Ne peut-on rien dire dans ce pays sans se faire lyncher sur la place publique ? Surtout lorsqu’on pointe du doigt le «culte de la performance», la «rat race», l’élitisme… ? Ou les privilèges des nantis ?
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De l’excellence, nous dit-on ? Mais à quel prix pour les pauvres contribuables du pays, pour la communauté mauricienne dans son ensemble, toutes classes sociales confondues ?
L’hystérie collective à laquelle nous assistons dans le sillage de la chronique de Nathacha Appanah sur sa rencontre avec des étudiantes d’une institution de l’Etat est complètement démesurée, disproportionnée, tordue et franchement stupide. La ligne rouge franchie. D’anciennes étudiantes de cette institution, celles des années soixante et soixante-dix, admettent et reconnaissent que les temps ont bien changé.
Fini aussi le temps où un ancien étudiant du Collège Royal, lauréat de la bourse dite d’Angleterre, refusait en mai 75 de se laisser porter sur les épaules de ses camarades, et récusait le slogan «Royal Power», si méprisant envers les étudiants d’autres collèges de l’île.
Notre système d’éducation est loin d’être parfaite. Elle est même très malade. Le constat de Nathacha Appanah, et son courage d’en parler dans une de ses chroniques hebdomadaires au journal La Croix, devrait nous amener à nous interroger sur les failles et travers de notre système éducatif près de 50 ans après l’Independence du pays et voir comment y remédier.
Or, que voyons-nous ? Nous assistons à un déferlement de haine envers l’auteure de Tropique de la violence ! Une véritable diarrhée verbale sur Facebook qui ne vise qu’un seul objectif : compromettre, rabaisser et anéantir la chroniqueuse de La Croix. Cela sent bien mauvais. ‘Allez voir ailleurs’, semblent dire les détracteurs de Nathacha Appanah, ‘mais ne venez surtout pas critiquer la mentalité rétrograde des privilégiées d’un système éducatif aussi pourri soit-il !’
D’où ces réflexes corporatistes des multimillionnaires d’aujourd’hui, anciennes étudiantes de la vénérable institution étatique, à l’encontre de l’écrivaine d’origine mauricienne. Ce qui est ironique dans tout ce branle-bas, c’est que celles qui tirent à boulets rouges contre Nathacha Appanah avouent ne pas connaitre son œuvre littéraire. Et, interprétant mal son propos tel qu’exprimé dans sa chronique critique, elles se lâchent contre elle comme une bande de chiennes enragées !
Tout cela est bien déplorable. Mais il est vrai qu’on ne peut rien dire qui soit un tantinet critique dans le désert intellectuel mauricien. En particulier si on remet en question la compétition féroce et le culte de la performance qui ont cours dans certains établissements parce qu’ils ont fait le bonheur de tant de privilégiées d’aujourd’hui qui s’excitent outre mesure et à tort sur Facebook. C’est l’ère du mépris des élites. C’est aussi celui de la lutte des classes, le combat contre un système colonial qui continue à enfanter – cinq décennies après l’Independence de Maurice – des bourgeoises d’un autre temps et des abominations inacceptables.
Noor Adam Essack
10 juillet 2017
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