ce que les autorités vont laisser se détériorer la situation comme elles le font en ce moment dans les autobus ? À mon humble avis, le gouvernement sera forcé de subventionner les coûts du Metro Express, ce qui risque de l’endetter encore plus. Mais, je suis attaché au destin de mon pays, je ne souhaite pas voir ce scenario sombre.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !